CHAPITRE 30 - Sofia

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SOFIA

Lundi 7 août 2017
Paris, France


   Allongée sur mon lit, le regard fixé vers le plafond, je n'ai même pas la force d'imaginer ce qu'aurait été ma vie si j'étais née dans une autre famille, comme j'aimai tant le faire quand j'étais petite. Mes yeux fixent ce plafond blanc et mon esprit est vide. C'est peut-être mieux ainsi, car rares sont les moments de silence qui ne déclenchent pas des vagues de souvenirs. Parfois, je parviens à me demander ce que mes amis peuvent être en train de faire, avant que mon mal de tête ne revienne et que je ne sois contrainte d'arrêter de penser à nouveau.

   La tournée américaine de Nameless est terminée depuis près de deux semaines et il était grand temps pour nous tous de profiter d'un mois de vacances bien mérité. Mais tandis qu'on s'imaginait déjà tous les quatre à La Pergotière, Georges Tarsin en a décidé autrement.

   Il a choisi d'emmener toute sa famille en vacances aux Maldives, lui qui n'avait jamais organisé le moindre voyage pour eux. Bien sûr, la nouvelle « copine » de son fils a gentiment été invitée et c'est tout naturellement qu'elle a accepté.

   Sans Loup, pas de Pergotière et donc pas de vacances entre amis. On s'est tous retrouvés contraints de retourner là où tout a commencé : chez nos parents.

   Depuis deux semaines, je n'ai pas beaucoup donné de nouvelles. Je ne sais pas quoi leur raconter. Bien qu'Alban s'obstine à envoyer des messages sur notre conversation pour prendre des nouvelles, je n'ai pas la force de lui mentir en disant que tout va bien et j'ai encore moins la force de lui dire à quel point tout va mal. Seul Saïd prend vraiment la peine de lui répondre, mais lui non plus ne semble pas avoir grand-chose à raconter.

   Les relations à distance n'ont jamais été notre fort. Depuis qu'on se connaît, on a tous les quatre eu l'habitude de passer tout notre temps ensemble, alors les discussions à distance ce n'est pas trop notre truc. Comment échanger sur nos situations différentes alors qu'on se trouve tous dans des lieux différents ? C'est tellement plus facile de parler de ce qui nous arrive sur le moment, quand on vit la même chose tous les quatre.

   Saïd a profité de ces quelques semaines de pause pour emmener ses parents et sa sœur en vacances. Je pense que c'était surtout pour essayer de ne pas penser à la situation dans laquelle Loup et lui se trouvent. Mais bon, il semble bien profiter, c'est le plus important.

   Plusieurs fois, Alban m'a proposé qu'on se voie, qu'on passe un peu de temps ensemble, mais je n'ai jamais répondu. Nous imaginer juste tous les deux semble anormal. Dans ma tête, c'est nous quatre ou rien. En tout cas, c'est ce dont j'essaie de me convaincre. Parce que dans le fond, je crois que le fait de me retrouver seule avec Alban m'effraie un peu.

   Je laisse mes mains descendre le long de mon ventre, jusqu'à mes cuisses. Mon corps est plat et les seuls reliefs que je parviens à distinguer sont mes côtes et les pointes de mes hanches, saillantes sous ma peau, telles des lames acérées.

   Combien de temps me reste-t-il encore à attendre avant de revoir mes amis ? Une semaine ? Deux ?

   Depuis combien de temps n'ai-je pas réussi à manger un repas complet ? Une semaine ? Deux ?

   Au moins, sur la tournée, mes amis réussissaient toujours à me convaincre de manger quelque chose. Même si la plupart du temps tout ressortait aussitôt, au moins je mangeai. Par peur de les décevoir ou par peur qu'il ne se rende compte de mon état ? Ça, je ne le sais pas. Toujours est-il que tout était bien plus supportable quand ils étaient là, malgré la dureté de la tournée.

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant