La soirée de Noël est arrivée aussi vite que Kheo au réfectoire à l'heure du déjeuner. Nos pas crissent à peine sur le sol en caoutchouc que ce dernier a déjà fait une razzia sur les smoothies, ses boucles brunes rebondissent sur sa tête à mesure qu'il navigue entre les stands en quête de quoi renflouer son estomac.
Derrière son eye-liner à paillettes, Kat roule des yeux.
J'ai beau avoir contribué à la décoration intérieure, le gymnase me semble méconnaissable à l'heure qu'il est. À travers la foule, je discerne tout juste les décorations que Maya et moi avons installées deux jours auparavant. Une chose est sûre : la douce odeur de coco et fleur de frangipanier qui flotte dans l'air est bien plus agréable que l'accoutumée sueur sportive.
À l'arrière du bâtiment, la fête s'étire sur une crique modeste où des groupes bavardent, rient et dansent les pieds dans le sable. Je suis du regard une fille de mon cours de français passer la double porte en compagnie de la brise marine pour se ravitailler en friandises. Entre bar à udons, confection de poke et jus de fruits pressés, je me demande ce que Kheo va bien pouvoir gober en premier.
Les mains constellées de snacks en tous genres, celui-ci daigne enfin nous rejoindre.
— Un toast façon kalua ? propose-t-il, d'une voix suffisamment pâteuse pour qu'on devine qu'il a pris de l'avance.
— La capacité de ton estomac m'étonnera toujours, commente Maoni, bataillant avec les volants de sa robe en dentelle que le vent extérieur s'amuse à titiller.
Kheo hausse les épaules :
— La génétique.
Et le voilà reparti pour un second round.
Pendant qu'il s'empiffre, je vais déposer mon cadeau au pied du sapin avec les filles. Une statuette de père Noël chaperonne l'arbre en guise de porte-crayons, je m'empare d'un feutre argenté et note le prénom de Maya sur l'emballage avant de le glisser sous les branches bariolées.
Un tissu velouté s'abat sur mon crâne à l'instant où je me hisse sur mes jambes pour me relever, je l'empoigne sous l'effet de surprise et puis coule un regard vers l'auteur des faits, mais la combinaison entre mon ascension et la rigidité de mes doigts acérées, enfonce de plus belle l'accessoire sur ma tête, ma vision bientôt obstruée par l'opacité du tissu.
Un gloussement étouffé parvient à mes oreilles. Je tire le bonnet en arrière afin de me soustraire à ma visibilité réduite. Le regard azur de Merlin se visse dans mes prunelles, la pulpe de mes doigts en rencontre une seconde. Je retire aussitôt ma main de la sienne.
— Mele kalikimaka.
(Joyeux Noël en hawaïen)Le blond m'octroie un sourire maladroit, la couleur cramoisie qui s'étale sur ses pommettes accentue le cyan de ses yeux. Sous son bonnet de père Noël, quelques mèches sables lui lèchent le front. En tâtant le tissu qui couvre le mien, j'en déduis qu'il s'agit du même exemplaire.
Ce qui est bien avec Merlin, c'est que je n'ai pas besoin de me creuser la cervelle pour lui faire la conversation ; sa simple présence suffit à me figer en statue de glace. Des gouttes d'embarras ploc sur le revêtement coloré. J'aimerais me carapater hors de sa vue, histoire d'éviter de finir en flaque, mais lorsque je balaye la pièce du regard, aucune échappatoire ne s'offre à ma détresse. À travers la foule, le trio est indiscernable. N'ayant personne vers qui m'enfuir, je ne trouve rien de mieux à faire pour m'extirper de cette liquéfaction scabreuse que de lui proposer le classique coup de la boisson :
— Tu veux boire quelque chose ? hasardé-je les dents serrées par mon sourire crispé.
La phrase à peine formulée sur ma langue, les mots se voient aussitôt engloutir par les platines du DJ qui lance son prochain jingle.
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Blue as the Sky
RomanceNous avons tous des secrets. Certains sont précieux, d'autres ridicules, tandis que quelques uns nous protègent ; on se cache derrière eux afin d'éviter de dévoiler qui nous sommes réellement. Et ça, Ciel l'a bien compris. Entre séances de bronzage...