Tandis qu'ils se dirigeaient vers l'établissement, Graal ne cessait de garder un œil sur le n°4, attentif à ses moindres mouvements, suspectant continuellement la trahison de son nouveau coéquipier. Cela aurait pu devenir un sujet de discorde si Adam n'avait décidé de rompre la glace en alimentant la discussion.
– Franchement, tu n'as pas trouvé bizarre la façon dont Maitreya se déplaçait ?
– Comment ça ?
– Ses mouvements, là ! On aurait dit qu'il glissait sur le sol, j'ai jamais vu un truc pareil.
– Quoi, tu sous-entends qu'il triche ? C'est comme ça que tu comptes expliquer ta défaite ?
– Oh ça va les leçons de morale ! Avoue que c'était bizarre, non ?
– Oui, il se déplaçait de manière anormale, c'est vrai ; de là à aboutir aux mêmes conclusions que toi... Ça pourrait être le plus grand des hackeurs qu'il se serait fait attraper en quelques jours. Mais là, on parle du n°1 d'Alpha, impossible qu'il puisse passer entre les mailles du filet.
– Mouais, conclut Adam un brin dubitatif.
L'extérieur du Hell's Gate brillait d'une juxtaposition de néons bleus et mauves fluorescents, de puissants projecteurs sur le toit découpant le ciel nocturne en mouvements continus ; l'entrée de l'enfer se voyait de loin. Graal et Adam s'approchèrent. Ils longèrent l'édifice sans prêter attention à l'interminable queue devant la porte principale... Adam était apparemment un habitué. Après avoir serré la main d'un des videurs, il fit un petit signe de tête à Graal pour lui indiquer de le suivre. Ils entrèrent.
A l'intérieur, Graal ne put cacher sa stupéfaction. Une salle immense abritant un authentique lieu de perdition. Des milliers de personnes s'adonnaient à leurs plus grands fantasmes, partiellement éclairés par des lasers multicolores stroboscopiques, partiellement cachés par une fumée artificielle projetée au milieu d'un décors lugubre. Graal ne sut définir le malaise qu'il ressentait. A côté de ce qu'il voyait, le bordel de Chuang-Mu passait pour un paradis immaculé. Devant lui, un homme avançait tiré par une laisse, d'autres dansaient dans des cages accrochées au plafond, la pièce vibrant sous une cacophonie de basses et d'aiguës. Beaucoup étaient déguisés en succubes, goules ou autres démons. Tous semblaient ailleurs, totalement indifférents à ce qui pouvait se passer autour d'eux. Adam dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir sortir un son audible. « Suis-moi ! ».
Ils sortirent de l'enfer par une porte bien gardée, puis montèrent un escalier. Arrivés à l'étage, ils déambulèrent dans des couloirs constitués uniquement de miroirs, du sol au plafond. A nouveau déstabilisé, Graal regardait autour de lui, avec le sentiment de perdre le sens des réalités. Confusion troublante... plus de haut, de bas, de droite ou de gauche. Son image démultipliée à l'infini, il eut l'étrange sensation d'être perdu dans un monde qui tournait en boucle. « Par là ! » intervint Adam, en l'aiguillant dans ce labyrinthe hypnotique. Il devait régulièrement lui taper sur l'épaule pour lui rappeler le chemin. Graal chancelait, mais suivait tant bien que mal. Adam l'arrêta d'un signe de la main, se positionna devant l'un des innombrables miroirs, toqua. « Entrez ! ». Ils entrèrent.
Ce lieu, plus classique, permit à Graal de retrouver ses perceptions. La pièce était décorée de manière ultra-sophistiquée, mélangeant subtilement luxe et technologie. Assise dans un fauteuil en lévitation, les coudes posés sur un long bureau sans pied, tournant le dos à une myriade d'écrans de surveillance, se tenait une femme singulière aux cheveux bleus et aux rondeurs prononcées. Elle les dévisagea quelques instants avant de se repositionner confortablement. Assurément la reine du bal.

VOUS LISEZ
BY-PASS Alpha
Science FictionSortir de chez soi a perdu tout intérêt. Les rues sont désertées. Le monde n'est plus que virtuel et il permet à chacun de réaliser ses rêves les plus fous, sans risque ou contrepartie. L'extraordinaire a eu raison des gens ordinaires, qui ne jurent...