[ Chapitre 2.1 ] District Onze

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Le maire du District 11 venait d'appeler la tribut fille : Clémentine Fina. Un projecteur trouva la fillette de douze ans au milieu d'un troupeau d'autres jeunes filles, souriant naïvement aux caméras. Le public murmurait, sidéré qu'une si petite fille eût été choisie pour participer à des Jeux si brutaux. Cependant, personne ne se porta volontaire pour la sauver et, voyant le manque de réactivité de Clémentine, des Pacificateurs durent l'emmener de force sur scène, aux côtés du maire, sous les murmures scandalisés du public. La fillette continuait de sourire niaisement pendant qu'un groupe de personnes à la même peau brune et aux mêmes cheveux noirs – sa famille – fondait en larmes dans le public. Le maire essaya de ne pas trop y prêter attention : après tout, les districts étaient les seuls responsables de l'existence des Hunger Games ; les Jeux n'étaient qu'un rappel que toute tentative de révolte contre le Capitole serait punie. Il se dirigea vers l'urne en verre contenant les noms des garçons et piocha lentement un papier dans le silence le plus total.

« Fred Francis ! »

Le projecteur trouva sans difficulté le jeune homme de 18 ans. Il était grand et presque aussi maigre que la majorité des habitants du district, possédait un teint couleur bronze, des yeux noirs et des cheveux bruns constamment ébouriffés par le vent qui soufflait dans les vergers. Beaucoup de gens l'admiraient pour son apparence, mais aussi pour sa grande gentillesse. En effet, Fred étant l'aîné d'une grande fratrie, il savait s'occuper d'enfants beaucoup plus jeunes que lui, mais il venait plus généralement en aide aux personnes en difficulté quel que fût leur âge. Il était connu pour avoir, un jour, défendu un jeune garçon d'un Pacificateur parce qu'il avait croqué dans une pomme de toute façon destinée à être jetée. Au District 11, spécialisé dans l'agriculture, les habitants avaient l'habitude d'envoyer leurs enfants travailler dans les vergers, avec l'ordre de ne pas consommer la production sous peine de mort. Enfin, c'était ce que disaient les parents et la légende urbaine district. La punition capitale aurait‑elle été le sort du gamin que Fred avait protégé ? Le futur tribut du 11 n'en avait aucune idée, mais il préférait ne pas y penser. Après tout, sa priorité était de se concentrer sur la réalité et le bien‑être de tous ceux qu'il connaissait. Le nombre de bonnes actions de Fred ne s'arrêtait certainement pas au sauvetage d'un jeune garçon, mais les lister aurait été encore plus long que cette Moisson qui s'éternisait encore plus que les années précédentes.

Après avoir surmonté son choc en silence, l'adolescent s'avança sur scène d'un pas déterminé, et serra la main du maire sous les applaudissements réservés de la foule, soulagée de voir une personne aussi digne de confiance que Fred aux côtés de la jeune Clémentine. Il jeta un œil vers cette dernière pour s'assurer qu'elle allait bien, mais sa partenaire continuait à sourire bêtement. Le tribut du 11 sut intérieurement que c'était un cas désespéré. Non ! se reprit‑il. Je dois apprendre à laisser des chances aux autres. Après s'être serré la main avec délicatesse, les deux furent emmenés à l'Hôtel de Ville, où une pièce séparée fut assignée à chacun.

Fred fut visité par ses frères et sœurs qui lui souhaitèrent une bonne chance après avoir versé jusqu'à la dernière larme de leur corps. Le tribut leur confia sa boucle d'oreille gauche pour leur porter chance, même s'il croyait autant à la bonne fortune qu'à la vie après la mort. Ça sert à rien de croire à ces superstitions. Surtout dans ce genre de monde complètement corrompu... Pourtant, cela réconforta sa famille qui laissa la place aux prochains visiteurs : les parents de Clémentine. Ils s'assirent, le regard sombre, et, après un long moment de silence, prirent la parole avec difficulté :

« Tu protégeras notre fille jusqu'au bout, n'est‑ce pas Fred ? »

Celui‑ci ne s'attendait pas à ce qu'ils fussent aussi directs et, sous le coup de la pression, dut réfléchir précipitamment. Il ne croyait pas pouvoir tenir une telle promesse. Même si la Moisson des tributs de carrière – tributs s'étant entraînés avant les Jeux et par conséquent les plus puissants – n'avait pas encore eu lieu, il ne pensait pas posséder une quelconque chance contre ceux‑ci. Cependant, il promit de garder un œil sur Clémentine et de tout faire pour la protéger dans l'arène.

Les 19èmes Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant