Micah rentra lorsque le soleil se leva. Malgré l'envie de dormir quelques heures, il resta au rez-de-chaussée à tourner en rond jusqu'à ce que son père descende dans la pièce de vie. Dans sa propre tête, celui ci attrapa une tasse de café déjà servi ainsi qu'un toast grillé. Il ne remarqua son fils qu'à sa première gorgée.
« T'as pas dormi de la nuit ? » Sandro était déjà habillé et apprêté pour la journée tandis que lui, avait plutôt l'air d'avoir couru pendant des heures. « Un café ? » Il hocha la tête tout en s'approchant pour prendre le mug tendu. « Est-ce qu'elle te convient ? » Le jeune homme ne put retenir un râle de mécontentement. Il n'avait pas envie de parler de ça, ni même d'y penser. « Je sais que tu voulais pas mais c'était une bonne affaire. »
« On dirait que tu parles d'une caisse ou je ne sais quoi. » Son ton était ferme et dur mais son père n'en fut pas surpris, c'était une habitude. Micah n'avait jamais su s'exprimer autrement depuis qu'il savait parler. C'était souvent ce qui arrivait lorsqu'on était le premier fils Provenzano. « Je m'en fiche d'elle, de sa famille. A ta place, je les aurais tous laissé crever. »
« Sauf que ça ne marche pas comme ça et tu le sais. Tout est une question de juste milieu. » Il était bien d'accord, toutefois, selon lui, certain ne méritait pas une protection et une énième chance. S'il n'avait jamais aimé la famille de Shai, leurs actes continuaient de les convaincre. Ils avaient donné la vie de leur fille unique sans hésitation et ne lui avait même pas donné la vérité en échange. Selon lui, ils n'avaient aucune valeur et aucun principe. C'était suffisant pour les brûler eux et leur maison, vifs. « Tu vas devoir t'habituer à elle de toute manière. » Micah voulut retorquer mais il ne lui laissa pas le temps, attrapant une assiette et une troisième tasse de café. Il lui tendit. « Prends et amène lui. » Il grimaça ouvertement, presque dégoûté de faire un pas vers elle. Son père le força, poussant la vaisselle contre lui jusqu'à ce qu'il la prenne. « J'veux pas t'entendre râler. Fais un effort. »
« À quoi sert Odile si je dois moi-même faire le service ? »
Sandro préféra ne pas répondre et laissa Micah monter à l'étage pour rejoindre sa chambre, là où Shai devait encore être. Il ne toqua pas et ouvrit la porte. Elle sursauta et se retourna vers lui. Elle regardait par la fenêtre pour essayer de trouver un moyen de sortir mais la terrasse n'avait aucun accès pour descendre. Elle allait devoir trouver un autre moyen pour s'enfuir de cet enfer en passant par le rez-de-chaussée. Il ne prit pas la peine d'analyser la scène et déposa le petit déjeuner sur le bureau. Elle était tentée par la nourriture, n'ayant pas mangé depuis hier midi, avant de partir à l'athlétisme. Elle sentit une des gaufres avant de l'attraper et de mordre dedans.
« C'est la seule fois où je t'emmène ton repas. » Elle releva le nez vers lui, oubliant un instant qui il était. Son regard fut suffisant pour le lui rappeler.
« Où est-ce que je dois aller ? » Il leva les yeux et même si c'était insultant, Shai en fut soulagée. Elle put les quitter pour ne plus les voir. « Et...est-ce que je peux avoir des vêtements ? »
« Tu demanderas à Odile, la gouvernante. Si t'as besoin d'un truc, ça sert à rien de passer par moi. » Elle hocha la tête tout en se retournant. Elle attrapa sa tasse pour sentir le café, repensant à celui pris le matin d'avant alors qu'elle avait souri en regardant ses parents discuter vivement autour de leur petit déjeuner, fiers de leur fille et de ses exploits d'athlète. Alix apparut sous ses paupières. Elle n'était pas au courant de sa situation et son absence serait vite notable puisqu'elles avaient prévu de passer du temps ensemble cet été. Malgré l'envie de pleurer, elle ne le fit pas. Néanmoins son faciès se déforma suffisamment pour qu'il le remarque. Malgré lui, il céda. « T'as besoin d'un truc important ? »
« Non...enfin si. Est-ce que je peux avoir mon téléphone ? Juste une minute, en ta présence, même, si tu veux...j'aimerais appeler ma meilleure amie pour lui dire que je vais m'absenter...quelques temps. » Il eut envie d'accepter, non pas par pitié, mais seulement pour la faire taire. Sa voix tremblotait désagréablement et semblait vibrer dans toute la pièce. Néanmoins, il ne pouvait pas prendre le risque de lui donner un moyen de contacter la police ou un proche pour la sortir d'ici. « Un message ? »
« J'ai pas ton téléphone. C'est ton père qui l'a. » Cette fois, elle ne put retenir quelques larmes de s'échapper malgré elle. « Si ton père avait été un bon, il t'aurait préparée à tout ça. » Micah secoua la tête tout en reculant pour attraper la poignée de la porte, prêt à partir. « Non, mieux, si ton père avait été un bon, tu ne serais pas dans cette merde. »
« J'suis sûre qu'il l'a fait pour le bien de ma famille. » Elle tenta d'avoir un ton dur, comme le sien, mais elle était à bout de souffle tant ses sanglots prenaient toute la place dans sa poitrine. « Il viendra me chercher. »
« Il t'a vraiment rien dit, hein ? » Elle secoua la tête, son menton tremblant. Micah avait pitié d'elle et n'eut le courage de la faire taire par la peur ou la violence. « Ne compte pas sur lui, Shai. Je te le conseille parce que si tu crois être au plus bas maintenant, tu risques d'être surprise. » Elle fut incapable de répondre, consciente qu'elle était dorénavant et définitivement seule. « Je verrai pour que tu contactes ta meilleure amie, sous surveillance, rien que pour lui dire que tu vas bien et que...j'en sais rien, que t'aies partie en vacances ou un truc du genre. »
« Merci. »
Il serra la mâchoire et coupa sa respiration comme s'il pouvait bloquer physiquement son remerciement. « Ne t'y habitues pas, c'est seulement dans mon intérêt. J'ai aucune envie de voir des gamines criées pour ta liberté en bas de ma fenêtre. » Il y eut un silence sans qu'aucun des deux ne se regardent ou ne sachent agir. « C'est bon ? Ca te convient ? »
Elle eut un simple hochement de tête et ce fut suffisant pour que Micah s'en aille, la laissant s'effondrer complètement contre le sol.
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Contre l'univers - EN PAUSE
RomanceL'amour sincère. L'amour infâme. L'amour meurtrier. L'unique amour de ce monde.