Chapitre 10

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Abi

Les jours suivants, je passe tout mon temps dans ma chambre. J'ouvre uniquement ma porte à Majka, qui vient m'apporter à manger et Hiva qui vient la gratter de temps à autre, à la recherche de caresses. Le soir, j'attends que la maison soit plongée dans le noir pour pouvoir faire ma toilette. Je sais que Priscilla est toujours là puisque j'entends ses gémissements saccadés depuis la chambre d'Ivan quand je traverse le couloir. Elle me répugne. La savoir prendre du bon temps avec ce psychopathe tandis que je me bats pour ma liberté me met en rogne et ne fait qu'amplifier ma haine à son égard.

20 :00 sonne et Majka entre dans ma chambre, un nouveau plateau à la main. Elle regarde avec inquiétude l'assiette à moitié pleine qu'elle m'a apporté à midi.

-Ça va pitchounette ? Tu n'as pas fini ton déjeuner... Ce n'était pas bon ? s'enquiert-elle.

-Si, Majka, la rassuré-je, comme toujours, je n'ai juste pas très faim.

-Il me reste de la Zlevanka, si tu veux.

Je secoue la tête en repensant à son cheesecake fourré à la crème que j'avais dévoré d'une traite la veille. Aujourd'hui, mon estomac est noué. J'ai perdu 10 000 euros sur des actions que j'avais achetées de Sanofi et j'ai dû compenser à l'aide de mon épargne. Je n'ai plus un sous de côté et mise maintenant tout sur mon compte-titre. Majka se pince les lèvres, l'air navrée. Elle caresse ma joue avant de débarrasser mon assiette, mais tandis qu'elle se dirige vers la porte, j'entends le plateau tomber sur le sol avec fracas. Je la vois ensuite s'effondrer, la main crispée sur son cœur et je me rue aussitôt vers elle.

-Majka ?! Qu'est-ce que tu as ?

Je la vois tenter d'happer l'air par la bouche et ses yeux sortir de leurs orbites, puis elle perd connaissance.

-Majka ! crié-je en la secouant désespérément pour la réveiller.

Ivan sort de sa chambre et entre en trombe, Priscilla sur ses talons :

-Qu'est-ce qui se passe ? dit-il, l'air anxieux.

-Je ne sais pas, elle s'est évanouie, je n'arrive pas à la réveiller ! dis-je, alarmée.

Il s'agenouille alors à ses côtés, lui agrippe le poignet pour vérifier son pouls et se penche pour placer sa joue au-dessus de sa bouche. Puis il commence à lui faire des massages cardiaques. Je le regarde faire, impuissante.

-Drži se Mama !* gémit-il en croate.

Mama ? Majka est-elle sa mère ?

-Abigaël, prend le relais ! s'exclame-t-il.

Je prends aussitôt sa place et pose mes mains au niveau de son plexus en effectuant des pressions régulières. Je n'ai jamais eu à faire de massage cardiaque avant mais je donne tout. Ivan s'éloigne avant de revenir, son portable collé à l'oreille et parlant dans sa langue maternelle. Je ne comprends rien mais je peux sentir son désarroi au ton de sa voix. Je sens les larmes me monter à la gorge. Je ne sais pas combien de temps s'écoule mais je ne m'arrête pas et je reste auprès de Majka à tenter de la réanimer.

-Réveille-toi, Majka, je t'en supplie, ne me laisse pas, supplié-je, la voix brisée.

Son visage reste cependant impassible. Mes bras s'engourdissent mais je n'abandonne pas pour autant. Tout semble flou et lointain autour de moi, jusqu'à ce que la main d'Ivan se pose sur mon épaule.

-C'est bon, ils s'occupent d'elle... me dit-il.

Deux urgentistes viennent de faire apparition dans ma chambre et je me lève pour les laisser la prendre en charge. À l'aide d'un défibrillateur et après un premier choc, ils parviennent à la stabiliser, puis ils l'installent sur un brancard et Ivan les escorte jusqu'à la sortie.

-Vous deux, vous restez là, ordonne-t-il à Priscilla et à moi. Geoffroy, ne les laisse pas sortir !

À l'entrée est apparu un des hommes qui m'avait entrainée dans la cabane dix jours plus tôt. Il se plante devant nous, les bras croisés sur son torse bombé, puis Ivan referme la porte sur nous.

*Accroche-toi, Maman ! 

Riche de toi [Dark romance soft]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant