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Shai courut en sa direction comme si sa vie en dépendait. Et c'était un peu le cas. Sandro s'arrêta en la voyant arriver en sa direction. Ils n'avaient jamais discuté ensemble et il n'était pas sûr d'avoir déjà entendu le son de la voix de la jeune femme. Elle s'arrêta net, proche de le percuter. Observateur, il remarqua ses yeux larmoyants et ses joues roses. Alors, malgré son envie de l'ignorer, il attendit.
Tel père, tel fils.


« Est-ce que je peux vous parler ? Juste quelques minutes. »

« Tu sais que tu as Micah, si besoin. Il s'est déjà occupé du téléphone pour ton amie quand tu lui as demandé. »

Elle hocha la tête. « Je sais, je sais que je peux lui demander mais en ce moment.. » En ce moment, elle ne pouvait pas parce qu'il était jamais là. Et lorsqu'il était là, il l'évitait ou l'ignorait parce qu'il prenait personnellement la soirée où elle avait voulu s'échapper. « Je...je vais voir avec lui, désolée de vous embêter. »

« Dis moi. » Elle put voir son impatience dans sa posture et reconnut immédiatement les gènes Provenzano.

« J'aimerais avoir un rendez-vous avec mon père. J'aimerais comprendre ce qu'il se passe et avoir sa version. J'aimerais qu'il me dise la vérité.. »

«..Micah peut te donner la vérité. » Le patriarche fronça un peu plus les sourcils, confus. Toutefois, elle ne voulait pas l'histoire par n'importe qui. Elle voulait entendre par le premier fautif de son arrivée ici. Elle voulait savoir s'il allait se battre pour la libérer, s'il regrettait de l'avoir abandonnée ici, si facilement. « Est-ce que c'est vraiment important ? »

« Oui, s'il vous plait. Vous pourrez venir, tout entendre. Je n'essaierai pas de m'enfuir cette fois. »

Il tenta de cacher son sourire en se pinçant les lèvres. Shai ne put le voir, trop inquiète qu'il refuse. « Cette fois ? Tu as essayé de t'enfuir ? » Elle baissa le menton, coupable. Elle ne voulait pas lui mentir, mettant toutes les chances de son côté pour qu'il accepte. De plus, elle restait effrayée de cette famille, effrayée qu'ils lui fassent du mal. Elle savait qu'ils en avaient les moyens mais surtout elle était certaine qu'ils avaient un tel manque d'empathie qu'ils n'auraient de peine à l'éliminer ou même la torturer. « Je vais faire ce que je peux, d'accord ? J'aimerais que tu en parles à Micah. » Elle acquiesça avant de s'éloigner.


Elle rejoignit Wolf qui avait déjà sorti tout ses dessins. Il n'avait pas commencé, l'attendant impatiemment, ses jambes se balançant sous la table tout en la regardant. Elle s'installa à ses côtés et ils colorièrent pendant presque une heure, le petit garçon posant des questions à Shai sur sa vie d'avant, profitant d'avoir une autre présence qu'Odile pour s'occuper de lui. Ils n'arrêtèrent que lorsque Micah arriva. Et, contrairement à ce matin, ce fut la brune qui se précipita en sa direction. Il ne s'arrêta pas pour elle, continuant son chemin jusqu'à ce qu'ils se retrouvent tout deux dans la chambre. Elle resta silencieuse un instant, l'observant tandis qu'il fouillait dans ses affaires. Il rêvait d'une douche et de s'allonger de tout son long dans son lit alors il tenta au mieux de l'ignorer mais son regard était pesant d'inquiétude et d'anxiété si bien qu'il céda.


« Qu'est-ce que t'as ? »

« Je...j'aimerais.. »

« Tu as Odile pour tes demandes. » Son ton était dur. Il n'en pouvait plus des demandes et des besoin des autres. Il voulait penser à lui, rien qu'un instant, rien que pour dormir.

« Elle peut pas répondre à cette demande là. » Cette fois, elle attira son attention. « Je...J'aimerais voir mon père pour discuter avec lui. Et...je suis par contre que tu sois là ou que ton père soit là...comme tu préfères. »

« Ok. » Il haussa les épaules avant de se diriger vers la salle de bain, repoussant la porte derrière lui d'une main nonchalante. Elle l'empêcha néanmoins. Ca le fit repenser à sa première venue ici avec ses mille questions. « Shai, j'suis vraiment crevé. Je t'ai dit que c'était bon. »

« Oui ? » Elle avait les yeux larmoyants, prête à lâcher les vannes tant elle continuait de se retenir encore et encore. « Merci. »

« Mais, honnêtement, Shai, qu'est-ce que ça va t'apporter ? Si tu penses qu'il va te dire pourquoi tu en es là, tu rêves. Et...et pire, si tu crois que tu vas repartir avec lui...t'es.. » Il avait les pires insultes au bout des lèvres mais se retint, voyant tous les espoirs s'éteindre chez elle. « Mais on ira, on verra bien. Et puis, ça te permettra de sortir. Ça enlèvera peut-être un peu tes envies d'évasion. » Cette fois, elle ne put retenir une larme de couler. Micah la regarda s'échouer jusqu'à la commissure de ses lèvres. « J'dois vraiment prendre une douche. »


Elle s'en alla alors, le laissant enfin seul. Elle quitta la chambre plus pour lui que pour elle-même, rêvant de pouvoir se camoufler sous la couette pour oublier.



Micah, lui, resta un instant immobile dans la salle de bain, les yeux clos et les poings appuyés contre le lavabo. Il était certain de pouvoir s'endormir ainsi, debout, s'il n'avait pas autant de pensées dans sa tête. Les affaires le faisaient courir partout, tout comme les relations avec ses hommes. Certains avaient dorénavant une entière confiance en lui et n'avaient pas peur de suivre ses ordres tandis que d'autres tentaient, avec défaillance, d'aller à l'encontre de ses idées rien que pour le décrédibiliser. Ils n'avaient peu de succès, le brun ayant l'expérience de son père dans les veines. Seulement c'était éreintant et frustrant de voir tous ses bâtons et ses freins qu'on lui imposait. Il se redressa enfin, conscient que son immobilité n'avait rien de positif, il avait besoin d'un sommeil réparateur. Il prit une douche rapide avant de s'allonger dans le lit, s'endormant en quelques minutes.


Shai le laissa tranquille jusqu'à s'endormir au rez-de-chaussée.
Lorsqu'il descendit tôt dans la matinée, il fut surpris de voir la lumière dans la bibliothèque. Il y passa une tête, rien que pour vérifier que Wolf ne s'y cachait pas pour retarder son heure du coucher. Néanmoins, c'était la jeune femme, endormie et allongée dans un des fauteuils. Il entra à l'intérieur rien que pour prendre un plaid dans un coffre.
Il avança lentement en sa direction, prenant le temps de l'observer. Il avait déjà remarqué les quelques grains de beauté sur une de ses pommettes tout comme ses longs cils qui semblaient toujours voiler ses prunelles tant elle ne voulait jamais le regarder pleinement. Cette fois, il put aussi voir ses joues irritées par les nombreuses larmes et eut du mal à en rester de marbre. Il reposa la couverture sur elle, prenant soin de la couvrir de ses pieds jusqu'à ses épaules avant de quitter la pièce.

Contre l'univers - EN PAUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant