Je m'en sens capable

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Chapitre 3

Inej



- Tu veux que je fasse quoi ?

Inej avait presque crié.

Kaz s'appuyait sur sa canne, imperturbable, comme si la demande qu'il venait de lui faire relevait de la science la plus simpliste.

- Je veux que tu t'infiltres chez le maire, et que tu voles une demi douzaine de registres maritimes, répéta-t-il le plus naturellement du monde. Je veux aussi que tu me fasses entrer dans sa salle des coffres.

Son doigt glissa sur la carte, étalée sur le bureau entre eux. Inej secoua la tête.

- T'es complètement fou, Brekker.

- Si tu ne t'en sens pas capable, je peux demander à quelqu'un d'autre.

Inej croisa les bras. Quelque chose dans ce ton-là lui déplut. Elle redressa les épaules.

- Je m'en sens capable, mais là n'est pas le problème.

Kaz resserra sa main sur sa canne. Ses yeux se firent plus sombres, un soupçon de menace en travers des lèvres.

- Fais tes preuves, alors. Plus vite tu choperas le truc, plus vite tu rembourseras ta dette.

Inej sentit soudain sa gorge se noyer d'amertume. Bien qu'il la dépassait d'une tête, elle le toisa, serrant les poings.

- C'est donc à ça que ça rimait ? M'apprendre à crocher toutes ces serrures, les vêtements, les leçons de Kerch, le ...

- Tu t'attendais à quoi exactement ? s'emporta-t-il. Une loge, un massage des pieds, un animal de compagnie peut-être ? Je suis chef de gang, pas chef de cirque !

Sans qu'elle le comprenne tout de suite, ces mots lui firent mal. Inej ne bougea pas, muette de stupeur. Clairement, elle s'était trompée sur son compte. Une autre fille, une qui ne s'était pas retrouvée vendue en esclavage et enfermée dans une maison close l'aurait sans doute compris plus vite qu'elle. Kaz Brekker n'était qu'un voyou comme un autre, une ordure du Barrel, comme il aimait si bien à le répéter. Il le lui avait dit plus d'une fois, c'était elle qui n'avait pas daigné écouter.

Un voile de silence lui tomba sur les épaules. Elle s'en alla d'abord mentalement, puis ses pas se dirigèrent vers la porte.

- Inej ...

Le ton de sa voix la retint, plus vulnérable.

- J'ai déjà demandé à quelqu'un d'autre, mais personne n'y est arrivé.

Elle se retourna, sidérée de cette confession. Ses yeux pleuvaient sur elle, enferrés sur son repli.

- T'en as formé combien des araignées pour voler tes petits secrets ?

- Des dizaines si tu veux le savoir, mais aucune qui ne me fasse aussi froid dans le dos que toi !

Leurs yeux s'affrontèrent, le long d'une croisade silencieuse. Inej ne bougea pas d'un muscle tandis qu'il s'approchait, quelque chose de dur dans le regard. Tout dans sa posture l'effraya.

- Je te l'ai déjà dit, je préfère t'avoir avec moi que contre moi. Mais c'est aussi valable dans l'autre sens. Tu es peut-être dangereuse, mais garde en tête que je le suis tout autant sinon plus.

Comme si je pouvais l'oublier... Elle aurait voulu carrer les épaules et lui tenir tête, mais tout dans son langage corporel sentait la menace immédiate. De secondes en secondes, son courage chuta. Inej baissa les yeux, vaincue par son regard glacial.

Le corbeau sur la rampeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant