👑CHAPITRE 10 👑

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Comprenant que le Prince avait besoin d'un moment de solitude, Romain déposa la lettre sur le bureau, juste devant lui et finit par sortir en s'assurant que personne ne rentre dans l'heure prochaine. A présent, il n'y avait plus que James et cette étrange enveloppe légèrement rosée se retrouvant en face à face. Il avait imaginé une centaine de fois ce moment arriver et il s'était imaginé sauter sur le premier mot qu'elle lui écrirait, mais étrangement, il n'en fit rien. Il se contenta de dévisager le papier sans pour autant bouger. Qu'espérait-il y trouver à l'intérieur ? Des réponses ? Ce n'était pas vraiment le genre de Méryl. Etait-ce une énième liste de requêtes comme celle qu'elle lui avait précédemment laissée ? Il y avait de fortes chances. Dans tous les cas, James quitta son fauteuil et s'approcha un instant de sa fenêtre donnant sur les jardins et la serre. Il pouvait encore la voir courir ici et là, il pouvait aussi l'entendre rire ou hurler. Il pouvait facilement imaginer une dizaine de femmes de chambres et de valets ratissant chaque brin d'herbe à sa recherche car elle avait décidée de se percher dans un arbre afin de fuir une quelconque rencontre ou un quelconque dîner important.

Se retournant une nouvelle fois faire son bureau, James attrapa la lettre, ouvrit le premier tiroir sur sa droite et la posa à l'intérieur avant de le refermer. Il ne la lirait pas. Ou peut-être bien que si, finalement. Non, il valait mieux éviter. Mais peut-être lui disait-elle quelque chose d'important ? Elle était partie, qu'est-ce qu'elle pouvait bien dire d'important si ce n'est raconter à quel point sa nouvelle vie est fabuleuse ?

Sur ce dernier point, ce fut sans doute l'aigreur qui parlait pour lui car même si James comprenait les raisons et les motivations de son épouse, une partie de lui-même peinait à les accepter. Les rôles avaient été complètement inversés et aujourd'hui c'était lui qui se sentait seul et abandonné.

Comment avait-elle fait durant tout ce temps pour le supporter ? Comment avait-elle fait pour ne serait-ce que trouver le courage que de se lever le matin ?

- Si seulement il m'était donné la possibilité de remonter le temps... Si seulement... Non. Qu'est-ce que cela changerait ? Je referais probablement les mêmes erreurs et me comporterait de la même façon. J'ai juste été idiot.

Et là encore, ce n'était pas un point facile à entendre ou encore à accepter. Néanmoins, James n'avait jamais blâmé personne pour sa propre incompétence. Il était tellement concentré sur ses propres objectifs, ses propres promesses faites aux morts et sur son environnement, qu'il en avait oublié une chose essentielle : Dans son univers chaotique, une autre petite planète ne demandait qu'à graviter autour de lui.

Finalement, il décida de se poser et de découvrir le contenu de la lettre qui n'attendait que lui. Après tout, c'était peut-être là les derniers mots qu'il lirait d'elle et peut-être était-ce sa façon de lui faire ses adieux.

« A l'incroyable personnage têtu qui lira ces quelques mots,

Ces mots vous parviendront bien avant que je n'atteigne ma destination me semble-t-il, néanmoins, il me fallait vous les écrire tandis que nous en sommes à notre première et seule escale de notre grande traversée.

Tandis qu'Elian a été négocié quelques provisions avec divers marchands de l'île, me laissant la courtoisie de mon habituelle solitude, je profite de son absence pour vous écrire ces quelques mots qui, je pense, sauront vous trouver sans grande difficulté.

Premièrement, je tenais à vous remercier à bien des égards car à l'heure actuelle, j'ai conscience de vous avoir laissé un poids bien lourd à porter sur vos épaules, mais je ne pouvais confier certaines tâches et requêtes qu'à vous-même car malgré tout ce que vous pouvez et devez penser de moi, vous êtes la seule et unique personne en qui j'ai totalement confiance, James. Je sais que vous et moi sommes loin de partager le même point de vue, les mêmes aspirations, les mêmes objectifs de vie, mais j'ai su...dès que vous m'avez laissé partir que je pouvais croire que malgré toutes nos nombreuses altercations, je pouvais me fier à vous et je pense que c'est là, la meilleure décision que j'ai pu prendre en quittant le Royaume. Par ailleurs, je suis navrée car vous devez présentement vivre un véritable Enfer et je ne doute en rien que mon père vous mets la pression. Me cherche-t-il ? Sans doute que oui. Après tout, je suis son plus grand atout politique et je suis partie avec...eh bien...Bien plus de choses dans mes valises que je ne l'aurai espéré. Néanmoins, il me fallait partir et vous le savez. Il me fallait partir avant qu'il ne soit trop tard. Avant qu'il ne nous arrive malheur ou bien pire encore. Sachez que je n'essaye pas de justifier mes actes, mais j'espère vous faire comprendre que vous n'avez aucunement joué dans ma décision finale et que le poids de tout cela me revient entièrement. Je l'accepte et je vivrais avec, quitte à ce que cela me hante durant mes nuits.

Deuxièmement, j'espère que vous avez su trouver le cadeau que je vous laissé dans ma chambre. Je ne doute en rien que vous avez prit les choses en main, là aussi et pour ne pas abandonner tout ce que j'ai mis des années à construire, seule, sachez James que vous aurez à jamais ma reconnaissance éternelle, bien que celle-ci soit loin de suffire, j'en ai, là aussi, conscience. Les affaires doivent perdurer au Palais et j'espère qu'à cet instant, vous aurez comprit l'utilité que certaines choses peuvent avoir quand on sait comment les utiliser. Essayez-les vous-même et tâchez, faute de prendre du bon temps, de vous amuser car vous méritez d'être heureux James Catawey. Vous, plus que quiconque.

Nous nous préparons tous deux à prendre des chemins drastiquement différents et qui, je n'en doute pas, nous éloignerons sans doute pour toujours l'un de l'autre, mais sachez tout de même que si jamais l'envie de m'écrire vous prenez...Cela ne me ferait pas plus plaisir que de vous lire et d'apprendre que vous avez enfin décidé d'embrasser l'homme que vous êtes à l'intérieur de vous-même et non ce petit pantin laissant quiconque lui tirer les ficelles. Ne vous laissez pas faire James. Jamais. Pas au Palais. Ne laissez personne vous dicter quoi faire. Ne vous laissez pas absorber par ces ténèbres qui rôdent dans les couloirs dès qu'il fait noir car, croyez-moi, une fois que l'on y a plongé une main, il est difficile d'en ressortir entier. Vous devez le savoir, mais il se passe des choses au Palais. Des choses gravent. Des choses qui menacent tout ce que nous avons essayé de construire, même en étant chacun de notre côté. Faites attention à vous. Ne vous fiez à personne si ce n'est à vous-même.

Et enfin, troisièmement : Ne m'attendez pas. Je sais que cela peut paraître saugrenue, voir carrément déplacé, mais vous commencez à me connaître : Je ne fais jamais rien dans la dentelle et je ne suis jamais là où l'on m'attends. Tâchez d'être heureux. D'être réellement heureux. Trouvez-vous quelqu'un qui puisse remplir ce rôle que je n'ai jamais pu avoir. Trouvez-vous quelqu'un que vous aimerez sincèrement et surtout, surtout, ne la lâchez pas. Jamais. Accrochez-vous à elle avec fermeté. Nous n'avons été que trop malheureux vous et moi, il est grand temps que l'on s'autorise cette faveur-là, bien que, je vous le promets, je ne choisirais jamais Elian. Mon dieu que non ! J'envisage d'ores et déjà de le passer par dessus bord à un moment ou un autre, ce qu'il peut être...obstiné ! Et il n'écoute rien. Mais je présume que c'est un trait hérité des hommes de votre famille, n'est-ce pas ? Vous êtes cousins après tout et il est vrai que dans ses traits, je reconnais parfois, à certains moments, les vôtres donc cela me laisse croire que je regarde un visage familier. Un visage que j'ai aimé. Que j'aime.

Parce que oui, malgré tout ce que vous pouvez penser de moi, je vous ai aimé. Honnêtement. Sincèrement. Entièrement. Je vous ai aimé comme il n'est probablement pas permit d'aimer quelqu'un, mais je crois qu'à trop aimer quelqu'un d'autre que soit même on finit inéluctablement par s'oublier et c'est ce qui fait le plus mal. La découverte ou plutôt la redécouverte. J'espère et je prie, étrangement, pour que vous aussi, James, vous puissiez un jour vous redécouvrir.

Amicalement vôtre,

Méryl.»

Ce n'est qu'en regardant le gros point chargé d'encre trônant juste à côté de son prénom que James la remarqua, cette tâche. Si particulière. Si singulière. Une tâche ronde. Une tâche d'eau. Une larme.

Et elle ne venait pas de Méryl, elle venait de lui.

Prince Ascète - Tome 2 (PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant