Interlude 19 : Hide

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Je me tiens devant le QG du clan Kiriyama, auréolé de colère comme une de ces statues de bouddhas courroucés. Mes hommes sont autour de moi, Masa à mes côtés, armés jusqu'aux dents. L'air est chargé de tension, et je sais que cette confrontation avec mon ancien ami d'enfance est inévitable. Yūji, mon jeune apprenti, est mort. Une vie pleine de promesses, perdue à cause d'une altercation stupide. Ça, c'est la version officielle, qui nous est parvenue sous forme de lettre d'excuse, avec une « somme de dédommagement » lors des funérailles... Mais ça ne suffit pas. Kiriyama me doit des explications.

On a rencontré une petite résistance à l'entrée, comme il se doit. Mes hommes ont un peu secoué ceux de Kiriyama, mais ces derniers ont facilement cédé, nettoyant suffisamment les lieux pour me faire une haie d'honneur. En entrant dans l'immeuble, je scrute les environs d'un œil noir, tout en faisant craquer mes phalanges. Faut que je cogne quelqu'un, que je trouve un responsable pour évacuer ma colère. Mais Yama est absent. C'est son premier lieutenant, Watanabe, qui nous reçoit. Il se redresse, visiblement nerveux, et s'incline légèrement.

— Ōkami-sama, je suis désolé pour ce qui est arrivé à votre apprenti, dit-il, sa voix tremblante. J'espère que vous avez bien reçu le modeste témoignage de notre contrition que nous vous avons fait envoyer...

Je le fixe avec un regard métallique.

— Désolé ? Des excuses et un peu de fric ne ramèneront pas un jeune homme à la vie, Watanabe. Tu sais ce qu'on dit : une vie pour une vie. Qu'est-ce que tu comptes faire pour payer ? C'est une déclaration de guerre, que vous nous avez envoyé. Et on est là pour y répondre.

Watanabe se redresse, les mains légèrement tremblantes.

— Notre kumichō ne pensait pas que ça irait aussi loin. Nous ferons réparation ! Nous travaillons à retrouver le coupable, c'est pour cela que le boss est parti... Un petit doigt ? Un bras ? Qu'est-ce qui vous paraît le mieux ? Bien sûr, une somme compensatoire sera fixée...

Je sens la colère gronder en moi, et je la réfrène avec peine. Mes hommes, impatients, échangent des regards inquiets, prêts à se battre à mes côtés. L'air ambiant est coloré par l'odeur de la peur. Bizarrement, je m'en délecte. En fait, j'ai envie d'en découdre, de laisser éclater ma colère une bonne fois pour toutes. Cette rage que j'ai en moi depuis la mort de Yūji.

Namen'ja ne, kora ! Vous feriez bien de prendre cela au sérieux, Watanabe. Je ne suis pas ici pour des excuses en papier. Ce n'est plus de petit doigt dont il est question !

Il s'agenouille, ses yeux écarquillés.

— Je vous jure, le patron viendra vous trouver et vous présentera ses excuses en bonne et due forme. Laissez-nous une chance de corriger cela !

Corriger ? De toute façon, ce clan est fini. Ils provoqué la mort d'un homme, déclenché une pseudo-guerre pour des intérêts personnels. Épouser Hanako, une gamine qui aurait l'âge d'être sa fille ? Qu'est-ce qui est passé dans la tête tordue de Kiriyama, au juste ? Qu'est-ce qu'il espérait ? S'élever dans la hiérarchie en épousant une katagi, alors que la seule loi qui prévaut ici est celle du plus fort, du plus méritant ? Et moi qui croyais le connaître... Je m'étais trompé sur toute la ligne ! M'être montré si naïf ravive ma colère.

Je me penche légèrement vers lui, ma voix basse mais mordante.

— Je n'ai aucune intention de faire preuve de clémence. Si Kiriyama pense que je vais oublier cela, il se trompe lourdement. Je suis impitoyable, et ma colère est un feu que vous ne voulez pas allumer !

FEMME DE YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant