Bienvenue, dans le conte merveilleux de ma vie misérable.
Le soleil amorce sa descente vers la mer lorsque la dernière voiture quitte notre stand. Une centaine de véhicules en tout genre sont passés se refaire une beauté au car wash et ma mère n'a jamais été aussi excitée à l'idée de voir autant de charrettes polluantes -comme elle aime tant les appeler- dans un laps de temps aussi réduit. J'aimerais pouvoir en dire de même. Hélas, l'argent ne fait pas le bonheur et même si on a dépassé le record de l'année dernière, ce n'est pas avec cinq-mille-cent dollars que je vais éponger ma honte.
Je passe le reste de la soirée à me morfondre sur le canapé de Kat. Daisy ayant vite capté que notre soirée karaoké hebdomadaire resterait en stand-by pendant un bon bout de temps -si ce n'est pour l'éternité- elle a troqué son rôle de pop star pour celui d'une critique de cinéma. Si j'étais vous, je ne me baserais pas sur ses articles ; sa partie préférée du film change toutes les deux secondes, à croire qu'elle ne sait pas vraiment ce que le mot préféré signifie.
— C'est mon moment préféré ! s'écrie-t-elle à l'instant où Rémy se hisse sous la toque de Linguini pour le faire exécuter sa recette de ratatouille.
Je soupire de désarroi, de fatigue, de tout.
La journée a été si longue que si je n'avais pas été frappée par la malédiction du raisin sec, aka : mon incapacité à fermer l'oeil sans revivre l'atroce scénario de cette après-midi, je serais déjà en train de dormir paisiblement au fond de ma tombe.
— Je suis là ! s'exclame Kheo en claquant la porte derrière lui.
Il retire ses claquettes dans l'entrée, sous le regard outrecuidant de Daisy, laquelle libère la mèche blonde entortillée autour de son index pour croiser les bras sur son pyjama rose Barbie :
— C'est qui, lui ?
Une mixture entre offense et stupéfaction, tartine le visage du bouclé, alors qu'il traverse le séjour.
— Je vois qu'on a le sens de l'hospitalité dans cette famille, maugrée-t-il en déposant la boîte de cake mix arc-en-ciel sur le napperon papillon de la table basse.
Le bouclé me jette un coup d'oeil ; repliée sur moi-même, les yeux rivés sur le rat cuisinier le plus coté de Paris, je demeure silencieuse.
— Wow, c'est vraiment une situation d'extrême urgence, constate-t-il.
— Elle est comme ça depuis que t'es parti, déclare Kat sans le regarder, trop occupée à farfouiller dans la trousse de vernis à ongles, à la recherche de la couleur qui complimentera le mieux sa forme carrée.
Si j'avais la force d'ouvrir la bouche, je lui conseillerais le lilas sans hésiter.
La main chaude de Maoni me frotte onctueusement le dos :
— Aller Ciel, ressaisis-toi, je suis sûre qu'il a déjà oublié.
— À sa place, je ne serais pas près d'oublier, commente le bouclé sur son trajet jusqu'à la cuisine.
Il se cantonne à la préparation des cupcakes avant que la brune ne le renvoie de ses fonctions pour prendre les commandes.
Ne jamais laisser Kheo aux fourneaux.
C'est notre règle d'or. Sans quoi la maison risquerait de partir en fumée et nous avec. Quoique, ce n'est pas ce qui me déplairait le plus à l'heure actuelle. Oui, ça m'arrive d'avoir un penchant masochiste.
— Tais-toi, Kheo. Tu vois pas qu'elle a besoin de réconfort ?
— Je dis ça, je dis rien.
Je ne suis pas né avec des yeux derrière la tête, mais si c'était le cas, je serais certaine de le voir hausser ses épaules osseuses.
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Blue as the Sky
RomanceNous avons tous des secrets. Certains sont précieux, d'autres ridicules, tandis que quelques uns nous protègent ; on se cache derrière eux afin d'éviter de dévoiler qui nous sommes réellement. Et ça, Ciel l'a bien compris. Entre séances de bronzage...