Graal avait trouvé l'adresse notée par Le Gamin à l'extrémité côtière de la métropole. Accroupi sur les hauteurs des toits de la ville, résistant au vent qui faisait claquer son manteau, il scrutait, fasciné, l'énorme bâtiment que la nuit sombre et l'opacité de la brume ne parvenaient plus à dissimuler une fois arrivé à proximité. Les bruits du monde s'évanouissaient, les lumières synthétiques vibraient vers son objectif, son cœur hurlait ses palpitations. Graal n'avait jamais été aussi proche de son rêve de dominer le classement. Toutes ces années d'entraînements et de combats acharnés l'avaient porté jusqu'ici, le préparant à ce qu'il allait devoir affronter. Il entendit de petites gouttes tomber sur son chapeau et leva son visage vers le ciel afin de profiter pleinement de ce rafraîchissement.
Graal n'avait peur de rien, mais il avait toutes les raisons de s'inquiéter. Comme le lui avait indiqué Le Gamin, obtenir l'adresse avait été un peu trop facile ; ça sentait le piège à plein nez. Pour se rassurer, il s'imaginait que le n°1 s'était lassé de ne trouver aucun adversaire à sa hauteur (une projection certes, mais crédible) et qu'il lui avait envoyé une invitation informelle.
Au milieu de toutes ces interrogations une seule chose était évidente, la prudence s'imposait.
Il avait privilégié l'attaque par les toits pour plus de discrétion. Il s'infiltra sur celui indiqué sur le morceau de nappe encore maintenu entre ses doigts, lâcha ce dernier dans le mouvement du vent, déjoua la vigilance des gardes qui se trouvaient là et créa une ouverture débouchant sur un conduit d'aération. Après avoir rampé plusieurs minutes, il atterrit dans une petite pièce sombre, sorte de bureau abandonné, et se mêla à l'obscurité partiellement transpercée par les rais de lumière émergeant de la ville. L'infiltration s'était déroulée sans accroc, le plus difficile serait maintenant de trouver Maitreya à l'intérieur de l'imposant bâtiment labyrinthique.
Il commença par s'assurer de l'absence de caméra, puis entrouvrit silencieusement l'unique porte de la pièce pour analyser les alentours. Elle donnait sur un couloir au bout duquel une sentinelle faisait sa ronde. Casque, mitraillette, lunettes à infra-rouges et tenue de combat, il s'agissait d'un soldat d'élite. Graal fut pris d'une satisfaction malsaine en décidant de retourner le dispositif de sécurité contre son ennemi. Il allait l'utiliser pour obtenir l'emplacement de sa cible.
Accroupi, il s'approcha furtivement du soldat puis bondit en un éclair. L'homme n'eut pas le temps de voir d'où venait le danger qu'il était déjà en posture de soumission. Comprenant rapidement la fatalité de sa situation, il avait cessé toute résistance mais niait savoir quoi que ce soit et persistait malgré le supplice infligé par son bourreau pour en être parfaitement sûr. Déçu, Graal mit fin à l'interrogatoire et jeta le corps sur le côté. Finalement, la tâche allait être plus compliquée que prévu.
Paradoxalement cette idée le rassura un peu. Ça minimisait les chances d'un coup monté. Il se mit en tête d'arpenter les salles une à une et de torturer chaque sentinelle jusqu'à obtenir ce qu'il désirait.
Cela faisait plusieurs heures qu'il errait dans les méandres du lieu à la recherche du moindre indice. Les interrogatoires se soldaient toujours par un échec, si bien qu'il avait fini par tuer les derniers soldats sans même leur avoir posé la moindre question. Graal s'impatientait dangereusement.
Heureusement, quelque chose finit par attirer son attention. Comparé à ce qu'il avait vu de l'extérieur, il semblait manquer un étage au niveau du bâtiment principal.
Convaincu d'être sur la bonne voie, il examina les murs, inspecta les meubles, les sols, souleva les tapis, décrocha les tableaux, jusqu'à trouver un escalier consciencieusement dissimulé par un petit mécanisme. C'était un escalier de pierre, étriqué, en colimaçon. Après une rapide inspection, il s'y introduisit.
Arrivé en haut de l'escalier, Graal sut intuitivement que ce qu'il y avait de l'autre côté de la porte représentait le plus grand danger qu'il ait jamais affronté. Sans s'en rendre compte, il s'était immobilisé, le réalisa soudainement et secoua la tête pour revenir à l'instant présent. Il prit une grande inspiration, mit la main sur la poignée, s'engouffra...
Pas de piège, pas d'explosion. Un étrange sentiment de calme et de sérénité fut bizarrement sa première impression. Il pénétra dans une noirceur qu'une lune brumeuse parvenait difficilement à éclaircir. L'une des principales aptitudes de Graal était son 6e sens. Un type de faculté spécifique que l'on nommait OD. Cette OD lui permettait d'avoir toujours un temps d'avance dès qu'un danger le menaçait. Il l'aiguisa à l'extrême.
Le calme apparent laissait peu à peu place à un profond malaise. Cela sonnait faux... Il décida de ne plus bouger tant qu'il n'en saurait pas plus sur ce qui l'entourait. Ses sens étaient-ils altérés ? Qu'est-ce qui se cachait dans la pénombre ? Si ses sens étaient altérés, son intuition, elle, se trompait rarement. Quelqu'un le regardait, il en était certain.
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BY-PASS Alpha
Science FictionSortir de chez soi a perdu tout intérêt. Les rues sont désertées. Le monde n'est plus que virtuel et il permet à chacun de réaliser ses rêves les plus fous, sans risque ou contrepartie. L'extraordinaire a eu raison des gens ordinaires, qui ne jurent...