Rosalia

02. Samael

By Carla Montgomery

Samael
Septembre

🎵 Welcome and goodbye - Dream, ivory

-Bonjour Samael, bienvenue à ta 936 ème séance, comment vas-tu ?

Je me contente de hocher la tête pour toute réponse et entre dans la pièce. Je trouve ma place habituelle sur le fauteuil bleu canard en face du bureau de ma psychologue.

Elle n'est maintenant plus choquée par mon manque de politesse car comme elle me le souligne à chaque séance on se connaît. Cela fait maintenant neuf ans que je viens dans son cabinet deux fois par semaine pendant une heure.

Elle ferme la porte de la pièce et vient s'asseoir sur sa chaise à plume rose posée devant son bureau sur lequel sont posés plusieurs dossiers de clients dont le mien.

Les murs de la pièce sont d'un blanc plutôt vieillot et plusieurs cadres y sont accrochés avec
des pensées inspirantes.

" garde espoir de t'en sortir"

"La meilleure façon d'exprimer ses sentiments n'est pas seulement de parler mais d'agir"

Je ne suis pas sûr de comprendre le sens de ces phrases.

Pour essayer de rendre l'espace  plus accueillant, des énormes bougies sont disposées de part et d'autre sur des tables de différentes formes et couleurs.

-Tu ne m'as répondu qu'avec un hochement de tête, peux-tu utiliser de vrais mots s'il te plaît? Me demande ma psy tout en faisant tourner la bague qui se tient sur son annulaire.

Elle m'agace avec ses questions et elle le sait, ça fait neuf ans que je la côtoie et à chaque rendez-vous elle fait comme si j'allais coopérer et raconter tous mes états d'âme du jour au lendemain.

- Ça va, je vous propose de faire comme d'habitude. Je regarde le plafond et vous, vous jouez à candy crush sur votre téléphone en attendant que l'heure passe.

Oui j'avoue, ce n'est arrivé qu'une seule fois parce qu'elle ne savait plus quoi faire de moi.

Généralement c'est comme cela que la séance se termine; moi refusant de lui parler et elle qui me laisse tranquille, mais quelques fois, comme aujourd'hui elle persiste à vouloir me parler.

Ma psychologue émet un long soupir et s'enfonce dans sa chaise en me fixant de ses yeux vairons, elle essaye de m'analyser, de percevoir une émotion même quelconque mais, à part de la lassitude elle ne trouvera rien.

Je penche la tête en arrière pour contempler le plafond que je connais par cœur maintenant. Quand j'étais gamin, pour passer le temps, je m'amusais à compter les petites tâches noires que composent le plafond.

J'en avais compté 456.

Depuis mes huit ans, mes parents adoptifs me forcent à aller la voir  car je cite "les enfants adoptés peuvent avoir de nombreux traumatismes".

Au début, je cumulais Psychiatre et Psychologue mais voyant que je ne prenais pas mon traitement, les médecins ont décidé d'arrêter les frais.

En effet, chaque cachet que l'on me donnait finissait par la fenêtre.

Donc depuis mes 10 ans je ne vais plus  chez la Psychiatre.

Un raclement de gorge me coupe de ma contemplation du plafond. 

-Samael ? M'appelle la psychologue.

Elle voudrait que je lui accorde mon attention mais je ne me tourne pas vers elle. Je tente désespérément de lui faire comprendre qu'elle m'ennuie. Mes yeux se ferment et j'essaye de penser à autre chose.