Contre l'univers - EN PAUSE

3

Shai suivit Micah jusqu'à la voiture au centre de toutes les autres. Celle-ci était vide mais pourtant entourée de plusieurs hommes, gardée précieusement au cas où un intru installerait un quelconque traceur ou pire un explosif.
Il lui ouvrit la portière arrière avant de rejoindre le poste conducteur. Le siège passager était vide mais il refusait de l'avoir à ses côtés. Pourtant, la jeune femme resta silencieuse et immobile, même lorsqu'ils partirent et furent suivis par deux autres véhicules. Elle observa cette organisation inconnue avec de grands yeux hébétés. Elle se rendait compte que tous les scénarios qu'elle s'était imaginée dans sa tête au sujet de son père étaient ridicules face à la réalité. Toutefois, elle ne pleurait plus et resta impassible même lorsqu'ils passèrent par un portail sécurisé, bien trop immense pour l'escalader et s'enfuir.

Ils entrèrent dans un chemin gravillonné pendant encore quelques minutes avant d'enfin se garer devant une maison, ou plutôt une sorte de villa gigantesque. Shai n'en fut aucunement impressionnée, consciente que s'ils étaient riches, c'était seulement grâce à des actes monstrueux. Puis, de toute manière, elle n'avait aucune envie d'y vivre, ayant plutôt l'impression que la demeure la surplombait comme les portes de l'enfer.

Elle sursauta lorsque Micah frappa violemment contre sa vitre pour la réveiller de sa contemplation. Il vit ses yeux pleins de larmes mais n'en fit aucun commentaire, n'en eu aucune encore une fois réaction. Elle quitta son siège pour le suivre, ne sachant quoi faire d'autre, de toute manière. Néanmoins, elle continua de scruter son environnement malgré les hommes qui sortirent eux aussi des véhicules et qui les suivirent jusqu'à la porte d'entrée. Celle-ci s'ouvrit par une femme habillée d'un costume veste et jupe noires. Elle fit son plus beau sourire, peu sincère et exagéré. Le brun acquiesça seulement pour répondre tout en continuant d'avancer et filant jusqu'aux escaliers. Shai le suivit sans trop savoir si elle devait puisqu'il avait décidé de ne pas lui parler. Il s'arrêta devant une porte et se retourna en la sentant dans son dos.

« J'te préviens, c'est chez moi. » Elle hocha la tête, encore inconsciente qu'ils allaient devoir partager bien plus qu'une maison. « Mon père nous oblige à être dans la même chambre. J'en ai aucune envie, que ça soit clair alors me saoule pas avec ça. » Il ouvrit mais elle n'avança pas, inquiète voire effrayée de se retrouver dans un lieu si privé avec non seulement un inconnu mais surtout un homme qui semblait dangereux et imprévisible.

« Pourquoi est-ce qu'il nous oblige à...être dans la même chambre ? Pourquoi je suis là ? »

Micah secoua la tête, la mâchoire serrée. Le père de Shai ne lui avait rien dit et si elle le percevait comme un méchant, pour sûr, elle verrait rapidement son patriarche d'une autre manière. « C'est comme ça.»

« C...»

«...J'ai aucune envie de te parler alors me force pas. Si tu veux te rassurer, j'ai aucune envie de toi donc tu risques rien tant qu'on s'ignore. » Elle resta bouche bée face à sa réponse. Lui, continuait d'avancer dans sa chambre. « Ca me casse assez les couilles comme ça. »

« C'est à cause de mon père ? » Elle avança à ses côtés mais il s'éloigna dans sa penderie, espérant prendre un peu de distance. Elle l'agaçait, il n'y avait pas de doute. En sa présence, son souffle était coupé comme si son coeur se comprimait trop fort. C'était bien trop désagréable pour qu'il réussisse à l'ignorer. « J'ai le droit de savoir. » Il pouvait entendre dans sa voix qu'elle pleurait mais il ne savait dire si c'était de peur ou de colère, ou peut-être un peu des deux. Il rangea ses baskets dans son armoire. Celle-ci était presque complètement vide tant il n'avait pas grand chose. Ça ressemblait à cette maison, onéreuse mais sans vie. « Dis moi juste ce qu'il se passe et je te laisse tranquille. » Elle tenta de le rejoindre et il s'éloigna encore, se dirigeant vers la salle de bain. Elle continua de le suivre, refusant d'abandonner. « S'il te plait. Ma mère m'a dit que c'était temporaire ? »

Micah ne put retenir un ricanement silencieux. Elle ne sut le percevoir, trop inquiète de son sort pour analyser la posture du jeune homme. Elle tenta d'attraper son bras pour le forcer à lui faire face, lui qui semblait trop préoccupé par les tâches sur sa veste. Toutefois, elle n'eut le temps de le toucher qu'il se retournait brusquement, sa main maintenant autour de sa gorge sans même qu'elle n'ait eu le temps de réagir ou de s'éloigner. Il ne la serrait pas mais pourtant, elle préféra rester immobile, priant pour que ça le fasse la relâcher. Cependant, il ne céda pas et son regard fut noir et glacial comme lorsqu'elle l'avait vu la première fois, dans la rue. Et, cette fois, Alix n'était pas là pour l'aider à s'en détacher. Elle était seule dans une maison inconnue mais aussi dangereuse, livré à des hommes furieux.
Il dut se forcer à inspirer profondément plusieurs fois pour ne pas refermer sa poigne, pour ne pas laisser sa colère le submerger. Celle-ci diminua et sa mâchoire se desserra, lui laissant la possibilité de s'exprimer.

« Je t'ai déjà dit de te la fermer. J'ai été gentil, une fois, mais pas deux. Je suis pas ton pote alors arrête de me parler putain. » Il releva son menton en le poussant de son pouce. Elle n'eut d'autre choix que d'affronter son regard. « Tout ça, c'est de la faute de ton père. J'ai aucune envie que tu sois là. Et si tu crois que cette connerie est temporaire, tu te trompes. Le mariage, c'est pour la vie. » Il vit ses yeux sortir de ses orbites tant elle était surprise. « Ca aussi, tes parents ne te l'ont pas dit. Qu'est-ce que tu ne sais pas d'autres, hein ? Qu'est-ce que tu veux savoir maintenant ? » Elle secoua la tête, ses yeux suffisamment remplis de larmes pour ne plus voir ceux de Micah. « Sois chanceuse que je ne te prenne pas, là, toute de suite, rien que pour te donner une leçon, rien pour entamer ce putain d'union. Est-ce que c'est bon pour toi ou je dois serrer un peu plus fort pour que tu ne parles plus jamais ? » Elle ne répondit pas et ferma les paupières. Il la relâcha alors avant de reculer d'un pas. « Maintenant, si tu veux bien sortir de la salle de bain pour que je puisse me doucher. Tu peux dormir dans le lit cette nuit, t'as de la chance, je dois repartir. »

C'était pas complètement vrai mais il préférait sortir d'ici.
Loin d'elle et de tout ce qu'il se passait.