L'écorchée vive 7-2

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Les pieds gelés, Jenny se hâte tant bien que mal le long du cours d'eau. Les planches, usées, balancent de-ci, de-là, au gré des éléments. Certaines ne tiennent plus qu'à un clou et renforcent l'ambiance de plus en plus lugubre de la ville. L'astre, à moitié fondu dans les hautes crêtes qui enclavent ce lieu maudit, annonce déjà les prémices d'un nuit froide. Par endroits, la couverture nuageuse s'effrite. Elle bifurque vers la rivière, entre deux pans de murs à moitié pourrie.

Une fois ses habits propres et ses chaussures posés, elle souffle sur ses mains jointes, mais l'efficacité reste futile et éphémère. Ni une, ni deux, et quand bien même si on la reluque, elle se déshabille. Les gestes, empreints de douleurs à répétition, l'obligent à marquer des pauses successives. Nue, elle entre dans le liquide jusqu'au nombril et tremble comme une feuille morte à la dérive du vent automnal. La chair de poule l'accapare de plein fouet et le froid vient de faire disparaitre son sommeil rédhibitoire.

— Hummm, bon sang !

Médusée, elle analyse son reflet à la surface. Sa pommette droite est enflée, avec en prime un probable magnifique œil au beurre noir. Les différents coups portés par Jacko vont demander des jours de cicatrisation. Mais son inquiétude se porte davantage sur l'ecchymose, sur la partie gauche de son ventre. Rien que de poser sa main dessus occasionne du mal. Elle s'accroupit, joues gonflées, afin d'immerger la zone en question. Le froid la soulage. Elle ferme les yeux un instant, puis commence à retirer toutes ces souillures d'un mélange à la fois terreux et sanguin. Petit à petit, son corps s'accoutume à cette fraîcheur et elle en profite pour basculer son buste et sa tête dans l'eau.

— Brouuu....

Rester en mouvement, sans relâche, car l'hypothermie, encore latente, guette sa chance. Jenny s'arrose. Ses longs cheveux blonds reprennent un peu d'éclat. Elle les démêle avec ses doigts en éventail, histoire d'éviter les gros nœuds à venir. Encore d'innombrables salves d'eau inondent son visage et son corps. Elle frotte au fur et à mesure, puis réitère l'opération. Le jour décline lorsqu'elle se sèche avec ses habits sales, sur la berge. Sa mâchoire tremble et elle se hâte à revêtir ses vêtements propres et ses chaussures. Sans tergiverser et au bord de la syncope, elle rejoint la maisonnette.

Lorsqu'elle passe au niveau du chariot, les bras croisés sur son torse, elle s'immobilise, perplexe, puis recule. Face à l'ouverture arrière et l'angle de vision jouant en sa faveur, elle grimpe dedans, histoire de voir de quoi il retourne. Le plancher craque, ses dents aussi. Ses paupières redeviennent lourdes et l'annonce de la fatigue accumulée pointe son couperet. Elle souffle sur ses mains.

« Merde, faut pas que je moisisse ici. »

Elle soulève la toile et sursaute. Les tirs en provenance de sa vision prémonitoire percutent son âme lorsqu'elle découvre la mitrailleuse. L'horrible scène défile. Chinkawa qui crie. Plume-de-Faucon et les siens qui tombent comme des mouches sous une pluie de balles. Son rythme cardiaque s'accélère, elle vacille, mais se soutient à un arceau. Quelle crédibilité accordée à tout ceci ?

Remise de ses émotions, elle recouvre l'engin de malheur. Nul doute que cette arme donne à Jacko un avantage notoire. Puis son attention se porte sur une petite malle en bois. Elle l'ouvre et baille, mais sa respiration se bloque illico. Elle cligne des yeux, stupéfaite. Sans toucher quoique ce soit, elle quitte le chariot dans l'état où elle l'a trouvé et se trouve vite sur le porche, dont la vétusté manque de la faire trébucher. Une main sur la poignée, sa gorge se noue. Elle ressasse son plan initial : elle doit amener Jacko à la faute. Pour cela, elle doit le faire sortir de ses gonds, mais ça sera quitte ou double. Elle inspire, se donne du courage, puis ouvre. La porte craque. D'abord, elle reste là, prostrée, puis elle s'avance.

Cow-boy Jenny, Les Larmes De Washita, Tome 1 (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant