CHAPITRE 36 - Alban

36 5 1
                                    

ALBAN

Cinq ans plus tard

Samedi 2 septembre 2017
Bruxelles, Belgique


   La musique devient de plus en plus étouffée à mesure qu'on s'éloigne de la boîte de nuit. Une jeune femme à la chevelure ébène fermement accrochée à mon bras, j'essaie de naviguer à travers la ville tant bien que mal. Cette femme, je l'avais repérée dès qu'on est entrés dans la boîte. La manière dont elle se déhanchait sur la musique ne m'a clairement pas laissé indifférent et coup de chance pour moi : elle m'a reconnu. À partir de ce moment-là, j'ai su que c'était gagné. Elle était même dans la foule lors du concert plus tôt dans la soirée. J'ai pas eu de mal à la convaincre de rentrer au bus avec moi.

   Comme lors de mes nombreuses sorties, il n'est pas rare que je réussisse à séduire quelques jeunes femmes et bien souvent, l'une d'entre elles est partante pour poursuivre la nuit avec moi. Généralement, j'ai pas besoin de faire grand-chose pour qu'elles se laissent porter. C'est ça, la célébrité. Au fond de moi, je sais qu'elles ne font pas ça parce qu'elles sont attirées par mon physique extraordinaire ou mon charisme fou, mais ça m'est égal. Pendant quelques heures, à l'avant du bus pendant que tout le monde dort, je me retrouve au centre de l'attention et c'est ce qui m'importe. Pendant quelques heures, j'ai l'impression d'être important et de compter vraiment.

   Loup marche derrière nous d'un pas assez incertain, mais de bonne humeur. Il chante fièrement le refrain de First Time depuis qu'on a quitté la boîte. Le parking sur lequel est garé le tour-bus n'est plus qu'à quelques centaines de mètres, mais il nous faut tout de même de longues minutes pour y parvenir, faisant quelques arrêts pour discuter avec de parfaits inconnus.

   Lorsqu'on tourne enfin dans la dernière rue, l'atmosphère me semble étrangement agitée pour une heure si tardive. La rue est illuminée par toutes sortes de lumières : jaunes, bleues, rouges. J'ai l'impression d'être de retour dans la boîte de nuit et l'alcool qui circule dans mes veines continue de faire son effet. Je m'arrête un instant pour montrer à Loup toutes ces couleurs, mais ce n'est qu'en approchant un peu plus que je remarque le camion de pompier ou peut-être est-ce une ambulance. Avec toutes ces couleurs autour de nous et l'alcool qui me trouble la vue, je ne suis pas bien certain de la couleur du camion.

   — Il se passe quoi ? demande la jeune femme toujours fermement accrochée à mon bras.

   — Aucune idée, je bafouille en m'approchant du bus que je distingue enfin.

   Plusieurs personnes que je reconnais plus ou moins, des membres de l'équipe et des inconnus sont agglutinés sur le trottoir et dans la rue. Ils nous observent étrangement à mesure qu'on se faufile parmi eux pour rejoindre le bus.

   — Écartez-vous ! lance une voix devant nous et quelqu'un me bouscule.

   — Eh ! Qu'est-ce qui se passe ? je lance.

   — Laissez la place, s'il vous plaît, se contente de me répondre un autre gars.

   Je m'écarte tout en continuant ma progression vers la porte du bus et ma conquête lâche mon bras, perdue dans la masse. Drew et Saïd se tiennent là, juste devant les escaliers.

   — Saïd ? je demande, cherchant une explication à tout ce bordel.

   Il semble ne pas m'entendre, mais Drew se retourne vers moi en reconnaissant ma voix. Son visage est grave. Il semble sur le point de me dire quelque chose, mais on se retrouve tous poussés sur le côté du bus, pour laisser sortir plein de monde. C'est quoi ce putain de bordel à la fin ?

   Des gars habillés en secouristes sortent en premier et l'un d'entre eux tire précautionneusement un brancard vers l'extérieur, tandis qu'un second l'aide à porter l'autre côté.

   Je ne suis pas bien sûr de comprendre de quoi il s'agit et je cherche désespérément à croiser le regard de Saïd pour qu'il m'explique enfin, mais son regard est porté sur le brancard qui sort entièrement du bus.

   Le corps de Sofia, inerte, glisse le long du trottoir. Ses yeux fermés et son teint rendu presque transparent par les lumières bleues qui éclairent la rue me font l'effet d'un électrochoc. Je dessoule immédiatement. Je me lance aussitôt après le brancard, mais un secouriste me retient fermement. J'aimerais me débattre, mais le choc est tel que je reste là, bouche bée.

   Saïd se tourne enfin vers moi, le visage rouge et le t-shirt tacheté de larmes.

   — Il s'est passé quoi ? je parviens à articuler après que le secouriste m'ait finalement relâché.

   Saïd reste stoïque, suivant du regard le brancard qui s'éloigne dans la rue. On s'avance prudemment vers le camion des secouristes et Loup apparaît à travers la foule, à bout de souffle, tenant à peine sur ses jambes, comme s'il venait de gravir l'Everest pour nous rejoindre.

   Les brancardiers le regardent à peine et poursuivent leur chemin, faisant rouler le brancard sous ses yeux. Son regard se lève alors vers Saïd, cherchant lui aussi à comprendre ce qu'il se passe.

   — Il s'est passé quoi ? je répète.

   — Je... commence Saïd, tandis que Drew s'éloigne avec les secouristes. Je sais pas... Je l'ai laissée à peine quelques minutes et quand je suis revenue elle était... Elle était au sol. Je l'ai appelée, secouée, mais elle répondait pas.

   — Mais les secouristes ? je demande. Ils ont fait quelque chose ?

   — Je crois que son cœur s'est arrêté et puis ils l'ont fait repartir. Je sais pas... Je sais plus.

   Je le regarde, ahuri. Comment ça a pu arriver ? Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Sans hésiter, je m'élance derrière Drew, déterminé à suivre les secouristes, passant devant la jeune femme avec qui j'étais censé finir ma nuit.

   — Je crois que je me sens pas bien Saïd, articule Loup dans mon dos.

   — C'est pas le moment Loup, je dois y aller, lui répond Saïd avant de s'élancer derrière moi.

*****

N'hésites pas à laisser une petite étoile pour me signifier que tu as lu ce chapitre et un commentaire pour me dire si ça t'as plu ☺️

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant