Chapitre 24 • Fidèle au Poste

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J'ai passé le reste de la soirée à me demander si fouiller dans un téléphone est si mal que ça et j'en suis venue à une conclusion :

Oui, mais je vais le faire quand même.

Les rayons de soleil s'infiltrent en pointillés à travers la moustiquaire de ma fenêtre, une quérimonie matinale succède à mon bâillement quotidien. Je m'étire de tous mes membres, faisant glousser une boule de poils au contact inattendu de mes doigts sur sa cuisse dodue. Je coule un regard vers Bloom, ébouriffe sa petite tête. Le parfum du soleil se délecte de son pelage roux, elle écarte ses coussinets puis entrouvre un œil paresseux.

— Debout ma grosse, je murmure à son oreille tigrée avant d'enfouir un baiser sur son ventre rondouillet.

Alors que je me lève pour enfiler mes claquettes coquillages, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil au portable de Rudy sur ma table de nuit. J'ai passé tellement de temps à me triturer les méninges hier soir, que je commence à connaître par cœur sa photo de fond d'écran, désormais dissimulée derrière un amas de notifications diverses. Une expiration flatulente se carapate de ma gorge nouée. J'enfouis le téléphone dans la poche de mon short de pyjama et m'affaire à mon tintouin habituel.

Ça fait presque deux heures que je me traîne dans chaque pièce de la maison en quête d'une tâche à effectuer pour retarder le moment fatidique. Tout ce que j'ai réussi à faire depuis ce matin, c'est noter les combinaisons de mots de passe envisageables, en picorant mon bol d'açaï, sans bien sûr prendre la peine d'en essayer aucune.

L'espace d'un instant, je me résous à repousser encore un peu le problème. Je dois avouer que commettre ce crime en présence des autres membres de l'opération me rassure d'environ 70%, mais notre prochaine escapade à Atlantis n'est pas prévue de sitôt et je ne peux leur demander de me rejoindre sur le champ ; Kheo est avec sa famille, venue lui rendre visite pour les fêtes, Maoni s'affaire à shopper un cadeau pour le Secret Santa de demain, et je ne voudrais pas prendre le risque d'interrompre Kat en plein date avec la victime de cette mascarade. Sans compter que ce n'est pas au beau milieu de la cour du lycée que je vais sauter le pas.

Je n'ai pas le choix, je dois agir ici et vite.

Un énième soupir m'échappe. Il faut croire que ma curiosité hors norme ne fait pas le poids face au courage nécessaire pour effectuer un tel acte.

Je m'avoue vaincue.

Il n'y a qu'une seule personne sur cette île qui puisse me donner un peu de courage, si ce n'est le courage en personne. Ni une ni deux, je compose le numéro de la blonde.

Avec toute la chance dont je fais preuve dans ce bat monde, il fallait que ce soit Rudy qui décroche :

— Rudy à l'appareil que puis-je faire pour vous ?

Je me retiens de grincer des dents. Si je n'étais pas à ce point une chochotte, j'aurais déjà farfouillé tous les recoins de son téléphone à l'heure qu'il est. Et ce, sans l'aide de personne.

— Kat est là ? je demande, comme si la réponse n'était pas assez évidente. Je doute qu'il lui ait volé son portable lui.

Un court silence engrène ma question, avant que la tête du décoloré n'apparaisse sur l'écran au premier plan devant celle de Kat qui s'affaire à appliquer de la décoloration sur ses racines bistres. La proximité entre le nez rond du basané et la caméra frontale lui octroie un air que je ne lui connaissais pas. Je suis à deux doigts de faire une capture d'écran histoire d'avoir de quoi rire les jours de pluie, mais le moment serait pour ainsi dire, mal choisi.

— Coucou ! s'enquiert Kat, le pinceau à la main.

— Hey.

— Alors, on est en crush sur le petit Merlin ? roucoule Rudy en faisant danser ses sourcils fournis entre nous deux.

Blue as the SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant