Chapitre 9 • Bats les Pattes

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À la pause-déjeuner, nous prenons la sage décision de manger à la cafét', parce qu'on n'a pas non plus un salaire de ministre pour se payer le resto tous les midis.

Néanmoins, après une bouchée de spaghettis aussi grasses que l'entièreté d'une brique de beurre, je reviendrais bien sur cette décision. Même en ratissant toute la crème au beurre de la pièce montée du mariage de mes parents, on n'atteindrait jamais un tel niveau de gras. Et pourtant, dieu sait qu'il on fait impasse sur le régime ce jour-là. J'en viens à regretter les racines de taro bouillies que mon père m'a gentiment proposé ce matin. Je tente une seconde fourchette ; l'huile dégouline le long de ma bouche. Je me rabats sur les brocolis.

Habituellement, le lundi s'achève par l'impitoyable cours d'anglais de Mr.Frazier, mais comme il est cloué au lit, nous avons l'après-midi pour nous. C'est le problème d'avoir des profs multitâches.

Bye bye les dissertions et bonjour le soleil d'Atlantis !

— Alors, c'est quoi le plan ? lance Kheo entre deux bouchées d'huile.

— Le plan... rétorque Kat. C'est que tu répares ton bateau pour qu'on puisse aller à Atlantis.

— Tu sais bien que je suis une quiche en bricolage.

J'oubliais un détail ; Kheo s'est un peu trop aventuré en partant à la pêche l'autre jour, et son dinghy s'est retrouvé nez à nez avec un champ d'algues irascibles. L'affaire a donné cours à une altercation entre les deux équipes ; inutile de préciser qui a gagné la bataille.

Un moteur qui ne démarre plus et un bateau inutilisable jusqu'à la prochaine visite de son frère, puisque seul Sawyer est capable de réparer un engin pareil ; voilà l'ampleur des dégâts.

Après tout, ce n'est pas bien grave, ce n'est pas comme si on aurait pu passer toute l'après-midi à se dorer la pilule sur une île déserte.

— Tu ne peux pas appeler le plombier ?

— Le plombier ne répare pas les bateaux, Maoni.

— Pourquoi pas ? C'est dans l'eau, quelle différence ?

J'ignore sa réponse et retrace la trajectoire d'une libellule qui achève sa course sur l'herbe à mes pieds.

— Tu n'es quand même pas le seul à posséder un bateau, je souffle à l'égard du bouclé. Les gens du coin doivent bien savoir y faire.

— Je ne suis peut-être pas le seul à posséder un bateau, mais je suis le seul à posséder ce type de bateau.

En effet, son vieux dinghy n'a rien à voir avec les voiliers dernier cri qu'on trouve sur le port. Du Kheo tout craché.

On pourrait l'embaucher comme représentant du mot rapiat.

Mais une affaire est une affaire, je ne peux pas lui en vouloir. C'est déjà assez exceptionnel de pouvoir naviguer jusqu'à une île solitaire au beau milieu du Pacifique.

— Je t'avais dit d'acheter un modèle au-dessus de ce vieux boui-boui ! Kat roule des yeux toute en chassant une abeille de son assiette.

— Je t'interdis de parler de Miguel, comme ça !

— Parce que le boui-boui a un nom en plus ?

Comme je refuse de prendre part à leur querelle quotidienne, je m'éclipse chercher de l'eau. Grave erreur ; sur le chemin jusqu'à la fontaine je ne croise ni plus ni moins que Rudy et Merlin qui s'apprêtaient à sortir dans la cours. Il va sans dire que son demi-tour m'est totalement destiné.

— Salut, Sherlock ! s'exclame le décoloré.

Je me retiens de lui jeter la cruche à la figure.

— Pas de virée au Fish&Ships aujourd'hui ? constate-t-il. Laisse-moi deviner, la savoureuse cuisine de notre bonne vieille université te manque ?

Blue as the SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant