« Alors, c'était quoi déjà... Ah oui tu prends sur la droite. Tu continues jusqu'au fleuve, tu remontes sur la gauche et tu arrives sur le pont des artistes. Bon ça devrait pas être bien long, quand même ».
La nuit commençait à tomber. En traversant le brouillard au pas de course, Graal essayait de se calmer. Il tenait absolument à éviter toutes sueurs intempestives. Il s'arrêta lorsqu'il vit une caméra de surveillance tourner dans sa direction. « C'est comme ça que la police m'a trouvé la dernière fois... » réalisa-t-il en se collant rapidement contre le mur. Il glissa contre la paroi, passa doucement sous la caméra puis repartit de plus belle, s'évertuant à s'écarter des chemins conventionnels, restant à l'affût de tout observateur mécanique. Ora l'avait prévenu, pour que la rencontre puisse avoir lieu il lui faudrait déjouer les patrouilles de contrôle.
Il lui semblait qu'il faisait plus froid que lors de sa dernière sortie, pourtant il avait beaucoup plus chaud. Pour cause, son allure soutenue et sa tension nerveuse constante associées au manteau qu'il avait pensé à prendre en homme d'expérience du monde extérieur. De toute façon, ce n'était pas le moment de se préoccuper de la température. Il fallait faire vite. Surtout, ne pas se tromper. Il marcha une vingtaine de minutes en suivant à la lettre les indications qui lui avaient été données et arriva devant un imposant pont de pierre. Sa forme originale pouvait présager du nom mais il lui fallu tout de même lire une petite plaque sur le côté avant de voir ses craintes se dissiper : "le pont des artistes".
Il s'approcha. L'endroit semblait désert. Il se mit en évidence, attendant un signe. Personne. « Je n'ai que dix minutes de retard pourtant... ». La pression redescendue, Graal se laissa tomber par terre, à moitié assis. Chaque minute supplémentaire jetait des questions délabrées dans une tornade déjà pleine d'autres débris. Seul, dans l'œil du cyclone, il voyait ses espoirs s'envoler autour de lui. Le temps passa, Graal se lassa. Eden avait dû avoir un empêchement.
Il se redressa quand il vit des lumières au loin. Il plissa les yeux, distingua une voiture ; se cacha instinctivement. Accroupit derrière le rebord du pont il attendit d'en savoir plus.
La voiture s'arrêta et deux hommes en sortirent. « Sûrement des policiers » s'imagina Graal. Leur présence le poussa à descendre discrètement sous le pont. Là, blotti dans l'ombre, il chercha à déchiffrer les intonations interrogatives qui s'échangeaient au-dessus de sa tête. Il se sentit de plus en plus en danger à mesure que les voix approchaient. Il réduisit sa respiration. Il pouvait les entendre clairement maintenant. Ils cherchaient quelqu'un. Lui, certainement. Il s'évertua à ne pas bouger d'un millimètre pour ne pas révéler sa présence, espéra...
— Bah, il n'y a personne on dirait.
— Ouais... Je vais quand même jeter un œil aux alentours pour être sûr.
— Ok, prends la lampe, elle est dans la boîte à gants.
« Fin de l'histoire, conclut Graal les yeux rivés sur le fleuve qui coulait à ses pieds, ils vont me trouver et me ramener, encore... ».
Il voulut sortir de sa cachette, l'air de rien, afin d'éviter que son attitude ne paraisse trop suspecte, mais son corps refusa de bouger... appréhendant d'être appréhendé. Il entendit claquer la portière de la voiture. Il devait prendre une décision. Vite. Il choisit la plus irrationnelle. Tiré par une force invisible, il se glissa doucement dans l'eau.
Elle était glacée. Il s'avança jusqu'à ne plus avoir pied, laissant uniquement ses yeux dépasser à la surface. Il vit l'homme inspecter les abords du pont avec sa lampe, puis descendre sur le bord du fleuve. En le voyant continuer d'inspecter les environs, Graal sut qu'il allait se tourner dans sa direction. Instinctivement, il prit une grande inspiration... et s'immergea.
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BY-PASS Alpha
Science FictionSortir de chez soi a perdu tout intérêt. Les rues sont désertées. Le monde n'est plus que virtuel et il permet à chacun de réaliser ses rêves les plus fous, sans risque ou contrepartie. L'extraordinaire a eu raison des gens ordinaires, qui ne jurent...