Contre l'univers - EN PAUSE

14

Micah s'arrêta dans un parking sous terrain de la ville, Shai à ses côtés, silencieuse. Il n'avait pas échangé depuis qu'ils s'étaient retrouvés dans le même véhicule. Ils étaient tous les deux anxieux, pas pour les mêmes raisons mais l'atmosphère restait bien là. Elle fut la première à vouloir sortir mais il l'en empêcha, rattrapant sa portière avant qu'elle ne l'ouvre. Elle fut surprise par son geste rapide, presque brusque. Elle s'enfonça dans son siège tout en évitant tant son corps que son regard.

« N'essaye pas de t'enfuir. N'essaye pas de faire de polémique. » Son ton était dur et malgré l'habitude, elle restait effrayée. « Ne fais rien de stupide, Shai, s'il te plait. J'ai de la sécurité ici et il y en aura aussi d'ici parce qu'il y a des gens importants. J'aimerais qu'on passe une bonne soirée. »

« Je comptais pas faire quoi que ce soit. »

Il acquiesça. « Tant mieux. Reste avec moi quoi qu'il se passe. » Ce fut à son tour d'hocher la tête. Satisfait, Micah fit le tour de la voiture pour lui ouvrir la portière. Elle le suivit jusqu'à l'ascenseur du bâtiment, ses talons claquants maladroitement à ses côtés. Elle n'avait jamais été à ce genre d'événements et ne portait des escarpins que dans de rares occasions. Et, pour sûr, celles-ci n'avaient jamais été liées à une quelconque obligation de la sorte. « Essaye de paraître heureuse d'être ici. Tu fais une tête horrible. »

« C'est ce qui arrive aux gens qui n'ont plus leur liberté. »

Il ne répondit pas mais elle préféra baisser le nez pour camoufler son visage. Elle était bien trop inquiète pour se montrer sous un autre angle, même si elle voulait. Le temps dans l'ascenseur fut trop court à son goût et en quelques secondes ils se retrouvèrent happé tant par le monde, la chaleur que le bruit. Sans même qu'elle ne s'en rende compte, Shai fit un pas vers la gauche jusqu'à frôler Micah, s'électrisant par la même occasion.  Il n'en eut aucune réaction, avançant tout en saluant d'un geste de tête et parfois un sourire des personnes qu'elle ne connaissait pas. Pourtant, Le brun eut envie d'attraper sa main pour espérer retirer cette inquiétude de son visage, pour calmer ses propres picotements. Il arrivait à se l'imaginer, à sentir sa peau contre la sienne. À la place, pour effacer sa trace, il usa de sa poigne pour saluer et s'imposer par sa présence. Son patriarche faisait de même de l'autre côté de la pièce.
Shai essayait au mieux de garder la face mais elle disparaissait au fur et à mesure, se cachant au fin fond de sa tête pour se protéger de la réalité. 

Toutefois, lorsque le jeune homme discuta chaleureusement avec le maire de la ville, elle perdit contenance. Elle recula d'un pas, les mains tremblantes et le souffle court. Malgré tout, elle avait retenu une chose, elle ne devait pas faire une scène. Elle se devait d'être calme pour ne pas en subir les conséquences. Elle attrapa le bras de Micah fermement jusqu'à le faire se retourner. Elle était pâle et moite, elle qui avait toujours les pommettes rosées. Son maquillage avait même légèrement coulé de ses yeux.

« Excusez-nous. » Il se força à sourire avant d'attraper la main de Shai. Il fut doux, la guidant patiemment dans des couloirs bondés jusqu'à trouver un petit bureau. Bien sûr, il connaissait déjà l'endroit. Jamais il ne rentrait dans un lieu inconnu sans en connaître les sorties.
Il ferma la porte derrière lui et s'y appuya tout en retirant un bouton de sa chemise. Shai, elle, avança dans la pièce avant de s'asseoir à la première chaise trouvée. Ses jambes se mirent à trembler mais elle essaya de camoufler au mieux, les croisant mais Micah avait déjà remarqué son état. « Il faudra qu'on y retourne. » Elle hocha la tête sans pour autant le regarder. Elle le détestait d'être aussi insensible alors qu'elle avait l'impression de mourir. « Tu t'habitueras. »

« Tu m'aides pas. »

Il se mordit l'intérieur de la joue tout en regardant le plafond. Il n'avait pas les mots mais il pouvait bien sentir son mal-être et ça lui donnait mal dans la poitrine. Il détestait ça. « Je comprends pas pourquoi tu te sens comme ça. C'est juste une soirée avec de gros et vieux cons. » Il haussa les épaules. Micah avait été à ses premières soirées alors qu'il avait à peine mué. Il avait su rapidement que tous ses hommes n'étaient que de riches imbéciles. Il en avait tant manipulé qu'il ne les comptait plus. Tout ça n'était qu'un ballet d'hypocrisie et il était certain que Shai était bien trop intelligente pour ne pas en être impressionnée. Toutefois, il n'y avait pas que ça. « Est-ce que tu penses pouvoir y retourner ? »

Elle ne se sentait pas en sécurité, ici, même avec lui. « La première et dernière fois qu'on est sorti de la maison, depuis que je suis...dans ta famille, on a failli mourir. »

« Ça risque pas d'arriver ici. »

Elle haussa les épaules tout en essuyant ses joues, pleurant désormais. « C'était effrayant. »

« Tu n'as pas été blessée. » Micah tentait au mieux de clôturer la conversation mais ses propres émotions l'empêchaient de voir les faits. Shai était sauve, certes, mais elle était heurtée au plus profond de son cœur. De rage d'être incomprise, elle se redressa tout en séchant ses larmes mais il ne la laissa passer et attrapa son bras. Il n'y mit aucun force mais elle s'arrêta et ferma les paupières, ses sens quémandant de se concentrer sur ce qu'il provoquait. « Tu es en colère mais... »

« ...Au moins une chose que t'arrives à comprendre. » Sa remarque salée ne le toucha pas tant sa voix était chevrotante. « C'est pas moi, tout ça. Je suis pas de ce monde. »

« Tu t'y habitueras. » Son menton trembla face à ses mots répétés. Elle ne voulait pas devenir comme lui, comme eux. Elle voulait redevenir cette jeune adulte libre, se suffisant de sa vie entourée de ses amis, loin de cette folie dans laquelle Micah semblait se plaire. « Mais pour ce soir, on va rentrer. Laisse moi cinq minutes pour prévenir quelques personnes importantes mais sèche tes larmes, s'il te plait. Dès que tu pleures, t'as les yeux qui brillent et les paupières qui...» Il souffla de désespoir « Tout le monde va le voir. »

C'était faux.

En réalité, il était le seul à percevoir les petits détails de Shai.