CHAPITRE 33 - Saïd

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SAÏD

Vendredi 1er septembre 2017
Bruxelles, Belgique


— Comment tu te sens ? je demande à Sofia en m'allongeant à côté d'elle.

— Fatiguée, me répond-elle. J'ai la tête qui tourne.

— Le verre d'avant concert ?

— Il faut croire.

— C'est bizarre qu'il te fasse encore cet effet-là.

— Je pense que mon corps n'est plus trop capable de gérer l'alcool correctement.

— Tu as encore maigri, je souligne en tournant la tête vers elle.

— Je sais, souffle-t-elle.

Sa voix sonne lasse, comme si elle s'était résignée à vivre avec ce corps pour le restant de ses jours. Je roule sur le côté pour lui faire face. Son visage est blanc. La seule touche de couleur se trouve sous ses yeux, un mélange de violet et de vert qui me faire frémir.

— Les vacances n'ont pas aidé apparemment, je poursuis.

— Non, ça c'est clair, mais je m'inquiétais pas trop parce que j'étais persuadée qu'une fois de retour sur la tournée, j'arriverai de nouveau à manger un peu.

— Je sais qu'on en parle pas souvent, que tu n'aimes pas trop ça, mais tu sais d'où ça te vient ce... truc ?

— Oui, je pense savoir.

— Et il n'y a pas moyen de le soigner ou de régler le problème ?

— Peut-être que si, mais tout ça c'est dans ma tête. Je pense pas être assez forte pour combattre tout ce qu'il se passe dans ma tête.

— On a tous des choses dans nos têtes qui semblent impossibles à surmonter, mais peut-être qu'avec un peu d'aide on pourrait y arriver, tu crois pas ?

— C'est quoi pour toi ?

— Ces choses dans ma tête ?

Elle acquiesce doucement et je reprends ma position sur le dos, les bras croisés derrière ma tête, histoire de me laisser le temps de réfléchir à sa question. Certaines choses ne peuvent pas être dites à voix haute et je sais que c'est la même chose pour elle. Il n'y a même pas de mots pour définir ce qu'il se passe dans ma tête, là où sensations, émotions et images se mélangent sans arrêt.

— Je sais pas vraiment comment expliquer tout ça, mais parfois je ressens comme une sensation de vide extrême tout autour de moi. L'impression que rien n'a plus de sens, que la vie n'est qu'une illusion. Le fait d'être entouré par mes amis, ma famille, c'est la seule chose qui me rattache à ce qui me semble être moi. Mais maintenant que ma famille n'est plus vraiment ma famille et que mes amis ne se comportent plus comme mes amis, c'est comme si cette fine attache disparaissait petit à petit. Désolé, c'est très flou tout ce que je te raconte, mais c'est pas plus clair dans ma tête.

— Pourquoi tu dis que tes amis ne se comportent plus comme tels ? Pour ta famille je peux comprendre, c'est difficile de retrouver sa place quand on est parti pendant si longtemps. Ta vie a changé et vous n'avez plus tout à fait les mêmes liens, c'est normal. Mais pourquoi tes amis ? Je suis là, moi.

— Je sais bien, c'est pas ce que je voulais dire. Enfin, si. Tu es là, mais Alban et Loup non. On fait plus rien ensemble. Même quand on sort, chacun s'amuse de son côté. Sur scène, on joue séparément, ça s'entend que la cohésion n'est plus là. Qu'est-ce qui a fait que tout s'est séparé comme ça ?

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant