CHAPITRE 25 - Loup

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LOUP

Mardi 24 décembre 2013
Paris, France


   — Papa ! Papa !

   — Deux secondes Olivia !

   Une des petites cousines essaie d'attirer l'attention de son père depuis de longues minutes tandis que toute la famille est réunie dans le salon pour finir d'installer les dernières décorations de Noël. Son père, l'oncle Marcel qui a gâché Noël cinq ans plus tôt en annonçant son divorce, est en train de se disputer avec mon père au sujet de sa nouvelle voiture qui n'est pas d'une marque assez qualitative à son avis.

   J'aide Julien à tenir l'escabeau tandis que Salomé passe les boules à Gauthier qui s'est attaqué à la décoration des lustres. Mamie Andrée attend toujours que toute la famille soit là pour décorer la maison. Encore une de ses nombreuses traditions familiales. Mon père et l'oncle Marcel sont affairés à démêler les mètres de guirlandes électriques entre deux haussements de voix toujours à propos du même sujet.

   Mon père finit par lâcher l'affaire et la petite Olivia, qui n'en démord pas, insiste en tirant la chemise de son père pour qu'il s'intéresse à elle à tout prix.

   — Qu'est-ce que tu veux à la fin ? lui demande Marcel, agacé.

   — Pourquoi tu m'as dit que c'était pas bien d'embrasser les garçons ? l'interroge-t-elle d'une voix innocente.

   — Parce que... c'est pas bien.

   Évoquer ce genre de sujet, c'est pas vraiment une grande qualité dans la famille. Je lève les yeux vers Gauthier, toujours appendu à son lustre et bataillant pour y accrocher une énième boule, comme si le pauvre objet n'en soutenait pas déjà suffisamment. Trop concentré, il ne semble pas avoir entendu la question de sa nièce.

   — Alors, pourquoi tonton Gauthier il a dit à Loup qu'il faut embrasser les garçons ?

   Grand silence. Même le lustre au-dessus de nos têtes ne fait plus le moindre bruit. Gauthier s'est arrêté dans son action. Cette fois-ci, il a bien entendu.

   — Gauthier a dit quoi ? demande l'oncle Marcel à sa fille.

   — Oui, il a dit quoi tonton Gauthier ? l'interroge mon père à son tour.

   — Hier, dans les escaliers, j'ai entendu tonton Gauthier dire à Loup qu'il doit embrasser les garçons et couch...

   Son père lui place une main devant la bouche avant qu'elle n'en dise plus. Je croise le regard de mon père sans le vouloir et un bruit fracassant vient mettre fin au silence.

   Gauthier vient de lâcher une des boules qu'il tenait dans la main, une de celles que mamie Andrée a customisées elle-même et à laquelle elle tient énormément.

   Cependant, personne ne relève l'incident. Personne ne lui fait la morale sur ce que mamie Andrée va dire quand elle verra sa boule fétiche en mille morceaux. Non, tout le monde fixe Gauthier, toujours perché sur son escabeau.

   Il descend lentement, sans m'accorder le moindre regard et lance :

   — C'était pour rire, Olivia, avant de lâcher un rire gêné.

   Les deux frères aînés regardent leur cadet comme s'ils avaient vu un monstre.

   — Mais oui, j'ajoute, pour désamorcer la situation. On faisait que rigoler.

   — Qu'est-ce que tu as mis dans la tête de mon fils, espèce de pédé ? s'exclame mon père, furieux.

   — Mais rien du tout Georges, calme-toi enfin.

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant