Riche de toi [Dark romance soft]

Chapitre 15

Abi

On toque à ma chambre. Je soupire de lassitude et me lève de ma chaise, prête à devoir l'affronter encore une fois. J'entrouvre la porte et mon cœur fond quand j'aperçois le visage radieux de Majka.

-Bonjour pitchounette ! s'exclame-t-elle de sa voix enjouée.

-Majka !

Je plonge dans les bras qu'elle tend vers moi. Son étreinte chaleureuse m'enveloppe de tendresse et de compassion. Elle m'avait manqué !

-Ils t'ont laissée sortir de l'hôpital ? m'enquiers-je.

-Et oui, il m'en fallait plus pour me terrasser, je n'ai pas encore dit mon dernier mot à ce monde, tu sais !

Je souris de bon cœur.

-Mais ma parole, tu es toute maigrichonne, dit-il en me regardant de la tête aux pieds, l'air scandalisée, Ivan ne t'a pas nourrie en mon absence ? Il va m'entendre celui-là. Je vais te préparer un bon petit plat, tu m'en diras des nouvelles, mais d'abord, il faut fêter mon retour et le départ de cette mijaurée de Priscilla !

-Priscilla est partie ? l'interrogé-je, abasourdie.

-Oui, depuis trois jours maintenant, tu ne le savais pas ? Ivan l'a renvoyée chez son père.

Mon ventre encore serré depuis notre confrontation se dénoue d'un coup. Je prends alors le flacon que Majka me tend et en bois une bonne gorgée. La liqueur sucrée au goût de cerise me brûle la gorge.

-Je file en cuisine te préparer un bon petit plat ! me dit-elle.

-Attends, je viens t'aider !

Nous nous empressons de descendre. Ivan est aux abonnés absents mais je ne m'en plains pas. Depuis la cuisine, je vois Geoffroy, posté dehors sur la terrasse, la cigarette à la bouche. Majka allume son poste radio et un chant slave retentit dans toute la cuisine. Elle me charge de couper des légumes avant de me réinviter à boire une gorgée de sa liqueur. Elle m'explique qu'on est en train de préparer des Punjene paprike, une recette typique de la région d'où elle vient. Elle me raconte son enfance là-bas, sa rencontre avec son mari et la naissance de son fils après la guerre de Yougoslavie. Je l'écoute avec attention et empathie. La misère dans laquelle ils avaient vécu explique le comportement implacable et cupide de son fils. Même si cela ne justifie en rien mon enlèvement, je comprends mieux sa quête de richesse. Je me relaisse tenter par un nouveau shot de Maraschino et je ris en voyant Majka faire tourner Geoffroy au rythme de la musique. L'alcool me monte doucement à la tête et ce soir, pour la première fois depuis des semaines, je me sens bien.

Ivan

Tandis que Dylo finit d'amarrer, je m'avance sur ma propriété. Je suis officiellement devenu propriétaire de mon île et je peux désormais en disposer comme bon me semble. J'ai un pincement au cœur en repensant à mon père qui n'est plus là pour témoigner de ce que j'ai accompli. Je balaye des yeux l'île dont j'ai hérité de lui. Elle est plus belle que jamais et paraît soudain beaucoup plus paisible. La demeure qu'il a construite 20 ans plus tôt resplendit sous la lueur de la lune et les souvenirs me sautent à la gorge. Je me revois, du haut de mes 10 ans, en train de l'aider à creuser les fondations de notre maison, y faire couler le ciment puis empiler pierre par pierre les murs qui la dressent, avant de poser les carrelages de la cuisine puis le parquet de nos chambres. Mon père, architecte, avait imaginé et designé la villa de but en blanc. Lorsqu'il rentrait le soir du travail, nous nous empressions de nous rendre sur l'île pour continuer à la bâtir jusqu'à la nuit tombée. Le résultat en est plus que satisfaisant. La villa familiale s'érige aujourd'hui en direction du ciel et surplombe avec élégance la mer adriatique. Les spots encastrés de la terrasse éclairent ses murs de marbre blanc et l'eau de la piscine creusée se reflète sur la baie vitrée immense de mon salon. Mes yeux s'attardent un moment sur le jardin que ma mère a aménagé. Le citronnier a beaucoup donné cette année et les rosiers éclosent plus que jamais. Leur odeur me parvient et ne m'a jamais semblé aussi délicieuse. Rien ne pourra plus troubler ce petit coin de paradis. Enfin presque...