Chapitre 4

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CHLOÉ

Je me réveille difficilement le lendemain matin. J'ai réglé mon réveil encore plus tôt que le jour de la réunion de rentrée. Mon premier cour est à 9h00 et j'ai besoin de temps pour me préparer à cette nouvelle journée de torture. Me retrouver dans la peau d'une étudiante pauvre et sans avenir me rend malade. J'ai envie de hurler dès que je pense à ma situation. J'ai envie de téléphoner à mes parents, de les supplier d'arrêter cette comédie, cette punition qui ne sert à rien. Je me secoue, je n'ai pas le choix, je ne peux pas me permettre de supplier mes parents. En regardant mon emploi du temps, je suis rassurée : je commence mon année avec un cours d'histoire moderne, le cour de madame Dussaussoy, que j'ai aperçue à la réunion de rentrée. Si elle est aussi passionnante quand elle enseigne que quand elle fait des discours de bienvenue, assister à son cours ne devrait pas être aussi pénible que je le pense.

J'arrive devant la salle quelques minutes avant le début du cours. Des étudiants sont répartis en groupes sur toute la longueur du couloir. Je me pose contre le mur et attends le signal pour entrer dans la salle. J'ai soigneusement choisi mes vêtements, je ne veux pas ressembler à une étudiante paumée, mais je ne veux pas non plus que les autres pensent que j'appartiens au même monde qu'eux. Je porte donc un chemisier en dentelle, au-dessus d'une jupe en cuir noir. J'ai rangé tant bien que mal mes affaires pour cette journée dans mon sac Hermès. Ce sac est mon chouchou, le plus beau de ma collection. Je l'ai eu pour mes 20 ans et, depuis, je ne m'en sépare plus. Des éclats de voix s'élèvent juste à côté de moi, me faisant sursauter. Mon regard se pose sur un groupe d'étudiants qui parlent d'une voix forte. Je ne comprends pas ce qu'ils disent mais la discussion est animée. Soudain, l'un des étudiants recule en éclatant de rire et me bouscule. Je soupire bruyamment, déjà excédée par le comportement vulgaire de ces personnes que je suis obligée de fréquenter. Il se retourne en s'excusant, un grand sourire aux lèvres.

Je me retrouve, effrayée, devant le festivalier d'Avignon, celui que j'ai envoyé paitre. Non mais quelle poisse ! Quelques secondes lui sont nécessaires pour me reconnaitre. Je vois qu'il fait des efforts pour se rappeler mon visage. Je peux presque percevoir ce qu'il se passe dans ses pensées : le festival, les rues bondées d'Avignon, une fille qui insulte sa troupe, ... Son regard se durcit et toutes traces d'hilarité quittent son visage. De mon coté, je n'arrive pas à masquer mon effroi. Je ne peux pas détourner le regard de ses yeux verts. Je ne sais pas expliquer ce qu'il se passe à ce moment-là. Tout ce que je sais, c'est que le monde s'est arrêté de tourner dès l'instant où il a posé ses yeux sur moi. À part lui, plus rien n'existe... Jusqu'à ce qu'il s'approche pour me chuchoter à l'oreille :

- Depuis quand la fac accepte les petites bourgeoises dans ses rangs ?

Il a dit cela dans un murmure, personne d'autre que moi ne l'a entendu. L'univers se remet à tourner, ma gorge devient sèche et aucune réplique cinglante ne me vient à l'esprit pour lui répondre. Son corps penché tout près du mien me trouble, j'ai le temps de respirer son odeur boisée avant l'arrivée de la professeure. Je replace mon sac sur mon épaule et entre dans la salle pour assister au premier cours de ma vie, grommelant intérieurement. Pourquoi est-ce que ça tombe sur moi ? Il pouvait être n'importe où ce festivalier et il faut qu'il soit dans ma promo et dans mon groupe.

Je me questionne sur le trouble que j'ai ressenti en le regardant. Je ne sais pas pourquoi ses yeux ont happé les miens. Pourquoi, sans le vouloir, je n'arrivais plus à détacher mon regard du sien. Certes, il est pas mal à regarder, mais de là à ressentir un trouble pareil... Toute cette histoire de vie étudiante est en train de me faire perdre pied. Je balaie l'idée de ma tête et me concentre sur le début du cours, feuilles, stylos et stabilos pastels prêts à l'emploi.

Petite fille trop gâtéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant