10. Rosalia

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By Carla Montgomery

ROSALIA
Septembre

Fade into you - Mazzy Star

A travers les vitres du magasin, j'observe le nuage qui s'apprête à recouvrir la rue d'une pluie battante et d'un épais brouillard opaque. Quelques gouttes recouvrent le sol encore gris clair et sec et l'odeur de terre mouillée me parvient.

Les quelques feuilles jaunâtres qui s'accrochent encore aux arbres en cette saison tombent sous l'assaut du vent qui souffle. Elles volent et virevoltent au gré des nombreuses bourrasques avant de s'échouer négligemment sur le béton.

Le dessin d'un enfant s'envole également pour se faire mouiller par la pluie qui à présent tombe abondamment. Il court le récupérer, et une grimace apparaît sur son visage rond enfantin quand il constate que les coups de crayon sont légèrement effacés et la feuille est gondolée.

Heureusement que nous sommes à l'abri.

J'émets un soupir et me retourne vers l'intérieur du magasin pour hommes, cherchant mon père des yeux.

Mon bus pour Nashville part dans une demi-heure et si nous ne partons pas maintenant je serai en retard.

La compétition a lieu demain matin et j'ai passé le reste de ma semaine à réviser et tentr de me persuader qu'une partie de l'Etat du Tennessee qui me regarde via une télé, répondre à des questions mathématiques n'est rien.

Je suis stressée. Et pas qu'un peu.

Je me dirige vers les cabines d'essayage, passant entre les rayons de gros pulls à carreaux et des rangers pour l'hiver.

Au moment où j'arrive devant les cabines, mon père sort de l'une d'entre elles.

-Tu me trouves comment ? me dit-il en ajustant ses lunettes carrées sur le bout de son nez rougi par le froid.

Mon père porte un jean bleu simple, une chemise à carreaux rouges apparaissant en dessous d'un gros pull gris.

Et pour finir le look, une paire de rangers noirs.

-Tu veux que je sois gentille ou franche papa ? Lui dis-je en retenant mon rire.

Il me gratifie d'un regard faussement sévère avant de sourire et de se tourner vers un des nombreux miroir

-J'ai compris, c'est laid. Rigole-t-il nullement vexé.

Je souris à mon tour.

-Très laid, la prochaine fois c'est moi qui te relook papa mais pas maintenant il faut qu'on y aille, je vais être en retard.

-Je me change et on y va. Un dernier truc ma Rosa, tu ne crois pas que je devrais les prendre ces rangers ?

-S'il te plaît non, c'est immonde et immoral de porter ça. Mais dis-moi papa depuis quand tu veux changer de vêtements, tu as toujours dit que tu en avais déjà assez, et d'un coup tu m'entraînes pour faire toutes les boutiques de Murfreesboro.

Il me regarde d'un air légèrement gêné avant de reprendre une expression plus sérieuse.

-J'ai juste envie de changer de tête, nouvelle ville égale nouveau style.

J'acquiesce en souriant, contente que mon père commence à se remettre du phénomène qu'était Alexandra.

Ma mère a détruit mon père et piétiné son cœur en fracassant mon âme sur sa route comme un ouragan n'épargnant personne.

Je le vois avancer et oublier le passé mais moi j'ai l'impression de rester bloquée dans les abysses sombres de mes anciens souvenirs. J'ai l'impression qu'un matin, je me réveillerai et tout ce que j'ai commencé à construire jusqu'à maintenant s'effondrera comme un château de cartes.

Rosalia Où les histoires vivent. Découvrez maintenant