Petite fille trop gâtée

Chapitre 16

NATHAN

Quand nos sommes en cours, Chloé et moi ne nous adressons jamais la parole. C'est comme un accord tacite. Ni elle ni moi n'avons envie que nos potes apprennent ce que nous faisons tous les deux. Ils deviendraient complètement tarés et voudraient nous mettre ensemble avec encore plus d'énergie que maintenant. Alors on traine ensemble avec toute la bande, on parle des mêmes sujets, on rigole aux mêmes blagues, mais à aucun moment nous nous parlons directement. Même si Chloé m'avait embrassé sur la joue aussi spontanément que si nous étions amis après notre sortie à vélo, elle est redevenue froide et distante dès le lendemain. Nos rendez-vous sont les seuls moments où elle baisse sa garde et où elle devient un peu plus humaine. Je ne sais toujours pas quelle est la vraie Chloé. Est-ce qu'elle fait semblant d'être joyeuse et sociable quand elle est avec moi ? Ou est-ce qu'elle fait semblant de regarder tout le monde de haut ? J'ai besoin de temps pour creuser la question et pour apprendre à la connaitre. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi je m'intéresse à elle. Mais dès la première fois où je l'ai vue, j'ai su que j'avais envie de savoir qui elle était.

J'ai hâte d'être à samedi. Déjà parce que j'emmène Chloé à l'endroit le plus magnifique de la Provence et, ensuite, parce que je l'emmène, elle. Quand elle m'a demandé si on pouvait aller au Ventoux dans ce bar, j'ai eu un mouvement de recul, je sais qu'elle l'a vu. Mais tout le monde aurait fait la même chose que moi s'il avait vu ses yeux pétiller autant. Je n'avais jamais vu ce genre de chose chez Chloé.

Malgré le froid qui commence à s'installer dans la région, je continue à porter mes t-shirts et mes sweats. Je ne crains pas le froid, à moins que les températures soient négatives. Avant de partir retrouver Chloé, je prends juste mes gants en plus, au cas où elle en aurait besoin. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi je pense aux choses qui pourraient lui faire plaisir... Une fois prêt, je me dépêche d'aller au parking des Italiens. Nous avions décidé de nous retrouver là-bas et Chloé avait accepté de prendre sa voiture pour grimper en haut du géant de Provence. Heureusement que nous avons un groupe Whatsapp avec la troupe, sinon je n'aurais pas su son numéro. Elle a dû être surprise de recevoir un message de ma part. D'ailleurs, par message, elle est aussi froide que dans la vraie vie. Elle ne sait pas dire « salut » mais préfère m'accueillir avec un « bonjour » pour être bien sûre que je comprenne qu'on doit maintenir une distance de sécurité entre nous. Je vois sa Mini arriver de loin. Les mains dans les poches, j'attends en sécurité qu'elle se gare. Chloé n'est pas effrayante quand elle conduit, c'est même plutôt agréable d'être son co-pilote, mais on ne sait jamais ce qu'il peut se passer dans la tête d'une fille du Sud. Je m'installe dans la voiture et m'attache tout en la dévisageant. Je ne peux pas cacher ma surprise. Elle a des bottes de neige aux pieds, un bonnet à pompon sur la tête, un manteau d'hiver, des gants et une écharpe tellement longue qu'elle a au moins fait quinze tours pour l'accrocher autour de son cou.

- Tu sais qu'on ne va pas au pôle nord, rassure-moi ? C'est juste le Mont Ventoux.

- Figure-toi que je me suis renseignée et les températures sont bien en dessous de dix degrés en ce moment au sommet. Et il est hors de question que je ne puisse pas profiter du paysage à cause du froid. C'est toi qui aurait du mieux t'habiller.

Je regarde mon sweat d'un air songeur, avant de me dire qu'elle est complètement barjot.

- Je suis très bien comme ça, ne t'inquiète pas pour moi. Je réplique.

- Je ne m'inquiétais pas. Se défend Chloé. Mais ne compte pas sur moi pour partager mes gants.

- J'ai emmené les miens au cas où. Dis-je.

Chloé sourit puis se concentre sur la route. On traverse Bédoin sans s'arrêter cette fois et l'ascension commence.

- Je déteste maltraiter ma voiture comme ça. Grommelle-t-elle au bout de quelques kilomètres.