L'ombre de Ginza

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Après avoir raccompagné Sao au métro, je fis quelques pas à Ginza pour aller regarder les illuminations de Noël. J'avais besoin de me changer un peu les idées avant de retrouver mon appartement vide.

À Tokyo, les endroits les plus populaires pour profiter des illuminations de Noël sont Ginza, Roppongi Hills, Ebisu et Omote-sandô. Quand j'étais étudiante, j'étais capable de marcher de Shimokitazawa jusqu'à Yotsuya, tout ça pour éviter de prendre le métro. J'aurais pu passer ma soirée en marchant jusqu'à Aoyama... mais cela faisait tout de même un peu loin. Je décidais de marcher au moins jusqu'au sanctuaire Hie, d'y faire éventuellement un petit tour nocturne — j'adorais l'ambiance des sanctuaires shintô la nuit — et de prendre le métro à Akasaka. J'envoyai un message à Hide pour lui dire où j'étais, un protocole qu'il me forçait à suivre depuis l'histoire avec le Si Hai Bang.

Ma soirée entre copines est terminée. Je rentre à pied.

La réponse ne se fit pas attendre :

De Ginza ??? Yûji vient te chercher avec la voiture.

Je lui répondis que ce n'était pas la peine, que je voulais marcher, et que je prendrais le métro à Akasaka. Il n'insista pas.

Je finis d'ici une heure. Je veux que tu sois à la maison quand je rentre. Sinon, j'envoie Masa et ses hommes. Envoie-moi ton itinéraire.

Masa et sa brigade de tueurs échappés de Pyongyang... La menace ultime. Je pris une capture d'écran du petit parcours que je m'étais tracé pour calmer Hide. Je savais que Masa avait un appareil pouvant tracer les téléphones, qu'il avait les coordonnées du mien et n'hésiterait pas à s'en servir le cas échéant. Masa avait gardé l'aura d'un grand-frère pas trop commode, et je restais gênée en sa présence : après tout, je lui avais fait perdre un auriculaire. Heureusement qu'il tirait de l'autre main...

Sur la grande avenue, je passai devant le restaurant d'oden où Momoka m'avait donné rendez-vous il y a quelques mois. Puis devant le grand magasin Wakô, où se fournissait la famille impériale. Au bout de l'avenue, il y avait le palais impérial, dont on ne voyait que les immenses jardins, et toutes les infrastructures de la politique japonaise, comme le Parlement. C'est vrai que ça faisait une sacrée trotte jusqu'au sanctuaire Hie... Je n'étais pas au bout de mes peines. Heureusement, je portais des chaussures plates.

J'étais en train de penser à tout ça lorsqu'une silhouette familière sortit d'un immeuble devant moi. Ce pas vif et gracieux, ce port de tête altier, ces longs cheveux couleur miel, soigneusement coiffés... Noa.

Je ne sais pas ce qui me prit. Je me mis à accélérer le pas pour la rattraper. Je ressentais comme un besoin urgent de lui parler. Pourtant, je me doutais bien que j'étais la dernière personne qu'elle aurait envie de rencontrer, et normalement, cela aurait dû être réciproque. J'avais lutté pendant des mois avec elle pour récupérer mon passeport, puis pour gagner les faveurs d'Hide... et ce dernier l'avait quittée en lui disant qu'il ne voulait plus jamais la voir. Elle m'avait même vendue à un gang chinois, qui m'avait enlevée... mais il fallait que je lui pose certaines questions, pour qu'elle cesse de me hanter.

Je la poursuivis donc. En dépit de ses talons hauts, elle trottinait bien vite. J'eus du mal à la rattraper.

— Noa ! appelai-je. Noa !

Elle ne s'arrêta pas. Je fis une petite accélération, me mis à courir. Au moment de poser ma main sur son épaule frêle, j'eus un doute affreux : et si ce n'était pas elle, mais Miyabi... ?

Elle se retourna.

— Lola, murmura-t-elle, surprise.

— Noa.

FEMME DE YAKUZA (sous contrat d'édition chez BLACK INK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant