2 - L'Homme sans visage

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– On a clairement merdé...

Les mots s'extirpent laborieusement de ma gorge serrée. Je ne souhaite à personne cette sensation d'être au bord d'un précipice insondable. Un mauvais calcul et c'est à la table du prédateur que l'on s'est invités. Décidément, aujourd'hui tout se passe de travers...

– Et tu penses qu'on devrait faire quoi ?

Je sors de cet état proche de la léthargie pour me confronter au problème qui est désormais le nôtre. Aucun autre équipage de chasseurs ne navigue dans le coin. Pas d'autre choix que de compter sur nous-mêmes et nos talents communs en espérant qu'un brin de chance se joigne à la partie...

– Il doit sûrement déjà s'interroger sur notre présence. Peut-être même qu'il nous attendait. Alors, on y va, on le force à se démasquer et après... ben... on improvise...

J'essaie de ne pas laisser transparaître ma nervosité quand j'enfile ma veste. L'expérience n'a jamais empêché la peur. Et ce que j'ai pu lire ou entendre sur ces choses ne sont pas des plus rassurantes. Il n'en reste que très peu à travers le pays, peut-être qu'elle est la dernière encore en vie, mais ce sont des coriaces, proches de l'abomination. Par le passé, seuls quelques champions sont parvenus à en éradiquer une poignée. Mais seulement lors de leurs périodes de repos. En plein éveil, elles sont des adversaires redoutables... Certaines de ces créatures sont mortes d'épuisement et d'autres courent, sans doute encore, au travers de nos différents états à la recherche de leurs prochaines victimes. Cependant, la nature fait parfois bien les choses. La durée de vie de ces créatures n'est que limitée si elles ne parviennent pas à mettre leurs organisme en pause. Elles n'ont aucune capacité de se reproduire, par aucune manière que ce soit. Certaines légendes disent que ces "changeurs de peau" auraient été modelés par un sorcier. Il s'en était fait une armée avant de se retrouver pris aux pièges entre leurs griffes et leur avide appétit. Enfin... tous ces blablas ne restent que des histoires qui se racontent dans les familles n'ayant rien d'ordinaire. Une façon d'effrayer les enfants et de les préparer aux horreurs qu'ils croiseront à l'âge adulte.

– L'improvisation... J'adore ton plan, Ander ! Avec ça, on est certains d'avoir cent pour cent de réussite !

– Allons revoir notre employé du mois...

Je longe cette série de portes closes où les ténèbres se sont invités derrière chacun de ces rideaux tirés. Personne ne dort dans ces chambres ou n'y regarde le télévision. Personne ne se dispute à l'intérieur ou ne se réconcilie sur l'oreiller... Une aubaine pour nous. L'absence de monde signifie l'absence de témoin. Et si une personne lambda tentait d'intervenir, la tournure des événements pourrait prendre un détour dramatique...

On va voir lequel de nous deux aura le dernier mot !

L'accès à ce hall d'accueil, entièrement vitré, me laisse entrevoir ce profil trapu. Pour le moment, il continue de jouer sa comédie à la perfection, faisant mine d'attendre le client.

Le tintement d'une petite cloche annonce ma venue. Il relève immédiatement son visage, jusque-là plongé dans un magazine de midinettes sans grand intérêt. Graham disait vrai. Il y a quelque chose dans son expression qui sonne faux. Un mimétisme presque parfait, si tant est que l'on ne s'attarde pas trop sur les détails.

– Que puis-je faire pour vous, Monsieur ?

L'entendre prononcer mon nom me rend mal à l'aise. Une pointe de sadisme transparaît dans sa voix, comme si ses projets et son regard sur nous venaient de changer.

 Une pointe de sadisme transparaît dans sa voix, comme si ses projets et son regard sur nous venaient de changer

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