Chapitre 24

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Le retour à la normalité était étrange. Et par normalité, Stiles entendait sa vie, chez lui. Dans sa chambre vide de toute autre présence que la sienne. Cette chambre silencieuse, dans laquelle il avait passé plus de temps à ruminer qu'à faire ses devoirs – lorsqu'il en avait. Il laissa son regard whisky traîner sur son lit. Et dire que Derek avait déjà dormi dedans... C'était insensé.

Mais incroyable.

Stiles ne pouvait pas se vanter de beaucoup de choses dans sa vie, mais ça... C'était une petite chose qui lui faisait du bien. Lui qui pensait son amant du genre à partir une fois satisfait ne cessait de découvrir à quel point il avait tort, à quel point Derek... Était doux, tout simplement. Pour un loup-garou soumis à l'influence de la saison des chaleurs, il se montrait tendre et respectueux. Pas que tous les êtres poilus de son genre ne le soient pas, simplement... Stiles avait parfois quelques idées reçues qu'il démontait au fur et à mesure que le temps passait. Cette relation, aussi étrange et particulière soit-elle, lui mettait du baume au cœur. Même si Derek n'était pas là pour ça, il l'aidait beaucoup. L'air de rien, Stiles trouvait appréciable le fait que Derek cherche à essayer de lui faire prendre confiance en lui – parce qu'il n'était pas bête, il avait au moins deviné ça. C'était très mignon et inattendu de sa part, l'hyperactif ne faisait que l'apprécier davantage pour cela. Maintenant, il fallait cependant que le loup-garou accepte de se rendre à l'évidence : quoi qu'il ferait pour cela, il n'y arriverait pas. Il ne se rendait pas compte d'à quel point Stiles était abîmé, d'à quel point on l'avait détruit avec si peu de choses. Tout avait juste été brutal et avait fini par s'étaler dans le temps. Même son meilleur ami avait participé et participait toujours, dans une moindre mesure toutefois, à cette espèce de destruction du peu d'amour-propre qu'il lui restait encore. Le rabaisser... C'était habituel et les tacles sur son physiques revenaient de façon régulière. Mais ça allait, Stiles avait l'habitude : il faisait juste au mieux pour en ignorer les conséquences.

Et c'était notamment l'une des raisons pour lesquelles il voulait garder sa relation charnelle avec Derek secrète. Même si l'ancien alpha avait suffisamment confiance en lui pour ignorer des remarques aussi stupides, Stiles savait à quel point c'était agréable de ne pas en recevoir. Lorsque ça arrivait, il avait l'impression que tout s'arrangeait pour lui, en sachant pertinemment que ce n'était pas le cas. Dans son cas, les choses n'évolueraient d'aucune manière, il se devait juste de vivre avec. Hors de question que Derek se prenne la moindre remarque. Ainsi, lorsqu'il retourna en cours le lundi qui suivit, il s'était assuré au préalable de prendre deux douches la veille au soir, et deux douches avant de partir au lycée, après des nuits quelque peu compliquées. Derek lui avait dit qu'il n'avait pas à effacer son odeur... Mais en dépit de ses paroles, c'était ce que Stiles voulait. Pour lui, il s'agissait du mieux à faire, parce que l'air de rien, il tenait à cet ancien alpha un peu grognon sur les bords... Et ne lui souhaitait aucun emmerdement, encore moins par sa faute.

Stiles souffla en arrivant au lycée. Si y aller était une obligation – d'autant plus qu'il avait séché une partie de la journée quelques petits jours plus tôt, il restait appréhensif et quelque peu réticent à cette idée. Recroiser Scott ne l'enchantait pas non plus... Mais ils étaient dans la même classe, et ça restait son meilleur ami.

Il pouvait tout lui pardonner. Il l'avait toujours fait.

Alors, il ne dit rien lorsque Scott vint à sa rencontre et le salua comme si de rien n'était. Comme si ne l'avait pas réellement rabaissé quelques jours plus tôt. Comme s'il ne lui avait pas fait mal au point de le pousser à partir du lycée sans prévenir. Si Stiles sentit un goût amer dans sa gorge à cette constatation, il garda le silence et sourit.

Supporta la remarque sur son corps fin qui se devinait très bien dans ses vêtements larges. Selon Scott, il devrait faire davantage de sport. Mais ça, ça allait : tant qu'il ne reparlait pas de Derek et de son odeur, Stiles pouvait tenir le coup.

- Je m'y mettrai, fit évasivement l'hyperactif.

Le pire, c'est qu'il était du genre à répondre, à ne pas se laisser faire. Cependant, le temps et la manière dont Scott avait changé physiquement le faisaient se sentir tout petit. Difficile pour lui de se défendre réellement lorsqu'il voulait juste qu'on oublie certains détails le concernant – en outre, tout ce qu'il détestait chez lui.

- Par contre, l'autre jour... Je trouve que tu as un peu abusé, mec.

Tout en marchant en direction de leur salle de classe, Stiles releva un regard surpris dans sa direction. De quoi parlait-il ? Sur le coup, rien de précis ne lui venait. Pas même la façon dont il avait quitté le lycée après que son meilleur ami l'ait rabaissé en parlant de son hypothétique relation avec Derek.

- La piscine, explicita Scott en voyant sa confusion. Tu fais ça à chaque fois qu'on a piscine. Tu sais, ça va pas te tuer. C'est juste de l'eau.

Si Stiles se crispa de manière visible, il retint de justesse les mots qui menaçaient de sortir. Scott ne comprenait pas, ne comprendrait jamais. L'hyperactif resserra les doigts sur les bretelles de son sac et garda le silence. S'il relançait son meilleur ami en lui répondant, celui-ci insisterait.

Quoiqu'en fait, il avait l'air bien parti tout seul :

- Puis t'avais pas à... Embrigader Derek là-dedans. Ce qu'il se passe au lycée n'est pas son affaire.

Stiles faillit rire jaune. « Embrigader. » Scott avait le chic pour exagérer les choses. Et même si dans un sens, il avait raison, l'hyperactif n'avait rien fait pour pousser Derek à le défendre. Le loup-garou avait senti son désarroi et s'était empressé de l'aider. Se souvenir de ce fait coïncidant avec les différents évènements de ces derniers jours lui réchauffa le cœur. Oui, Derek tenait à lui. Suffisamment pour le mettre à l'aise et se montrer attentionné avec lui. Leur relation actuelle avait beau reposer sur du sexe et une fucking saison de chaleurs lupines, Stiles l'appréciait sincèrement.

Dommage que les choses ne puissent pas évoluer entre eux.

- Je voulais t'en parler depuis un moment, reprit Scott, le sortant ainsi de ses pensées. Evite de te plaindre auprès de lui pour des choses qui ne le regardent pas. Puis, on ne va pas se mentir, ça ne te rend pas service.

- Mais encore ? Pensa Stiles à voix haute.

Pas que le tournant de la conversation commençait à l'agacer, mais un peu tout de même. Si le châtain se sentait d'attaque pour ne pas fuir et supporter les remarques de son meilleur ami, il n'appréciait que moyennement le fait qu'il lui dire ce qui devait faire ou ne pas faire – d'autant plus que sa peur concernant la piscine ne regardait que lui. S'il n'aimait pas se montrer, c'était son problème : pas celui de cet abruti. Oui, pour le coup, Scott était un réel abruti.

- Stiles, la vie, c'est pas ça, insista Scott. Tu ne peux pas éviter tout ce qui te fait peur. Au bout d'un moment, tu dois porter tes couilles.

S'il y avait du vrai dans son message, c'était si mal dit que Stiles n'eut pas envie de faire le moindre effort. A la place, il rétorqua :

- Parce que t'as porté les tiennes quand Derek t'a dit de me laisser tranquille ?

Sa question rhétorique eut le mérite de clouer le bec de l'alpha un instant. Même s'il ne le devrait pas, Stiles savoura l'air de merlan frit qu'il arbora. Il était vrai que face au loup de naissance, Scott n'avait pipé mot, le laissant emporter Stiles à l'écart sans protester.

Le regard du loup-garou se fit soudainement fort sombre et la façon dont il le fixa changea. De toute évidence, la remarque quelque peu provocante lui avait fait de l'effet. Stiles n'aimait pas se montrer méchant, ni faire mal, mais... Il avait beau pardonner, il n'aimait pas du tout la manière dont Scott lui avait parlé. C'était extrêmement déplacé et blessant. Finalement, la voix du latino perça le silence bruyant du couloir grouillant de monde :

- Tu te plains souvent de ton célibat, mais je comprends pourquoi personne ne veut de toi.

Sur ces bonnes paroles, l'alpha se détourna de l'hyperactif et l'abandonna ainsi, hébété au milieu de la foule d'élèves grandissante.

Sometimes I feel InsecureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant