Le lendemain, en sortant du travail, je filai de nouveau au centre-ville, mais seul cette fois. J'avais prévu mon coup, emportant des vêtements propres pour me doucher et me changer à la fin de mes heures. En quittant l'entreprise, mes cheveux gouttaient encore le long de ma nuque, m'octroyant un tant soit peu de fraîcheur.
La soirée de la veille, plus que de m'apporter une paix relative quant à Lya, m'avait, au contraire, démontré à quel point nous étions incompatibles. Ce n'était pas une réalité que j'ignorai, nous étions tous les deux au fait que notre mariage était bancal. Mais plus le temps s'écoulait et plus il était difficile de faire comme si tout allait bien. D'autant que les autorités se penchaient sur notre cas.
Nous avions déjà dû passer de deux tests obligatoires — qui se traduisaient pas des entretiens d'une belle heure avec un bureaucrate insensible — par an à quatre et j'avais l'intuition que le stage d'appropriation corporelle me pendait au nez. En tant que mâle procréateur, j'avais le devoir de satisfaire ma femme, de l'engrosser autant de fois que possible et d'aimer cette famille qui me grouillerait dans les pattes. De mon point de vue, c'était inconcevable.
Je savais que nos problèmes venaient de moi. Mon épouse aurait rendu n'importe quel homme heureux, ils avaient d'ailleurs été plusieurs à inscrire son nom durant la cérémonie du choix où je l'avais rencontrée. Cependant, mes préférences personnelles la reléguaient au rang de « bonne copine ».
Elle avait pourtant essayé de me faire sortir de ma coquille, mais mon manque de réactions avait mis à mal ses efforts naissants, jusqu'à les anéantir en totalité. Dès lors, nous avions passé un accord tacite : aucun geste tendre, aucun baiser sauf si nous y étions obligés et, surtout, pas de sexe. Nous étions des colocataires, rien de plus.
Cette situation ne me satisfaisait pas. J'avais honte. Honte de la retenir cloîtrée dans un mariage sans amour, dans une vie sans espoir de futur heureux, dans un couple où je préférais la délaisser pour ne pas avoir à affronter son regard triste qui me suppliait de lui octroyer un minimum d'attention. Et là encore, elle était assez douce et à l'écoute pour me donner de l'espace, pour s'enthousiasmer du moindre geste que j'aurais pour elle...
J'étais au fait que tout n'était pas qu'une profonde gentillesse. Elle savait, elle aussi, que bientôt notre absence de progéniture nous causerait problème. Je n'avais pas encore décidé si elle essayait réellement de me séduire, mais ces derniers temps, elle se montrait plus tactile avec moi. Quelque part, je comprenais sa peur, mais je ne pouvais m'en émouvoir. Car la simple idée de lui faire un enfant me débectait.
Je repoussai ces pensées afin de me concentrer sur mon après-midi de balade. Depuis hier, des itinérants continuaient d'arriver et les boutiques des marchands s'étendaient maintenant jusque dans les ruelles excentrées du centre de l'oasis. Je déambulais, conversant avec divers vendeurs, goûtant des spécialités du monde qui m'étaient inaccessibles en temps normal. Puis, au détour d'une petite place baignée par le soleil et sa chaleur, je tombai sur une troupe de danseurs. J'intégrai la modeste foule qui les mirait déjà et les imitai en m'asseyant sur un muret de pierres.
Parés de vêtements vaporeux et de rubans, leurs mouvements amples et languissants leur donnaient l'air d'être animés par la brise légère qui flottait dans la ville. La musique qui les accompagnait, aux sous-relents de jazz, accentuait la douceur du moment. Je dodelinai de la tête, me laissant emporter par le rythme lent du tempo, scrutant la représentation d'un œil admiratif.
L'affection que je voyais entre les deux danseurs principaux me rendait envieux. J'avais beau être un adulte, Lya demeurait ma seule et unique. Bien sûr, j'avais déjà développé des sentiments pour des personnes de mon entourage, mais je les avais toujours tus, car même si l'homosexualité était acceptée pour toutes les créatures, les humains, eux, devaient s'en tenir aux rapports hétéros.
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Mirage [MxM] [Terminé]
FantasyLes humains sont en voie d'extinction. Dans le désert de Nahari, Syriel mène une vie simple, soumis aux mesures de préservation de sa race. Contraint par un mariage arrangé et la surveillance accrue pour qu'il procrée, il n'a qu'une envie : s'enfui...