Chapitre 23 • Jolis Petits Mensonges

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J'ai l'impression d'interrompre mes neurones en pleine partie de bowling. C'est comme si tout, à l'intérieur de moi, avait été réduit en cendres ; mes convictions, mon espoir, ma perception de la vie...

Bon, peut-être pas à ce point-là.

Mais quand de même !

J'ai beau prendre en compte le point de vue de Kat, Kheo et Maoni, il y a quelque chose qui cloche dans cette affaire, et je compte bien découvrir de quoi il s'agit. Le silence règne depuis quelques secondes dans le couloir de droite, le soupir de Rudy marque certainement la fin de cette entrevue secrète.

— Dis-moi Sherlock, t'es au courant que tes mèches bleues dépassent du mur ?

Strike.

Un sursaut se coince dans ma gorge, je fais défiler mes options en moins d'une seconde ; rapide, puisque je n'en ai aucune. Je me traîne avec mollesse, tel un escargot en convalescence, jusqu'à sortir de ma cachette. L'air ahuri de Merlin m'aurait fait éclater de rire si je n'avais pas envie de mourir sur place. Pendant un instant, je me visualise prendre mes jambes à mon coup, franchir l'issue de secours au fond du couloir pour me carapater jusqu'à l'aéroport et sauter dans le premier avion. Avec ma honte comme moteur, je pourrais aller loin. Très loin.

— Yo ! je lance suivi d'un salut militaire qui se veut décontracté, mais qui ne dégage pas une once de décontraction. Ça roule ?

Pas de réponse.

La seule chose qui roule ici, ce sont les yeux de Rudy à mon mal-être.

Merlin, quant à lui, me dévisage avec toute la perplexité dont il fait habituellement preuve, le vermillon qui tartine ses joues comme seul témoin de son embarras constant. Je lui envoie un sourire gêné, poli, courtois, libre interprétation, j'en ai marre de lui mâcher le travail.

Nous échangeons tous les trois un regard bancal, jusqu'à ce que Rudy prenne l'heureuse initiative de se retirer de ce massacre :

— Bon, je vous laisse, le cours de sport va bientôt commencer, lance-t-il avec nonchalance avant de me dépasser pour s'aventurer vers le hall.

Son coup d'oeil appuyé sur Merlin ne passe pas inaperçu ; ce dernier déglutis comme pour ravaler les derniers relents de leur prise de becs. Rudy à présent hors jeu, nous voilà le blond et moi, seuls entre quatre yeux. Je ne perds pas de temps à saisir, moi aussi, l'occasion de me soustraire :

— Faut que j'y aille, j'ai un sapin à décorer, tchuss !

Une gorgée de latte vanille glacé en bouche, je m'apprête à détaler, quand une paire de doigts tièdes s'enroule autour de mon poignet. Le mouvement me transporte dans un tourbillon vertigineux et me voilà prise d'assaut par un torse masculin qui me broie le museau. Mon gobelet, n'étant pas épargné par l'attaque, imbibe sans remords mon débardeur en crochet. Je tressaille au contact des glaçons sur ma peau.

C'en est si récurrent que je crains que ça ne devienne mon seul trait de personnalité.

Merlin ne me laisse pas le temps de m'apitoyer sur mon sort qu'il m'engouffre dans le cagibi des agents de propreté. Un hoquet de surprise s'échappe de mes lèvres lorsqu'il me plaque contre l'étagère de produits nettoyants. L'odeur d'acide chlorhydrique persiste face à celle du sel marin qui émane de sa peau dorée. Je reste muette à son agitation improvisée, les yeux écarquillés comme des soucoupes, glué sur son avant-bras qu'il déplie vers mon visage. Sa paume de main remonte progressivement, survole mon menton, mes pommettes, mon front jusqu'à s'élever dans les airs au-dessus de la bouteille de Destop Express.

Et si Kat avait raison ?

Et si sous ses airs de bisounours se cache en réalité un meurtrier en devenir ?

Blue as the SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant