Rendez-vous au prochain virage

08.

Iris Bias.
21 mars 2022, 02h15.
Bahraïn.

« Tu danses ? »

Je suis là, penchée face à Charles, les mains posées sur ses cuisses alors qu'il me fixe, la bouche ouverte.

J'ai bu cinq ou six verres, je crois. Peut-être plus, je ne me souviens pas. Ce que je sais, c'est que j'ai les pensées embuées et là, ce que je veux, c'est Charles.

Je sais, je suis indécise : une fois, je veux qu'il s'éloigne et celle d'après, je veux qu'il revienne. J'ai tenté d'étouffer mon attirance et mes envies pour privilégier le travail mais je n'arrive pas à me concentrer lorsqu'il est dans les parages. Donc, ce soir, j'arrête de me battre contre moi-même, je ne réfléchis plus et peu importe ce qu'il en découlera.

Cependant, ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'il me repousse.

« C'est tentant mais on va s'en tenir à ce qu'on a convenu, Iris... »

Je me relève, énervée. Je ne comprends pas à quoi est-ce qu'il joue avec moi ? S'il préfère que l'on reste de vulgaires collègues, pourquoi est-ce qu'il est venu ? Pourquoi est-ce qu'il ne m'a pas lâché des yeux et pourquoi il a mené une véritable bataille avec Max ?

Je finis mon verre d'une traite et m'en vais. C'est terminé, je ne veux plus de ce qu'il y a entre nous, s'il y a eu ne serait-ce qu'une chose entre nous.

« Où est-ce que tu vas ? a crié Francesca.

– Je rentre. Cette soirée est à chier, c'était de la connerie.

– Attends, je viens avec toi !

– Non, je veux que tu profites avec Pierre. Daniel me récupérera, il est à l'hôtel. »

Je claque mes lèvres sur sa joue alors qu'elle me demande de lui écrire lorsque je serai rentrée. J'enfile mon trench, récupère mon sac à main et descends les escaliers du carré VIP, bien que la pièce tourne. La prochaine fois, je m'imposerai une limite avec l'alcool parce que là, ce n'est pas professionnel.

J'atteins la sortie et la température me frappe le visage, ça me soulage. Je tente de joindre mon ami, sans succès. Bon, je n'ai plus qu'à rentrer à pieds alors je m'y mets. Après quelques tentatives, je parviens à entrer l'adresse de l'hôtel sur mon téléphone et je commence à suivre la route tracée sur mon écran.

Après dix minutes, mes orteils sont en souffrance. D'instinct, je retire mes escarpins et reprends ma marche nocturne. Je me remémore la discussion que j'ai eu avec Francesca.

« Tu penses que Charles viendra ? lui ai-je demandé.

– Aucune idée, pourquoi ?

– Non, comme ça. »

J'étais déçue et je ne m'en cachais pas alors elle m'a questionné.

« Qu'est-ce qu'il se passe avec Charles ?

– À vrai dire, j'en sais rien. C'est flou. Je crois qu'on se plaît mais on s'impose des limites pour ne pas gâcher nos carrières respectives.

– Pourquoi est-ce que vous ne voyez que le négatif ? Ça peut être une belle histoire à vivre, non ?

– Justement, je ne veux pas qu'on assimile mes efforts à Charles et à ce qu'on a vécu.

– Je comprends. »

Elle relève mon visage d'une main afin que je puisse affronter ses yeux. C'est là qu'elle décèle le fond du problème.

« C'est plus que du sexe, n'est-ce pas ?