Le dernier jour

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Dernier jour de la fête de Gion. Le plus dur, le plus long, disait-on. Je m'éveillai dans les draps à l'odeur d'anti-mites de l'hôtel APA, où j'avais fini la soirée avec Hide. Tu parles d'une couverture... Tout le monde avait dû nous voir.

— Tout ce que les gens ont vu, m'assura Hide en sortant de la douche, c'est un type qui amenait une femme dans sa chambre d'hôtel. Et encore, ce n'était que le réceptionniste.

— Et tu crois que les gens ne vont pas faire le lien entre moi, la seule étrangère du matsuri, et ta gaijin de femme ? Je te raconte pas ce que j'ai entendu, Hide. La fille que j'ai tabassée hier disait que l'épouse de Ôkami était une entraîneuse de Roppongi...

— Laisse les gens parler, répondit Hide en caressant gentiment mes cheveux. Dis-toi que 90% de ce qu'ils racontent, c'est n'importe quoi.

— Mais j'ai l'impression d'avoir souffert pour rien, ces deux derniers jours !

— Je te demande juste un dernier effort. Ce soir, ce sera fini. On rentrera tous ensemble à Tokyo, et je vous paierai à tous un super resto.

— On sera trop fatigués pour aller au resto, bougonnai-je en roulant dans les draps. Et je suis morte, Hide. J'ai mal au ventre, mal à la tête... et à cause de toi, j'ai pas dormi de la nuit.

Il se pencha, et, amusé, tapota mon ventre.

— Je pense surtout que t'as abusé de la bière hier, plaisanta-t-il.

Je me redressai d'un bond.

— Comment oses-tu ! fis-je en le tapant sans trop de conviction. Il ne faut jamais dire à une femme qu'elle a grossi. Ne jamais lui parler de son poids, d'ailleurs !

— Je ne dis pas que t'as grossi, Lola. Juste que tu as un mignon petit biru-bara... mais ne change rien, j'aime bien.

— C'est ça, essaie de te rattraper aux branches... ! Tu me trouves grosse, c'est ça ?

— Pas du tout. Je trouve que tu as des rondeurs là où il faut, aux endroits stratégiques.

— Rondeurs ! C'est un mot à bannir de ton vocabulaire, Hide, si tu prétends savoir parler aux femmes.

— Je viens de te dire que ça me plaisait...

— Allez, stop. Tu t'enfonces !

Je me levai, passai devant lui pour entrer dans la salle de bain. Hide avait l'air franchement étonné.

— Est-ce que Miyabi... avait des rondeurs, elle aussi ? demandai-je l'air de rien.

— Miyako ? Non. Elle était comme sa sœur, extrêmement mince.

Je tournai la tête, vive comme un oiseau. Je m'en doutais bien. Avant moi, Hide avait favorisé les filles délicates et évanescentes, comme Noa et sa jumelle. Qu'est-ce qui l'avait fait s'intéresser à un mix improbable de paysanne normande et de mangeuses de fèves égyptienne, dont le métabolisme et le physique était le strict opposé de ce qu'il appréciait chez une femme jusqu'ici ?

Au moment où je sortis de la douche, Hide me tendit une boîte.

— Tiens, c'est un nouvel iPhone. Tu pourras mettre ta puce dedans et rester joignable. Et voilà un ticket pour ton petit déjeuner... Mange bien, surtout. Le dernier jour, c'est le plus dur.

— Je ferais peut-être mieux de faire l'impasse, dis-je sombrement. Pour mon régime...

— Si tu veux vraiment perdre du poids, je t'emmènerai courir avec moi, si tu veux, proposa Hide. Mais je veux que tu manges ce petit-déjeuner.

FEMME DE YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant