Chapitre 10

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Il ouvrit une paupière. Le jour était levé. Le Lieutenant se réveillait aux aurores, pour la première fois depuis des mois. Lui qui était habitué aux nuits quasiment blanches, ou qui partait tout bonnement se coucher lorsque les premières lueurs du jour apparaissaient.

Renji s'aperçut immédiatement qu'il était reposé. Son esprit était aussi calme que vif, et son corps ne souffrait d'aucune douleur. Aucun mal de tête ne venait aussi troubler son humeur... Car ses cheveux étaient détachés. Lui qui ne s'accordait d'ordinaire même pas le temps de les défaire, parce qu'il rentrait tout de suite dormir.

L'environnement était également curieusement apaisant et paisible à la Soul Society. Les rues étaient désertes, les oiseaux chantaient dans les arbres et... Renji constata que l'eau coulait dans son jardin. Cette remarque était erronée. Il entendait en réalité les clapotis grâce à la tranquillité et au silence régnant.

Le Vice-Capitaine se surprit à ne ressentir ni de la fatigue et encore moins de souffrance, bien au contraire. Il se sentait en paix, léger... Aimé. Mai. Renji tourna si soudainement sa nuque que celle-ci craqua, mais le Lieutenant feint de ne rien remarquer. Car Mai ne se tenait plus à côté de lui. Son futon avait aussi disparu.

Alerte générale. Le niveau d'alerte et l'ouïe du Vice-Capitaine étaient entièrement défaillants. Renji se redressa si brusquement que... Il la vit. Au bord de la rivière, les pieds dans l'eau, Mai s'amusait avec un petit chat noir. Elle était en pyjama, la chevelure coiffée hâtivement en chignon bas et le maquillage n'existait pas sur sa peau si blanche que celle-ci pouvait parfaitement refléter les rayons du soleil.

Renji s'interrogeait de mille et une façons : où Mai s'était endormie ? Depuis quand était-elle réveillée ? S'ennuyait-elle ? Et surtout : la nuit avait-elle été réelle ? Lorsque la princesse tourna son regard avec une expression si indescriptible vers le Lieutenant, il sut qu'ils s'étaient unis. Les souvenirs revinrent de suite en mémoire pour le Vice-Capitaine.

Les yeux, les lèvres, la poitrine, les mains : le goût, l'odorat, la vue, le toucher... Arrêt. Le cœur de Renji s'emballa dans ses mouvements. Tout, chaque détail était réaliste.

Le Lieutenant se leva immédiatement, notamment parce qu'il voulait rejoindre Mai avant qu'elle n'ait traversé tout le jardin. Pieds nus, au naturel : elle était belle Mai. Et le détail qui faisait toute la différence était son sourire. Enthousiaste, envoûtant et sincère.

La distance qui séparait Mai et Renji parut insurmontable et insupportable pour les amoureux, qui ne laissaient pourtant paraître aucune impatience sur leur visage et dans leur démarche. « Puis-je tomber dans ses bras ? » « Acceptera-t-elle que je l'embrasse ? » : la princesse et le Vice-Capitaine ressentaient une légère et insignifiante incompréhension, qui s'évapora tout de suite quand son Altesse et le Lieutenant se firent face.

Le regard était indubitablement le miroir de l'âme... Mai s'approcha délicatement de Renji, qui lui tendit ses bras pour qu'elle vienne s'abriter. Lorsqu'il sentit le corps chaud de la femme qu'il aimait contre son torse et ses jambes, le Vice-Capitaine plongea de suite sa tête dans le cou parfumé de la princesse.

Or, Mai n'attendit pas dix secondes pour relever ses yeux, les plonger dans ceux amoureux et reconnaissants de Renji, et l'attirer vers elle par le col de son peignoir pour l'embrasser... D'un baiser aussi pudique que passionné. « Je t'aime », « Tu m'as manqué », « J'espère que tu vas bien », « Je prendrai soin de toi aujourd'hui, comme tous les autres jours » : le Lieutenant ressentit tout l'amour de la princesse... Son admiration, et son respect. Renji serra Mai fort contre lui. Il ne lâcherait pas. Jamais.

- « Écoute, puisqu'il n'y a que nous deux ici, je vais partager quelque chose avec toi : pendant des décennies, qui semblaient être une éternité, j'ai grandi séparément de l'idée que je pouvais être aimé. Je m'étais tellement éloigné de cet idéal que j'évitais de réfléchir à tous ses bienfaits. Mais la personne qui a finalement fermé cette distance et qui m'a réconcilié avec l'amour, c'est toi. Voilà pourquoi j'ai décidé qu'à chaque fois que tu te sentiras incapable d'aller de l'avant, je te porterai et je te pousserai. Voilà ce que je ferai jusqu'au jour où tu lâcheras ton dernier souffle. ».

Elle était spontanée, cette déclaration d'amour. Improvisée mais mystérieusement réaliste et honnête. Une larme coula doucement sur la joue de Renji, qui se serait cru jusqu'à la veille incapable d'aimer à nouveau. Il resserra son étreinte, et aurait même parié que Mai se détacherait de lui. Oui, mais pas immédiatement. Parce que la princesse glissa ses doigts sur les hanches du Vice-Capitaine, notamment pour poser son oreille contre son buste, et se caler à sa respiration.

- « Une jeune femme a glissé un soir à l'homme qu'elle aimait et considérait qu'il y a plein de choses qu'elle aurait voulu faire... Devenir maîtresse d'école, cosmonaute, pâtissière, commander tous les beignets chez Mister Donut, acheter tout ce qu'il y a chez thirty-one... Si seulement elle avait eu cinq vies. Elle serait née à chaque fois dans des villes différentes, elle se serait goinfré à chaque fois de plats différents, elle aurait fait à chaque fois un travail différent, et à chaque fois... elle serait tombée amoureuse de la même personne. Son avis est le mien. Je t'aime Renji, et je t'accompagnerai jusqu'au dernier gramme de ta vie. ».

Renji ne put maîtriser les larmes sur ses joues. Une femme l'aimait. La plus belle, la plus intelligente. Une princesse. Une étoile. Il se sentait tout petit à ses côtés. Intimidé, mais étrangement fier et chanceux.

Mai et Renji restèrent un moment silencieux, comme si le Lieutenant se chargeait de l'énergie de la princesse, et comme si sa Grâce profitait de la force du Vice-Capitaine. Jusqu'à ce que son estomac gargouille, et que le rire chaleureux et réconfortant de sa Majesté envahisse le jardin.

- « Quelles activités voulez-vous réaliser après le petit-déjeuner ? », demanda-t-il en descendant ses mains jusqu'à celles de Mai pour les serrer.

- « Me préparer sereinement, lire... Surtout le « Seireitei Communication » que j'ai vu sur la table basse. Et pourquoi pas en début d'après-midi visiter la Neuvième Division et plus précisément au Département d'Édition pour rencontrer le Capitaine et le Lieutenant, qui est l'éditeur en chef de cette Correspondance Civile des Âmes Pures ? », lui répondit-elle avec son sourire malicieux du coin des lèvres.

- « Vous découvrirez ainsi bien plus tôt que prévu mon secret... Et inutile de m'interroger, je ne dirai rien. », lui rétorqua-t-il en sortant de ses poches un paquet de noisettes. Renji adorait grignoter ce fruit toute la journée, et en proposa naturellement à Mai, aussi abasourdie qu'impatiente.

- « Que vous ayez écrit « Allons-y Shikai », une série en trois parties qui est tant vantée, et dans laquelle vous donnez des conseils sur les bases d'un combat ? Je l'ai dévoré, et j'étais obligée parce que je ne souhaitais pas paraître idiote et ignorante devant des hommes courageux tels que le Capitaine Kenpachi et vous, bien sûr. », avoua-t-elle en avalant trois à quatre noisettes d'un seul coup, tout en se dirigeant vers la terrasse ensoleillée. Mai semblait flotter quand elle marchait.

Renji jura dans sa barbe. De quelles façons pouvait-il encore la surprendre ? Il savait...

Renji Abarai - Une étoile et un chien errantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant