25. Dangereux

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À sa grande surprise, Em passait une excellente soirée. Tout comme Charly, il avait craint de se sentir intimidé par les autres personnes présentes, d'autant plus qu'il n'avait vraiment aucun lien avec eux. Au moins chez Sal, il était en quelque sorte l'invité de Wes dans sa famille. Mais alors qu'arrivait le dessert, il se rendait compte avec étonnement que pas une seule fois il ne s'était senti mal à l'aise depuis qu'ils s'étaient tous assis autour de la table.

Paolo, le mari du pasteur, avait lancé la discussion avec un naturel qu'Em lui enviait. Il s'était contenté de dire en souriant qu'on lui avait dit que les voitures étaient son truc, et Em s'était retrouvé à lui poser des questions sur son Aston Martin Valour, ainsi que la Camaro du pasteur. Aliana s'était très vite mêlée à la conversation, elle-même appréciant beaucoup les voitures en dépit de l'accident qui avait failli lui coûter la vie et l'avait défigurée.

De ce qu'Em avait compris, Paolo aimait les bateaux encore plus que les voitures, et travaillait dans la marine. Il était également à la tête d'une entreprise de secours en mer, dont il parlait avec une immense fierté, et Em lui trouva subitement un air de pirate qu'il fut incapable de se sortir de l'esprit. Il apprit également que le voilier représenté sur le grand tableau au-dessus de la cheminée — nommé Le Capricorne — lui appartenait et qu'il en prenait le plus grand soin pour continuer à naviguer avec.

— Je ne peux pas te promettre de monter un jour à bord, en revanche je peux carrément t'emmener faire un tour dans l'Aston si ça te tente.

— J'aimerais beaucoup, avoua Em en ayant conscience des étoiles qui brillaient dans ses yeux. C'est vraiment cool !

Aliana semblait partager son sentiment, ce qui le fit sourire. Derrière son air nonchalant et son attitude de charmante jeune femme, Em devinait qu'elle dissimulait un caractère d'acier. C'était elle qui avait pris quelques instants, entre deux commentaires sur les voitures, pour lui assurer qu'Herbert Lurdlow ne sortirait jamais de prison. Le ton de sa voix et l'éclat de son regard avait suffi à Em pour deviner qu'elle faisait partie des forces de l'ordre, bien qu'il soit incapable de statuer entre la police ou l'armée. Dans tous les cas, son assurance tranquille avait un petit quelque chose de dangereux qui lui avait promis qu'elle était parfaitement sérieuse dans cette affirmation.

— Ceph m'a dit qu'il y avait une grande route peu fréquentée au nord de la ville, ajouta-t-elle. L'endroit idéal pour accélérer sans crainte de rencontrer quelqu'un.

— Tu me diras quand tu auras un instant pour qu'on fasse ça, compléta Paolo. Je sais que tu as pas mal de travail qui t'attend, mais nous trouverons bien un moment. Propose à Wes, si ça le tente.

Cette invitation fut ponctuée d'un petit sourire complice et Em se sentit rougir alors qu'il se détournait légèrement pour interpeller son voisin, en pleine conversation vestimentaire avec Jen. Poliment, il attendit que celui-ci termine sa phrase, mais il s'interrompit de lui-même.

— Je crois que tu as une invitation en suspens, s'amusa-t-il.

L'air surpris, Wes se retourna et Em fut touché par le petit sourire qui fleurit naturellement sur ses lèvres, éclairant son regard.

— Paolo m'a proposé de faire un tour dans l'Aston, expliqua-t-il un peu vite. Est-ce que tu veux venir ? Je sais que les voitures ne sont pas ton truc mais si jamais tu en as envie...

— Pourquoi pas ? Je veux dire... effectivement, je ne suis pas fan des voitures. Mais ça a l'air grave cool, et je suis pratiquement sûr que tout le monde ne peut pas se vanter d'être monté à bord d'un bolide comme celui-ci. Alors si vous avez une place pour moi... ce sera avec plaisir.

Quelque part, Em avait un peu l'impression que Wes acceptait surtout pour lui et cela le toucha en plein cœur, en plus de le faire rougir de plus belle. À présent qu'ils étaient dans la sécurité du presbytère, entourés de gens qui semblaient capables de faire face à n'importe quoi, Em réalisait qu'ils étaient passés très près de la catastrophe mais qu'il n'avait jamais réellement été en danger. D'entre eux, il n'y avait que Charly qui avait failli avoir de gros problèmes, mais désormais son rire résonnait dans le salon, clair et vraiment joyeux. En fait, le seul véritable danger qui menaçait Em, c'était de tomber encore plus sous le charme de Wes. Et il n'était pas certain de vouloir s'en protéger, bien au contraire.

Tout au long du dessert, la conversation dériva encore, cette fois sur son travail. À nouveau, Paolo et Aliana l'écoutaient avec une réelle attention, sans lui donner l'impression que sa jeunesse le rendait moins expérimenté ou que ce qu'il avait à dire était moins intéressant. Au lieu de ça, ils trouvèrent des parallèles avec leurs propres métiers, le plaçant sur un pied d'égalité particulièrement flatteur.

Le dîner s'acheva toutefois relativement tôt, sans doute par égard pour Charly qui ne cessait de bâiller, et pour la matinée particulièrement éprouvante qu'ils avaient traversée. Sans se concerter, Em et Wes aidèrent tout naturellement à débarrasser la table, jusqu'à ce que le pasteur leur fasse signe de laisser tomber.

— Allez plutôt vous coucher, vous en avez besoin.

— Et ne vous inquiétez pas, ajouta Charly en retenant un nouveau bâillement, vous ne risquez pas de faire des mauvais rêves. Les cauchemars ne vous atteindront pas si je suis là.

— Et le presbytère est protégé contre ça de toute manière, ajouta Rodrigue avec un clin d'œil. Filez au lit, on se retrouve demain.

Charly s'engagea en premier dans l'escalier, Wes sur les talons, et Em leur emboîta le pas aussitôt, non sans avoir croisé le clin d'œil complice de Jen. Cela lui rappela soudain qu'il était sur le point de partager un lit avec Wes, après leur intéressante conversation de la nuit précédente, et il s'empressa de monter plus vite pour que personne ne remarque qu'il avait rougi jusqu'aux oreilles.

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