❄︎ 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟗 ❄︎

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ADEN

Présent

   Lorsque je rentre, l'odeur de la maison m'est insupportable. Elle me rappelle étrangement quelque chose... c'est un parfum que je connais, mais que je ne saurais expliquer.
  
Je pars en direction de la cuisine, et l'odeur se fait plus imposante. Mon nez me pique, et j'éternue à plusieurs reprises. Les garçons ne sont pas encore rentrés, ils sont partis acheter quelques petits trucs pour faire une soirée, je me retrouve donc seul.
  
Lorsque je m'approche du contoire, j'y découvre un petit bout de papier étrangement disposé.

"n'oublie pas grâce à qui tu respires encore, bambino"

   Mon être tout entier se fige lorsque mes yeux lisent ce surnom qui m'a causé tant de nuits blanches. Bambino. Il est revenu...

"Qu'est-ce que tu peux être con quand tu t'y mets, bambino"

   J'essaie de stopper, d'interdîre à mon cerveau d'y penser, mais c'est beaucoup trop dur. Lui et mon père m'ont détruit la vie... ils ont fait de mon soleil un terre sèche dépourvue d'oxygène et de lumière, interdisant l'accès à l'humanité. Ils ont fait de mon enfance un calvaire. Je m'étais promis de les oublier, de les mettre le plus loin possible dans mes souvenirs.

"Allez Aden, fait pas ta chochotte, tu te rappelles de ce que papa t'avait fait la dernière fois que t'as essayé de la protéger ?"

   J'ai tellement de rancœur envers eux... j'aurais aimé pouvoir les virer de la maison, de leurs faire comprendre que ce qu'ils faisaient ne les menait à rien, mais impossible. Impossible avec ces monstres.

"Maman serait vraiment déçus de l'homme que tu es devenu"

La première fois que j'avais essayé de me battre, pour moi, pour elle, il m'avait ligoté à une chaise dans notre sous-sol, et il m'avait contraint à y rester pendant deux jours, sans manger ni boire ni voir la lumière du jour. Après ça j'ai dû m'adapter aux endroits petits et clots.
  
Je les déteste tellement... ils m'ont détruit... ils m'ont tellement détruit... Comment osent-ils revenir après tout ce qu'ils m'ont fait subir ?
  
Ce parfum... cette odeur de rouille, d'humidité, de Sauvage... c'est lui, c'est eux...
  
—   Arg putain ça pue, qui a fumé une clope ici ?
  
Je sors de ma trans et tressaute lorsque je sens une présence à mon dos.
  
—   C'est quoi ce papier ? Me demande Anson.
  
Je le mets en boule et le range dans ma poche avant de me retourner vers mon ami.
  
—   Rien du tout, vous avez acheté quoi du coup ? Je lui demande.
  
—   Quelques chips et deux trois paquets de bonbons, répond Owen.
  
Ans' continue de me toiser étrangement, fixant ma poche puis mes deux yeux, et ferme ses yeux avant de partir vers sa chambre.
  
—   Je vais me changer, ouvrez toutes les fenêtres.
  
—   Org y a toutes les abeilles qui vont rentrer après... soupir mon deuxième ami.
  
Je souris bêtement.
  
—   Je crois que tu as oublié qu'on avait un filtre.
  
Il écarquille les yeux et marmonne quelques choses indéchiffrables, puis s'en va à son tour se changer. Je décide d'imiter les garçons et de me mettre dans une tenue beaucoup plus confortable.
  
Nous nous retrouvons ensuite tous devant la télévision, cherchant un film à mettre.
  
—   Fast & furious !
  
—   Lequel, y en a neuf ? Demande Anson.
  
—   Tous, on est censé ne pas dormir dans tous les cas, répond Owen.
  
On est tous d'accord donc on met le film et on le visionne attentivement, pour la huitième fois au moins.

***

Quatre heures trente du matin

   N'arrivant pas à fermer les yeux comme mes amis, je décide de me lever et de mettre mes chaussures ainsi que ma veste pour sortir. J'ai envie de nouilles... Heureusement  que le seven eleven est ouvert 24h/24.
  
Je ferme doucement et avance vers le magasin. Jahanan est encore à la caisse, et il n'est même pas surpris lorsque je me présente face à lui avec mon sachet de nouilles en mains. Il a l'habitude de me voir à des heures tardives maintenant...
  
—   Faut vraiment que tu consultes pour tes insomnies, toi.
  
—   C'est pas des insomnies, c'est des pannes de sommeil, je lui réponds.
  
Il me lance un regard du genre "si tu le dis gamin", et scanne mon arcticle avant de me saluer. Je prends un bol en carton et y mets de l'eau puis le réchauffe au micro-onde, puis sors enfin pour aller au parc. Lorsque j'y arrive, j'y découvre une silhouette féminine assise sur la balançoire sur laquelle je m'installe habituellement. Je m'approche discrètement, et arrivé à son niveau, je remarque qu'il s'agit de Kirva.
  
—   Tu me suis c'est ça ? Demande-t-elle ironiquement.
  
—   Comment t'as deviné ? Je plaisante.
  
Je l'entends ricaner et un sourire non contrôlé étire mon visage.
  
—   Tu n'as pas pris de dortoirs ? Je lui demande.
  
—   Non, on à préféré prendre un appartement avec les filles.
  
J'acquiesce, et elle tourne enfin sa tête vers moi. Ses yeux parcourent tous les traits de mon visage, et arrivent finalement à mes yeux.
  
—   Tu parais vachement plus vieux... souffle-t-elle.
  
Pris de cours, je reste immobile pendant plusieurs secondes. Je suis censé réagir comment ?
  
—   Tu me donnerais quel âge ?
  
—   Vingt ans... ou plus... Nan, vingt ans.
  
—   Et toi je te donnerais quatorze, je déclare.
  
Ses narines se gonflent, et ses joues, déjà bien rouges, rougissent de plus belle.
  
—   Comme tu veux, conclue-t-elle.
  
Comme tu veux ? C'est tout ?
  
Je ricane dans ma barbe et redirige mon attention sur le ciel. La lune descend petit à petit pour laisser place au soleil. Le bleu nuit laisse place au bleu ciel et au jaune. le contraste est magnifique. Nous restons tous deux silencieux, admirant le lever du soleil. Seul le bruit du vent dans les feuilles, aussi celui de mes nouilles dans ma bouche, résonne. Je ne me demande même pas ce qu'elle fiche ici... Je trouve que les balançoires sont placées parfaitement face au ciel. On voit tout d'ici, étant donné que de ce côté du parc il n'y a pas d'arbres.
  
—   Tu viens souvent ici ? Demande-t-elle, brisant le silence.
 
—   Chaque fois que je n'arrive pas à dormir. Et tu peux me parler en français, Kirva.
  
Surprise, elle se retourne vers moi. Peut-être parce que j'ai parlé français ? Ou parce que j'ai prononcé son nom pour la première fois ? Pourtant elle était déjà au courant que je venais du même pays qu'elle ?
  
—   Ça fait bizarre de retrouver ta voix... susurre-t-elle.
  
—   A ce point ?
  
—   A ce point, elle affirme.
  
Je souris.

UNFAIRNESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant