Jenny, secouée avec délicatesse par l'épaule, se réveille et cligne des yeux, puis baille. Une main devant sa bouche, elle réalise à nouveau où elle se trouve. Tandis qu'Ngoma lui tend une gourde, une sorte de brouhaha l'interpelle en provenance de l'extérieur.
— Allez, levez-vous miss Jenny, on est rendu à proximité de l'église. J'ai pris la liberté de faire appeler le pasteur.
Cette annonce s'incruste comme un coup de froid dans son être et elle se lève dans la foulée. Le goulot contre sa bouche, elle bascule l'objet et boit la quasi-totalité du liquide afin d'assouvir sa soif. Ngoma est interloqué par la photo, puis détourne son attention inopportune. Jenny lui redonne la gourde, puis range l'image dans une poche de sa robe. Au même moment, la trappe arrière du chariot bascule dans un bruit sourd, accompagnée par sa dose de poussière.
Elle sursaute.
Juste après, la toile se retrouve enroulée par un type de grande taille. Elle le reconnaît à sa silhouette oblongue, c'est le croque-mort de Hovertown. Toujours avec ses bretelles apparentes et son interminable chapeau. Il repose pied à terre et deux volontaires de circonstance se présentent alors à ses côtés.
— Je vais m'occuper de vos parents jeune fille, précise le professionnel, toiseur déjà en main.
Entre-temps, Ngoma les rejoint et dans l'arrière-plan, des gens, interpellés par ce qui s'apparente à une contestation populaire, défilent en direction d'une voix révoltée au loin. Médusée, Jenny reste spectatrice aux deux quidams qui montent dans le chariot, le faisant tanguer par la même occasion. Courbés, par nécessité et à cause du dessin octroyé par l'armature intérieure, ils ôtent en même temps leurs couvre-chefs respectifs, en signe de deuil.
— Nos condoléances, m'dame.
Elle exécute quelques pas à reculons et ils sortent les corps l'un après l'autre, puis les déposent sur un petit plateau en bois, tracté par une mule. L'attelage si particulier du croque-mort renforce la désagréable situation. L'Afro-Américain tend un bras vers Jenny et l'incite à le rejoindre. L'instant d'après, elle se retrouve avec les autres, puis replace son chapeau qui pend à son cou et remercie Ngoma d'un léger signe de la tête. Ce dernier porte une chemise, à défaut de sa veste militaire bleue. Les manches, retroussées jusqu'à mi-biceps, exposent des bras musclés. Désormais sans son couvre-chef militaire, elle découvre sa chevelure ébène dense et soignée.
— Arrêtez ça, monsieur !
L'intervention de l'ex soldat ne manque pas de surprendre Jenny, dont elle comprend l'origine, en rapport aux faits inquisiteurs du croque-mort. En effet, l'opportuniste, sans gêne, vient de faire les poches de ses parents et tient entre ses doigts quelques billets.
— Ben quoi ? Qui va me payer moi ? Vous savez ce que ça coûte, ne serait-ce qu'un cercueil ? J'vous dis pas deux...
— Combien ?
L'intonation sèche d'Ngoma accompagne son déplacement jusqu'à l'énergumène, suivie d'une main ouverte, afin de récupérer l'argent volé. Après plusieurs secondes d'hésitation, le croque-mort se résigne tout de même à le lui rendre.
— Quatre dollars pièce !
Ngoma dévoile alors une liasse de billets, dont il en sépare avec dextérité trois spécimens. Sans demander son dû, il s'empresse de remettre le paquet dans une poche de son pantalon et lui tend plus que le montant exigé. L'autre, piqué au vif, le lui arrache presque de la main. Les regards s'ancrent et se suffisent à eux-mêmes pour déterminer une animosité certaine entre les deux hommes, que tout oppose. Ngoma serre la mâchoire, rejoint Jenny et lui rend le pécuniaire de ses parents. Encore en proie à un réveil compliqué, elle tente de remettre ses idées en place.
VOUS LISEZ
Cow-boy Jenny, Les Larmes De Washita, Tome 1 (En Réécriture)
Historical FictionSuite à un terrible drame à la ferme familiale, Jenny Parson voit son monde s'effondrer. Toutefois, l'aide inespérée d'un mystérieux Afro-Américain, va lui offrir l'opportunité unique de changer son destin si tragique. Dans le flou concernant le ret...