Micah serra les poings et les paupières de toutes ses forces. Il espérait pouvoir fuir un peu la conversation, souffler pour reprendre son calme et ne pas lancer son verre de whisky de rage. Toutefois, son père ne lui laissa le temps de s'apaiser, allumant un cigare dans le bureau. Le brun toussota malgré lui, ne s'habituant toujours pas à la fumée épaisse qui virevoltait dans les aires depuis son enfance. Il se leva pour ouvrir la fenêtre, y appréciant par la même occasion le soleil se levant. Il faisait déjà chaud et pour sûr, l'été allait être brûlant.
« Ecoute, j'suis désolé Micah mais je peux pas tout gérer. »
« C'est pas ce que je dis. » Il secoua la tête tout en se rongeant le bout de ses doigts. « Mais c'est la deuxième fois en même pas une semaine que je suis obligé d'intervenir. T'es plus sur le terrain, tu vois pas tout ça. »
Son père le regardait sans cacher son inquiétude. Il pouvait voir que son fils était épuisé ces derniers temps, qu'il se malmenait au mieux pour maintenir leur réputation mais que certains hommes tendaient à le tester. « Je t'avais dit que ça serait comme ça au début, continue ce que tu fais, ils finiront pas plier, soit parce qu'ils veulent te suivre, soit parce qu'ils ont peur de toi. » Il lui versa un autre verre malgré l'heure matinale. De toute manière, aucun des deux n'avaient dormi de la nuit. « Tu fais ce qu'il faut. T'es bien plus fort que moi au même âge, bien plus intelligent. » Le jeune homme secoua la tête, refusant d'y croire. « Aies confiance en toi. » Le téléphone du patriarche sonna. « Moi, j'ai confiance en toi. »
Micah acquiesça avant de se lever, quittant le bureau. Il aurait aimé lui parler de Shai et sa tentative de fuite d'il y a quelques jours mais il n'en eut l'occasion.
Il déambula dans la maison jusqu'à finalement se décider à rattraper quelques heures de sommeil. Il passa alors par le couloir pour rejoindre les escaliers, là où de grandes baies vitrées donnaient sur le jardin intérieur. Il s'arrêta en route, interpellé par un petit garçon courant en sa direction, un sourire grand sur le visage alors qu'il criait son prénom. Il hésita un instant à l'ignorer, trop envieux de s'allonger dans un lit, mais Wolf était bien trop heureux de le voir pour passer à côté. De toute manière, son frère tapait déjà contre la porte pour qu'il lui ouvre. Il n'eut à peine le temps de la déverrouiller qu'il fonçait contre ses jambes pour être porté. Il le fit, l'attrapant pour le serrer dans ses bras.
« Salut mon loup, ça va ? »
« Regarde, on mange dehors ! » Il suivit la direction, sur la petite terrasse, Shai était assise, les observant timidement. Elle avait demandé à Odile s'il était possible de prendre le petit déjeuner dehors. Face à l'enthousiasme de Wolf à cette idée, elle avait accepté et ils avaient, tous ensemble, déplacé tous les plats sur la table extérieure. Micah en était certain, il n'avait jamais vu personne y manger avant ce matin là. « Tu manges avec nous ? »
« J'ai envie de dormir.. » Il n'eut la foi de finir sa phrase en voyant la petite mine de son frère. «..mais je veux bien manger un petit truc avant. » Wolf leva les bras en l'air et Micah le relâcha. Il le guida néanmoins d'une main sur sa tête. Il prit place face à Shai, la saluant d'un sourire pincée, espérant qu'elle y voit un remerciement pour ne pas lui avoir dévoilé les raisons de sa présence, pour lui apporter un peu de bonheur. Le petit garçon lui, prit place à côté de son aîné, adorant l'avoir à proximité. « C'est ton idée ? » Elle hocha la tête, hésitante. Depuis sa tentative de fuite, Micah l'évitait comme la peste, et, même si elle avait le confort d'une chambre pour elle, elle se sentait plus seule que jamais. Elle trouvait un peu de réconfort avec Wolf qui avait au moins la décence juvénile de lui parler. « On devrait faire ça plus souvent. »
Il attrapa un toast avant de s'installer confortablement dans sa chaise. Du moins, il essaya puisque Wolf monta sur ses genoux pour lui aussi se mettre à son aise. Mais comme si ce n'était pas suffisant, son téléphone sonna. C'était un de ses seconds, un de ceux à qui il ne pouvait pas ne pas répondre. Toutefois, il ne quitta pas la table pour autant, même lorsque Shai profita de son inattention pour l'observer, de sa chemise froissée à ses poings abîmés. Avec le temps et la violence, ils s'étaient teintés indéfiniment de violet. Elle n'eut le courage de remontrer jusqu'à ses yeux, s'arrêtant à ses lèvres pincées et sa mâchoire constamment serrée. Micah se leva sans un mot, prenant seulement la peine d'embrasser le crâne de Wolf. La jeune femme le regarda partir en trottinant, se perdant dans l'horizon.
« Dis. » Elle tourna la tête pour voir le petit garçon qui avait gardé la place de son frère. Il avait les yeux brillants et les joues rouges. Elle se doutait qu'il était triste de son départ précipité. Les quelques jours ici lui avaient permis de voir que la maison était bien plus occupé par des salariés et des hommes de main que par les Provenzano eux-mêmes. Wolf était toujours seul, souvent dans les jambes de la gouvernante, Odile. « T'es sa copine ? »
« De Micah ? » Il hocha la tête vivement. « Je...en quelque sorte, oui. »
« J'en avais jamais vu avant. » Micah avait eu quelques relations, par-ci par-là mais jamais dans la monogamie ni trop régulièrement. Le plus important, jamais il n'avait ramené une femme à la maison. Toutefois, Shai était différente. Ce n'était pas un choix, pas une relation, juste un mariage forcé. « Je t'aime bien. »
« Moi aussi, Wolf, je t'aime bien. » Elle lui fit un clin d'œil, souriant sincèrement pour la première fois depuis des jours.
« Est-ce que tu veux bien qu'on fasse du dessin ce matin ? »
« Hm...on peut, oui. J'ai...toute la journée. »
Toute la vie, même, puisqu'il semblait qu'elle n'avait aucune issue pour retrouver sa liberté. Elle quitta le petit garçon des yeux, se rendant compte que sa vue devenait flou. Malgré ses larmes, elle put voir le patriarche alors elle suivit son instinct et se leva pour le rejoindre. Peut-être qu'elle avait encore une piste.
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Contre l'univers - EN PAUSE
RomanceL'amour sincère. L'amour infâme. L'amour meurtrier. L'unique amour de ce monde.