Contre l'univers - EN PAUSE

12

Les jours suivant, Shai fit au mieux pour éviter Micah, tendant l'oreille à chaque fois qu'elle passait les escaliers pour s'assurer qu'il n'y était pas. Dès qu'il arrivait, elle partait, tête baissée. Lui s'en moquait, trop concentré sur sa propre vie à l'extérieur pour se préoccuper des émotions de la jeune femme. Du moins, jusqu'à ce qu'il reçoive un appel à une heure du matin d'un de ses hommes de sécurité. Ils étaient inquiets parce qu'elle courrait depuis déjà un moment autour de la maison. Elle n'essayait pas de s'enfuir, elle sprintait seulement comme si elle était sur une piste d'athlétisme. Ils lui suppliaient de venir, de l'arrêter parce qu'elle perturbait leur attention. Il accepta alors et prit la route pour rentrer. Si sa colère était passée, il n'hésiterait pas à la faire renaître.

A peine le portail traversé, il manqua de la percuter mais elle ne s'arrêta pas et n'en eut aucune réaction. Elle était complètement en sueur, à bout de souffle, épuisée. Pourtant, elle continuait, espérant presque en perdre connaissance. Il tira son frein à main avant de la rejoindre, devant courir à ses côtés. Il ne l'attrapa pas dans un premier temps, restant à ses côtés mais elle le mit rapidement à la traîne alors il attrapa son bras. S'il avait la force musculaire, il n'avait aucunement la rapidité et l'endurance.

« Lâche moi. » Elle se libéra, la voix déjà remplie de sanglots. Seulement, il ne pouvait pas la laisser continuer, oubliant la sécurité de la maison mais pensant plutôt à celle de Lola. Malgré l'effort, son teint était pâle. Ses jambes ne la tenaient plus et ses yeux semblaient ne pas pouvoir se fixer. « Lâche moi ! » Elle tenta de se libérer une nouvelle fois mais il la tint bien plus fort, refusant de continuer ce jeu.

« Qu'est-ce que tu fous ? T'es entrain de t'épuiser ! » Il criait dans ses oreilles, extériorisant son inquiétude. « Shai ! Parle avant que je t'attache à ton putain de lit jusqu'à la fin de tes jours ! »

« J'suis pas censée te parler, pas vrai ? J'suis même pas censée te regarder. » Elle usa de ses dernières forces pour se libérer. Toutefois, elle ne tenta pas de reprendre, consciente qu'elle s'effondrerait devant lui. « Laisse moi tranquille. » Elle tenta de marcher pour aller à l'intérieur mais ses cuisses en feu décidèrent de l'humilier, refusant de subir plus son comportement. Elle manqua de tomber mais Micah la rattrapa avec aisance. « Me touche pas. »

« Sois pas stupide. »

« Stupide, gamine, capricieuse. » Il usa de toute sa patience pour ne rien dire. Toutefois, il s'extériorisa en attrapant ses hanches et la mettant sur son épaule comme un vulgaire sac. Elle jura contre lui tout en essayant de se débattre mais il n'eut de peine à contenir ses jambes de ses mains. Il avait l'impression que la pulpe de ses doigts cherchaient à se fondre contre sa peau. « Lâche moi ! »

« Tu perturbes mes gars qui sont dehors pour notre sécurité. Laisse les faire leur job, si t'as besoin de te dépenser, va dans la salle de sport. » Elle préféra ne pas répondre, attendant seulement qu'il la dépose enfin au sol. Il le fit lorsqu'il arriva dans la maison. « Ne me fais pas revenir, j'ai un truc important à faire. »

Micah se demanda si Shai pouvait plus paraître fébrile qu'en l'instant. Il était certain que même son petit frère arriverait à la mettre six pieds sous terre. Sans s'en rendre compte, il resta quelques secondes de plus, rien que pour l'observer, ses propres émotions sans dessus dessous. Puis, il préféra partir sans un mot de plus, repensant à ses paroles dites, à son ingratitude. Du moins, jusqu'à ce qu'elle l'interpelle de nouveau comme si elle refusait de perdre ce peu de contact.

« Je suis désolée. » Il fronça les sourcils, espérant l'inciter à continuer. « De vous avoir mis en danger toi, ton père...tes...collègues. » Il voulut l'interrompre, lui rappeler qu'ils avaient déjà eu cette conversation et qu'elle avait plutôt mal terminé. Toutefois, elle ne lui laissa la chance, reprenant avant qu'elle perdre le fil de son idée. « J'pensais sincèrement que mon père me choisirait, me ramènerait à la maison. J'voulais que tout redevienne comme avant mais j'ai bien compris que c'était pas possible alors je n'essaierai plus. Et, je...je n'arrive pas à croire que mon père ait essayé de vous tuer...enfin surtout de me tuer. Finalement, ma famille est horrible mais je ne suis pas comme eux, comme lui. » Elle haussa les épaules tout en riant jaune mais il resta immobile et muet. Il ne savait pas quoi lui répondre, comprenant ses propos mais préférant largement la colère plutôt que la compréhension. « Dis moi quelque chose, me laisse pas m'étaler. »

« On fait une trêve. » Elle acquiesça, acceptant. « Par contre, s'il te plait, ne cours plus comme une dératé. J'ai autre chose à faire. »

« D'accord. »

Cette fois, elle le laissa partir. Micah rentra dans sa voiture pour rejoindre ses hommes. Il reprit la route après avoir coupé la musique, rêvant de silence et d'introspection. Shai réveillait en lui des émotions insoutenables jusqu'à être prêt à quitter ses devoirs en pleine crise rien que pour l'empêcher de mettre en danger la sécurité de la maison, celle de Wolf mais surtout la sienne. De plus, il arrivait à la comprendre, dans ses mots et ses actes, et c'est ce qui l'énervait le plus. Elle s'était retrouvée au milieu des manigances de son père contre son gré, envoyée dans une famille pour un mariage forcé. Elle perdait ses amis, ses passions, son avenir. A sa place, il serait devenu complètement fou. Il n'avait pas de doute. Néanmoins, il n'était pas beaucoup plus heureux dans sa propre position, conscient qu'elle prenait un peu trop de place dans sa tête et dans sa vie pour quelqu'un qui venait seulement d'arriver.

Et ça ne se termina pas si simplement puisqu'avant de rentrer dans le hangar, il sortit son téléphone portable pour regarder les derniers tapis de courses à la mode. Si Shai voulait se dépenser, elle pourrait le faire de manière sécurisée et contrôlée. Il en commanda un avant d'envoyer un message à un de ses hommes pour qu'il s'organise et aille le chercher dès l'ouverture du magasin le lendemain.
Lorsqu'il sortit de sa voiture, il souffla en se rendant compte de son propre comportement.

Lola était dans sa tête, infiltrée au plus profond.