Chapitre 2

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Je passe mon premier week-end sur l'île maltaise en vadrouille : je visite la capitale, parcours les Trois Cités, me prélasse sur l'île paradisiaque de Gozo et m'empiffre de pastizzi... Je suis entrain de vivre les meilleurs moments de ma vie ! Je prends autant de clichés possible pour les montrer à Josh et le dimanche soir, je rentre à mon appartement, épuisée mais ravie. Je suis prête à commencer mon stage du bon pied. 

Tandis que je longe le trottoir de la rue qui mène à ma résidence, je vois alors une Mini rose bonbon me dépasser. Priscilla est au volant. Moi, je n'ai pas le permis et je me contente donc de visiter Malte en bus. Ce n'est pas vraiment l'idéal, je passe le plus clair de mon temps à attendre aux arrêts de bus sous le soleil assommant mais l'idée de devoir tenir un volant entre mes mains est pour moi impensable. A la minute où je poserai un pied sur des pédales, je tuerai certainement deux ou trois piétons au passage. 

Priscilla se gare en travers d'un trottoir à une dizaine de mètres de moi puis sort de sa Mini, les bras chargés de sacs de shopping. Je ravale les jugements qui me sautent à la gorge et trace mon chemin. Avec un peu de chance, j'atteindrai l'entrée avant elle. C'est beau de rêver. A peine ai-je fait deux pas que je sens une main me frapper sur le haut de mon crâne, faisant tomber mes lunettes sur le trottoir. J'entends sa voix goguenarde m'arguer :

-T'es sur ma route, tête de nœud !

Évidemment... Cruella me dépasse en se désopilant tandis que je m'accroupis sur le béton pour chercher mes lunettes à tâtons. J'ai envie de lui répondre d'aller gentiment se faire voir mais je me retiens pour éviter que ça s'envenime. Il fait nuit et la lumière faible et jaunâtre du lampadaire au-dessus de moi n'aide pas ma vision trouble à les trouver. Lorsque j'arrive à mettre la main dessus, je réalise que les verres sont complètement fissurés. Je range la paire de lunettes, maintenant devenue totalement inutile dans mon sac à dos, en bouillonnant de l'intérieur. Je me rassure en me disant que j'ai encore deux paires en stock. Je distingue la silhouette floutée de ma pire ennemie tourner et disparaître derrière l'angle puis je continue ma route en ruminant des envies de meurtre.

Je me fige alors sur place tandis que je vois un fourgon blanc s'arrêter à son niveau dans un crissement de pneus assourdissant. Deux hommes masqués en sortent et se jettent sur elle puis lui placent un sac en tissu noir sur la tête avant de l'entrainer de force à l'intérieur du véhicule. Mon premier réflexe aurait été de courir pour l'aider mais mes jambes sont tétanisées. Un des hommes s'immobilise un moment et balaye la rue de ses yeux, comme pour s'assurer que personne n'ait assisté à la scène, puis tourne la tête vers moi. Il lâche un mot à son acolyte qui est en train de fermer la porte du fourgon et tous les deux me regardent. L'adrénaline me monte soudain aux tripes et je prends mes jambes à mon cou pour courir dans la direction opposée. Sauf que je ne vois pas où je vais et à peine ai-je fais trois pas que je me prends les pieds dans un poteau à incendie et m'étale de tout mon long sur le bitume. Le choc m'étourdit. J'entends alors un rire narquois derrière moi. Je me relève péniblement et m'apprête à fuir mais des bras musclés m'encerclent et me tirent vers l'arrière.

-Non, lâchez-moi ! crié-je.

La fourgonnette s'arrête brusquement sur ma gauche et la porte coulissante s'ouvre sur nous. Je me débats comme une folle mais le ravisseur me balance à l'intérieur comme un vieux sac de patate et je ratterris lourdement sur Priscilla qui gémit un « Aïe ! ». Elle est recroquevillée au fond de la camionnette, les mains ligotées derrière le dos et le sac noir recouvrant sa tête. Je sens alors une main me maintenir contre le sol et me débarrasser brutalement de mon sac à dos puis m'agripper les poignets pour les attacher étroitement derrière moi à l'aide d'un collier de serrage. Puis on recouvre ma tête d'un tissu et je suis alors moi aussi plongée dans le noir. 

Je tente de me redresser mais le camion accélère d'un coup et je me retrouve coincée entre la portière arrière du fourgon et Priscilla, le cœur battant à tout rompre. Le tissu recouvrant ma tête m'empêche de respirer normalement. Je vis en plein cauchemar. Qui sont ces types ? Que veulent-ils ? J'entends la respiration saccadée de Priscilla à côté de moi. Ni elle ni moi n'osons parler. 

Le véhicule roule à vive allure et nous sommes ballotées l'une contre l'autre, puis, après des minutes qui me semblent interminables, le véhicule s'arrête brusquement. Quelqu'un ouvre la porte et je sens une main lourde me saisir le bras et me forcer à sortir. J'entends Priscilla geindre en anglais : « Vous me faites mal ! » puis une voix d'homme grogner un « Ferme-la ! ». J'avance tant bien que mal puis j'entends une porte grincer et je trébuche quand nous passons un perron. Nos pas foulent du carrelage puis une porte se referme derrière nous. L'homme qui me retient m'assoit brutalement sur une chaise, me retire le sac de ma tête et une lumière aveuglante m'éblouit. Je dois cligner plusieurs fois des yeux pour parvenir à distinguer un semblant de l'endroit où je me trouve. Tout est flou autour de moi mais je devine une cave vide, comme laissée à l'abandon, sans meuble, ni fenêtre et uniquement éclairée par une lampe qui pend au plafond. 

Priscilla est assise à côté de moi, le visage également à découvert. Sa respiration saccadée m'indique qu'elle est tout autant paniquée que moi. Devant nous se tiennent les deux silhouettes robustes qui nous ont enlevées, plantées de chaque côté de la porte et nous toisant de leurs carrures menaçantes. Puis un troisième homme, à la corpulence un peu plus fine mais les épaules et les bras tout aussi intimidants, pénètre dans la pièce, une chaise à la main. Il porte également un masque qui ne laisse entrevoir que ses lèvres et ses yeux dont je ne distingue pas la couleur. Il pose nonchalamment sa chaise et s'assoit face à nous.

-Alors, Mesdames, laquelle d'entre vous est Priscilla Aubert ? nous demande-t-il.

Mon cœur manque un battement et je me contente de regarder mes pieds, comme pour ne pas la dénoncer.

-C'est pas moi, c'est elle ! s'exclame alors Priscilla.

-Quoi ?! dis-je en tournant ma tête vers elle, interloquée.

-Voilà qui a été rapide ! constate l'homme. Très bien, emmenez-la !

-Non, attendez, ce n'est pas moi ! répliqué-je, affolée.

Je sens le regard de l'homme me fixer.

-Et t'es qui dans ce cas ? m'assène-t-il.

-Je... je m'appelle Abigaël Malich. J'ai mes papiers dans mon sac, vous pouvez vérifier !

L'homme s'adresse alors à ses hommes de main dans une langue que je ne comprends pas puis l'un d'eux disparaît de la pièce avant de revenir avec mon sac Eastpak dans la main. Leur chef fouille dans la poche extérieure et en sort mon portefeuille. Il brandit ma carte d'identité et la tend devant lui comme pour comparer la photo à la fille assise devant lui. Bien que nos personnalités s'opposent totalement, Priscilla et moi avons à peu près la même corpulence et les mêmes cheveux noirs et longs. Ils auraient très bien pu nous confondre et je me mets à espérer qu'ils me relâchent.

-C'est mon sac ! s'indigne alors Priscilla. C'est ma carte d'identité que vous tenez dans votre main.

-Non, elle ment, c'est à moi ! Je... je suis née le 8 mars 1999 à Paris, je... je...

Je réfléchis aux informations qui se trouvent sur ma carte pour le convaincre.

-Je fais un mètre cinquante-neuf !

J'entends un des hommes ricaner sous son masque. Oui, je suis une lilliputienne, ça te fait rire, gros lourdingue ?! L'homme en face de moi se pince l'arête du nez, comme blasé.

-C'est elle, vous faites erreur, relâchez-moi tout de suite ! ordonne Priscilla.

-Silence ! aboie l'homme.

Il nous scrute l'une après l'autre, l'air de réfléchir. Mon cœur bat à son plein.

-Bon, emmenez-les toutes les deux, avec un peu de chance, on pourra aussi en tirer quelque chose, finit-il par dire en se levant brusquement de sa chaise.

-Quoi ?! paniqué-je de plus belle.

Je n'ai pas le temps de protester que les deux gorilles se dirigent à pas lourds vers nous et l'un d'eux place un mouchoir humide sur ma bouche. Je tente de me débattre mais une odeur chimique me brûle les poumons, ma tête se met à tourner et c'est le néant. 

Riche de toi [Dark romance soft]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant