On a beau se faire discrets, avec le costume de Maoni, notre entrée suscite autant d'acclamations que la montée des marches au festival de Cannes. Il faut dire que -aussi surprenant que ça puisse paraître- son costume de citrouille est plus réaliste qu'une citrouille elle-même. Le bouclé ayant visiblement du mal avec la célébrité, nous délaisse aussitôt pour les petits fours "Il faut que je fasse honneur à mon déguisement" dit-il avant de se faufiler à travers la poignée de monde qui obstrue le séjour. Rudy vêtu d'une affreuse cape de vampire, en profite pour prendre sa place :
— Hééé, mais c'est mes loulous ça !
Son sourire charmeur dévoile deux canines aiguisées, tandis que les verres jumeaux de sa poigne, ne forment plus qu'un lorsque Kat le démuni pour en boire le contenu cul sec.
— Dracurudy pour vous servir, s'incline-t-il dans une révérence comme pour saluer sa belle.
— Salut, Rudy, je réponds en choeur avec Maoni.
Silence du côté de la blonde, la dernière goutte de son verre m'a tout l'air d'être en première position dans sa liste de priorités.
Le décoloré n'y prête pas attention, il se met alors à tournoyer sur lui-même, ses bras chemisés balayant le séjour de leur fougue, jusqu'à ce que son tourbillon s'achève sur Kheo ; genoux repliés, pieds nus ancrés dans le velours du fauteuil, une tartelette aux fraises pendouillent au bout de ses doigts. Rudy fait volte-face, on croirait qu'il vient d'apercevoir un fantôme :
— Vous êtes sûres qu'il va bien votre pote ? chuchote-t-il, pour ne pas attiser la foudre du démon qui somnole.
La réponse de Kheo lui dégotte un frisson :
— Faut avoir la réf, mec.
Puis il enfourne une seconde bouchée.
— Avoue que tu as choisi ce déguisement juste pour te goinfrer de sucre toute la soirée.
Je m'en vais le rejoindre afin de me servir un verre d'eau (j'ai assez appris du nectar de goyave).
— Tu as tout faux, réfute-t-il. C'est pour paraître intelligent le temps d'une soirée.
Je pouffe de rire à sa réponse et apporte le verre à mes lèvres. D'un regard panoramique, je balaie la pièce ; bien qu'on soit chez lui je n'ai toujours pas posé les yeux sur Merlin. Ce qui pourrait poser problème si je n'avais pas établi un plan sur mesure pour chaque détail qui diffèrerait de la situation initiale.
Attribuer un plan à chacune des lettres de l'alphabet fut la meilleure idée qui soit.
Je songe, lorsqu'une main surgit brusquement devant mon visage. Prise d'un sursaut, je lève les yeux ; Merlin se tient devant moi, tout de vert vêtu, l'ombre d'un sourire s'étire de part et d'autre de ses oreilles d'elfe. Un bermuda vert sapin dont l'ourlet a été remplacé par une succession d'entailles, recouvre ses cuisses surplombées d'un haut du même ton, témoin de la même intervention. Le tout agrémenté d'une ceinture en cuir marron et d'un chapeau dont la pointe arrondie lui offre un air juvénile. Un léger raclement de gorge m'indique que je m'attarde peut-être trop longtemps sur son costume.
Merlin enlève son chapeau puis fléchit un genou pour me saluer, j'esquisse un sourire à son geste.
— Bonjour, à toi aussi.
Il remet son chapeau.
— Dis-moi, en quoi es-tu déguisé ? je demande.
J'ai de toute évidence déjà vu cet accoutrement quelque part, mais la réponse semble vouloir rester bien au chaud sur le bout de ma langue.
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Blue as the Sky
RomanceNous avons tous des secrets. Certains sont précieux, d'autres ridicules, tandis que quelques uns nous protègent ; on se cache derrière eux afin d'éviter de dévoiler qui nous sommes réellement. Et ça, Ciel l'a bien compris. Entre séances de bronzage...