Chapitre 30

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Il y avait des choses qui touchaient Stiles et des choses dont il avait l'habitude. Mais ce que lui avait raconté Lydia – sans entrer dans les détails – l'avaient passablement perturbé. Pas assez pour qu'il décide de rentrer chez lui en plein milieu de la journée mais suffisamment pour qu'il ignore Scott chaque fois qu'il passait près de lui. Stiles avait beau ne pas avoir confiance en lui, il avait encore suffisamment d'amour-propre pour faire entendre sans un mot son point de vue sur certaines choses. Lorsque son moral était stable, il pouvait supporter des remarques, des blagues sur son physique. Il donnait d'ailleurs souvent raison à ceux qui les lui faisait sans jamais le leur signifier de vive-voix – la simple appréciation qu'il avait de lui-même suffisait.

Mais il ne pouvait pas accepter le fait que l'on doute de sa capacité à aider la meute... Encore moins si la remarque venait de Scott, son meilleur ami qu'il avait déjà sorti d'un nombre incalculable de situations toutes aussi merdiques les unes que les autres. Remettre en doute ce pan-là de la vie de Stiles revenait à effacer tout ce qu'il avait fait jusqu'alors.

Autant dire que son moral ne volait pas très haut et qu'il s'empressa de monter dans sa Jeep une fois les cours terminés. Il avait envie de rentrer.

Mais pas d'être seul.

Stiles résista tout de même à la tentation de demander à Derek venir – s'il le sollicitait trop, l'ancien alpha finirait par en avoir assez de lui un peu plus tôt que prévu. Disons malgré tout qu'il lui manquait et... Merde, oui, il lui manquait. Alors à défaut de pouvoir le voir, il décida de le faire mariner un peu. De lui laisser entendre qu'il pensait à lui.

« Tu viens m'embrasser quand ? »

Stiles rougit. C'était peut-être un peu osé pour un simple rappel, mais tant pis. Il envoya malgré tout le message sans trop hésiter et consacra par la suite son temps à ranger ses cours. Autant faire quelque chose d'utile et de mentalement prenant, de sorte à ne pas trop penser à ce goujat qui lui servait de meilleur ami. Quoiqu'au fur et à mesure des jours, il perdait des points, descendait grandement dans son estime. Disons qu'il n'avait jamais été parfaitement compréhensif et que Stiles commençait à ouvrir les yeux concernant ce sujet. Puis Scott enchaînait les remarques et les dérapages ces derniers temps... Suffisamment régulièrement pour que Stiles commence à voir la récurrence et s'en agacer. Certes, cette fois-ci, c'était Lydia qui lui avait transmis le message – et c'était peut-être la meilleure chose qu'elle avait pu faire. Stiles avait ainsi pu garder son calme face à elle et oublier sa peur de voir sa relation avec Derek étalée au grand jour par les soupçons de Scott. S'il s'était retrouvé avec cet enfoiré devant lui, peut-être que l'hyperactif n'aurait pas mâché ses mots. Oui, peut-être qu'il aurait osé lui dire ce qu'il pensait de ses jugements à deux balles. Sans doute l'aurait-il carrément recadré en lui rappelant tout ce qu'il avait fait pour lui. Stiles n'aimait pas faire cela, s'encenser, se donner un air supérieur... Mais il n'aurait pas eu tort dans sa démarche.

Parce que Scott ne pouvait décemment pas cracher sur lui comme il l'avait fait, surtout au regard de leur passé commun. D'autant plus qu'il avait parlé dans son dos. Était-ce mieux ? Stiles ne saurait le dire. Par contre, lâche, ça l'était de façon sûre. Pour critiquer son physique et ses vêtements, il n'hésitait jamais à faire dans le face à face mais lorsqu'il s'agissait de s'attaquer à ce qu'il faisait pour la meute, il n'y avait plus personne pour assumer.

- Pauvre lâche, cracha-t-il alors.

Mais perturbé malgré tout par les révélations de Lydia, Stiles se laissa tomber sur son lit et poussa un soupir des plus profonds. Il se retrouva à ne savoir que faire. Pas par panique, mais par ennui : rien ne lui faisait vraiment envie. Ainsi, il ne fit rien de plus que traîner sur son téléphone portable, farfouillant dans ses jeux, regardant ses photos, surfant sur internet... Et réfléchissant, en parallèle, à une façon de se venger de Scott, de lui fermer son clapet. Non parce que Stiles était bien gentil, mais il ne supporterait pas son comportement bien longtemps. Il n'avait pas envie de se faire rabaisser chaque fois qu'ils se retrouvaient à avoir une conversation lambda, ni même apprendre par Lydia ou quelqu'un d'autre que cet idiot de McCall le taillait dans son dos. Pourquoi, d'ailleurs ?

- Pauvre merde, marmonna-t-il.

Parce qu'il était aisé de descendre quelqu'un que l'on savait moralement mal en point. Il ne pouvait en être autrement : impossible pour un loup-garou proche de lui d'ignorer ce genre de signaux qu'envoyait son corps malgré lui. Odeur, crispation, battements de cœur. Stiles n'était pas un secret – ses émotions, encore moins. Avec son statut d'humain on ne peut plus simple, n'avait-il pas tout de la victime idéale ? Bien sûr, il savait que Scott n'avait pas un fond méchant. Mais ses actes l'étaient... Et il était peut-être temps pour Stiles de commencer à le lui faire comprendre. De lui imposer des limites et de se montrer un peu moins conciliant avec lui. Il lui avait beaucoup donné, peut-être un peu trop... Et il s'agissait d'une leçon qu'il n'était pas près d'oublier. Ça lui apprendrait à se montrer trop disponible, trop serviable, trop... Gentil.

Stiles avait beau avoir une piètre estime de lui-même, il considérait avoir droit au même respect que n'importe lequel de ses amis. Ils n'avaient de différent que leur nature, leur espèce : et même ça, pour Stiles, ne justifiait pas la moindre discrimination à son égard. Cet idiot de Scott verrait bientôt de quel bois il se chauffait.

Enfin pour l'heure, il digérait, espérant secrètement recevoir bientôt un message de Derek, une réponse au sien. Stiles ne demandait pas grand-chose, si ce n'est un petit signe de vie et peut-être... Une démonstration de réciprocité ? Il y avait peu de chances que ça arrive, mais rêver ne faisait pas de mal. Puis Stiles aimait bien rêver, c'était agréable, toujours mieux que de subir un réel décevant. C'est en tout cas ce qu'il se dit en tombant sur des publications un peu niaises qui l'auraient, en temps normal, fait fuir. Pas qu'il n'aime pas ce genre de choses, disons... Qu'il avait tendance à s'éviter toute forme de contrariété. L'amour, ce n'était pas pour lui. Il ne s'imaginait même pas en couple tant l'idée lui paraissait improbable. Mais cette fois, il scrolla avec lenteur sur son vieux téléphone, laissa les mots niais et les images attachées s'imprimer sur sa rétine.

Et malgré son habitude de la solitude, il se surprit à envier sincèrement les couples qui lui passaient sous le nez. A souhaiter se retrouver dans le même genre de situation. A vouloir connaître l'amour, ou quelque chose s'en rapprochant. Stiles n'était pas très difficile en termes de critères... Mais il se heurta rapidement à ce qui le paralysait depuis toujours : son manque de confiance en lui, lequel n'était plus à prouver. Comment pourrait-il plaire à qui que ce soit s'il ne s'appréciait pas lui-même ? Il avait toujours considéré ce combat comme perdu d'avance, et ce n'était pas près de changer.

Toc toc.

Revenant à la réalité grâce à ce bruit, Stiles se désintéressa de son téléphone et se redressa sur son lit. Son cœur fit une embardée dans sa poitrine. Il n'attendit pas une seconde et se précipita à sa fenêtre, qu'il ouvrit. La surprise qu'il ressentit se battait d'ores et déjà en duel avec une sentiment de joie inexplicable. Que faisait-il là ? Stiles ne lui posa même pas la question car à peine Derek fut-il entré dans sa chambre qu'il envisagea sérieusement de lui sauter au cou, de l'embrasser.

Il n'eut même pas besoin de lui signifier ce qui était en train de devenir un besoin. Avec un mélange exquis de douceur et de fermeté, Derek le plaqua contre le mur le plus proche, entrelaça leurs doigts et lia leurs bouches dans un baiser d'une langueur extrême.

Stiles ferma les yeux. Il fondit.

Sometimes I feel InsecureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant