Petite fille trop gâtée

Chapitre 10

CHLOÉ

« Hello les filles ! Rendez-vous au centre commercial pour une virée shopping demain ! Bisous. »

J'avais envoyé ce message à Adeline et Léa la veille et je n'ai toujours pas de réponse. C'est bien la première fois que mes meilleures amies ne répondent pas rapidement à mes messages et qu'elles me font faux-bon pour une séance shopping.

Je suis rentrée ce matin chez mes parents. Je m'attendais à des retrouvailles festives, mais ils ne m'ont même pas accueillie comme je l'aurais voulu. Après six semaines de séparation, où ils ont été privés de ma présence, je m'attendais au moins à ce qu'un gros cadeau m'attende sagement dans ma chambre. Mais non, mes parents se sont contentés de me serrer dans leurs bras à tour de rôle en me disant que je leur avais manquée. J'ai alors osé marmonné que si je leur manquais tant que cela, ils pouvaient très bien revenir sur leur décision et me retirer de la fac, avançant l'argument que ce sera mieux pour tout le monde que je quitte cet appartement minable pour retourner vivre définitivement chez eux. Mes parents ont échangé un regard entendu et sont retournés face à leurs ordinateurs sans plus se soucier de moi.

Je retrouve enfin un semblant de vie normale quand j'arrive dans ma chambre. Mon espace vital m'a manqué ! Ma chambre possède les mêmes dimensions que mon appartement entier. Je me prélasse un long moment dans ma salle de bain avant de fermer les volets avec ma télécommande. C'est bien plus pratique qu'à l'appartement ! Le premier soir où j'ai tenté de fermer les volets de mon appartement, j'ai passé plus de cinq minutes à comprendre le mécanisme et j'ai même réussi à me coincer les doigts... Ici, avec les domestiques à ma disposition, je me sens revivre. Tout est déjà planifié pour moi.

Je profite d'être seule pour relire le message que j'ai envoyé à mes amies. Toujours aucune réponse de leur part... Je songe à mes nouveaux amis. Enfin, je ne sais pas si je peux les appeler des « amis », on ne se connait pas encore assez. Ils ne connaissent rien de moi, excepté le fait que je fais les mêmes études qu'eux, que je dois travailler pour payer mon appartement en centre-ville d'Avignon et que je suis belle en toutes circonstances. En réalité, ils ne me connaissent pas... La personne qu'ils fréquentent depuis la rentrée n'est pas la vraie Chloé. Je ne suis qu'une imposture quand je me rends à l'université, un alter-ego que j'ai créé pour survivre au monde impitoyable de la fac.

Si mes nouveaux « amis » devaient me décrire, ils emploieraient les mots « discrète, effacée, ne rigole pas souvent. » Tout le contraire de ce que pourraient dire Léa et Adeline. Mes amies de toujours diraient que j'aime être au centre de l'attention, que j'aime tout contrôler, que je suis - parfois - autoritaire et que je déteste ceux qui ne font pas partie du même monde que moi. Ces pensées tourbillonnent sans arrêt dans ma tête. J'en ai marre de tourner en rond dans ma chambre. Ma seule occupation disponible pendant ces premiers jours de vacances est de réviser. Mais je n'en ai pas envie, j'ai encore du temps. Je décide alors de ravaler ma fierté et d'appeler Adeline. Cette dernière décroche à la troisième sonnerie.

- Allô ?

- Salut Adeline, c'est Chloé.

- Oh... Salut Chloé, tu vas bien ?

Derrière la voix d'Adeline, j'entends le bruit caractéristique du centre commercial, les bip-bip des caisses du supermarché et le brouhaha environnant ne peuvent me tromper.

- Oui, je vais bien. Je répondis. Tu es au centre commercial ?

Il y eut un blanc avant qu'Adeline me réponde enfin.

- Oui. Oh, Chloé, je suis désolée de ne pas avoir répondu à ton message, j'ai complètement zappé et j'avais déjà un truc de prévu avec Léa.

- Léa est avec toi ?