CHAPITRE 7 - Alban

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ALBAN

Vendredi 15 juillet 2016
La Rochelle, France


Loup se tient à la rampe d'accès qui mène à la scène, les doigts crispés autour de la barre en métal. Légèrement en retrait, je l'observe ronger les ongles de son autre main, presque avec amusement. Il doit être au summum de son stress le pauvre. Ça fait des jours qu'il n'en dort pas. En même temps, qui ne serait pas stressé à l'aube de son tout premier concert en festival ?

Le groupe qui nous précède est le premier de la journée à se produire sur scène. Autant dire que le public n'est pas encore remonté à bloc. La plupart des festivaliers n'arriveront que dans la soirée pour voir les artistes les plus connu(e)s. Ici, personne ne nous connaît encore alors on va devoir faire au mieux pour plaire à la foule et les mettre doucement dans l'ambiance du festival.

Depuis l'arrière de la scène, je peux apercevoir quelques festivaliers au premier rang — pour la plupart déjà ivres en plein milieu de l'après-midi. Certain(e)s sont parfaitement statiques tandis que d'autres sautent dans tous les sens sans tenir compte du rythme de la musique. Loup les voit aussi et ça n'a pas l'air de le rassurer plus que ça.

C'est la première fois qu'on va jouer devant autant de personnes. S'ils daignent s'éloigner du bar et se rapprocher de la scène. Depuis que notre album est sorti, on s'est produits dans quelques petites salles pour nous préparer. Les gens qui venaient savaient pourquoi et semblaient plutôt satisfaits du résultat. Ici, nous ne sommes pas du tout en terrain conquis.

Le chanteur actuellement sur les planches ne chante pas très bien. Sa voix sort à peine dans le micro et le groupe qui l'accompagne joue bien trop fort pour qu'on puisse distinguer le moindre mot. Même les plus éméchés face à la scène font plus de bruit que lui. J'aimerais vraiment pas être à sa place. Heureusement pour moi, je ne chante pas. En revanche, je peux imaginer la pression que ça met à Loup.

— Il fait quoi ? m'interroge Saïd en arrivant dans son dos.

— Il se met la pression.

Saïd secoue la tête. Contrairement à moi, voir Loup stresser ne l'amuse pas du tout.

— Tu fais quoi ? lui demande-t-il en s'approchant doucement.

Loup sursaute et se retourne avant d'afficher un sourire nerveux en reconnaissant Saïd.

— Je prends la température, lui répond-il.

— Et ça donne quoi ?

Loup se contente de grimacer.

— Ne t'inquiète pas, tout se passera bien ! Comme à chacun de nos concerts.

Je ris intérieurement devant cette scène. On dirait que Saïd essaie de rassurer un enfant pour son premier jour d'école. Ils sont mignons tous les deux, mais qu'est-ce qu'ils me font rire !

— Mais là c'est différent, proteste Loup. Personne n'a choisi de venir nous écouter cette fois.

— Ils viendront. Et estime-toi chanceux. C'est pas toi qui vas avoir l'air con quand tu t'adresseras à la foule et que seuls deux gars bourrés te répondront en criant.

— Pour ça, je ne m'en fais pas trop. Tu sais y faire avec eux. Et puis, je l'ai jamais fait parce que tu en as jamais eu besoin, mais si c'est le cas aujourd'hui, je prendrai la parole pour toi si personne ne te répond.

— Tu ferais ça ? Toi ? s'étonne Saïd.

Je lâche un éclat de rire sans le vouloir. Le son moqueur sorti de ma bouche les fait se retourner sur moi.

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant