Interlude 20 : Hide

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Je suis Hanako dans les couloirs, tandis que les révélations de Nobutora s'entrechoquent dans mon esprit. Cette gamine est ma fille. Ma fille. Celle que j'ai eue avec Miyako. Une vie qui aurait dû être pleine de promesses, mais qui est désormais enchevêtrée dans le mensonge et les regrets.

Mais le choc ne s'arrête pas là. La trahison de Nobutora, que j'ai toujours vu comme une figure paternelle, me fait mal, mais c'est l'héritage qui pèse sur mes épaules, qui me terrifie. L'identité de ma vraie famille me frappe comme un coup de tonnerre : les Kiryūin, un ancien clan yakuza, et mes parents, morts, que Nobutora connaissait. Mon grand-oncle... Il est réellement de sang, alors. Je sens mon cœur s'accélérer alors que je réalise l'ampleur de ce que cela signifie. Tout ce que j'ai cru connaître s'effondre, comme un château de cartes.

Et puis, il y a Miyako. Mon cœur se serre à cette pensée. Je pensais qu'elle était morte, mais elle a été enfermée là, juste sous mon nez, dans ce grenier à riz. L'image de son visage, si proche et pourtant si loin, me hante. Je me demande dans quel état elle est, après tout ce temps. Est-ce qu'elle se souvient de moi ? Est-ce qu'elle est brisée ? Comment a-t-elle pu endurer ça ? Je m'inquiète pour elle, pour son équilibre mental après tout ce qu'elle a subi. Est-ce qu'elle est encore la même, celle dont j'étais si amoureux ? La culpabilité me ronge. J'aurais dû être là pour elle, mais je l'ai doublement abandonnée. Je l'ai laissée mettre au monde notre fille toute seule. Vivre dans ce grenier, loin de tout, dépendantes des Onitzuka... Comment vais-je pouvoir rattraper tout ça ?

Les révélations se sont succèdées, chaque nouvelle couche m'atteignant avec la force d'un nouvel uppercut, et je sens ma raison vaciller, comme si je me tenais sur un fil au-dessus d'un abîme.

Je pourrais céder à cette tempête intérieure, me laisser engloutir par ces révélations qui menacent de me submerger comme un tsunami. Mais non. Je respire profondément. La présence de Lola à mes côtés me rappelle qui je suis, me donne un ancrage. Je dois agir avec calme, prendre les choses dans l'ordre.

D'abord, Miyako. C'est là que je dois commencer. Je me dirige vers elle, mon cœur battant à tout rompre. En suivant ma fille, avec ma femme qui suit derrière, et le cousin de ce père que je n'ai jamais connu... Bordel, ça ferait presque mal à la tête. C'est trop. Beaucoup trop.

Finalement, je me retrouve devant ce fameux grenier. Rien à voir avec l'image que Lola s'en faisait : relié à l'habitation principale par une porte dérobée, il a été aménagé en appartement douillet. Lola entre dans mon champ de vision, apparaissant à mes côtés, et je sens une angoisse sourde monter en moi. Que va-t-elle penser en voyant Miyako ? A-t-elle des raisons d'être jalouse ? Mes sentiments, longtemps enfouis, pourraient-ils refaire surface ? Quel visage vais-je lui montrer ? Est-ce que je vais réussir à rester impassible, à ne pas lui faire perdre la face ? Je sais que mon passé avec Miyako la travaille. Je ne veux que pas qu'elle pense que...

Alors que je pose la main sur la porte, un mélange d'espoir et de peur me submerge. Je réalise que je suis partagé entre le soulagement de la retrouver et la crainte de raviver des souvenirs qui pourraient me déchirer. Je jette un coup d'œil à Lola, trouvant un écho à toutes mes peurs dans son regard clair. Cette rencontre va changer nos vies, et je ne sais pas si je suis prêt.

Puis elle est enfin là. Miyako. C'est un choc. Un véritable cataclysme. Elle n'a pas changé, putain. Elle est là, devant moi, et je suis assailli par des souvenirs, par des émotions violentes et contradictoires. C'est comme une horde de démons qui m'attaquent, me tiraillant dans toutes les directions. Le soulagement. L'espoir. La douleur. La culpabilité. La honte. Mais au milieu de ce tumulte, une pensée émerge : elle est là, bien vivante, en pleine forme. Pour la première fois, j'ai l'impression que le passé est derrière moi. Toutes ces horreurs n'existent plus, désormais. Son beau visage en larmes, le sang, les cris, les regards suppliants qui me hantent encore aujourd'hui. C'était la toute dernière image que j'avais d'elle. Désormais, je n'ai plus que ce visage, celui qu'elle me présente, souriant, un peu hésitant. Ces grands yeux noirs et profonds, cette peau diaphane et délicate, sans défaut. Miyako. Mon premier amour. La mère de notre fille, Hanako. Qui nous présente l'un à l'autre, comme si ces retrouvailles d'outre-tombe étaient normales.

— On se connaît ? me demande-t-elle de sa voix douce.

Elle m'a oublié.

Et, un peu incrédule, je me rends compte que je suis soulagé.

Je ne l'aime plus. Du moins, pas comme Lola.

Ce n'est plus qu'un souvenir. Un souvenir vivant... et à présent, j'ai du mal à comprendre pourquoi il m'a hanté si longtemps.

FEMME DE YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant