21. Annabelle / Edward

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Annabelle,

Février 2016

Le lendemain matin, je me réveille paisiblement dans les bras d'Ed. La lumière du jour commence à filtrer à travers les rideaux, et je réalise où nous avons passé la nuit, mais je me glisse doucement hors du lit pour ne pas le réveiller.

Je me dirige vers la salle de bain pour prendre une douche rapide, essayant de remettre de l'ordre dans mes pensées. La nuit dernière a été remplie de moments intenses et de révélations inattendues. Les sentiments tourbillonnent en moi, et je ne sais pas trop quoi en penser. Enfin si, c'était la meilleure nuit de ma vie. Putain, entre Ed et moi, il y a une telle connexion. C'était tellement intense, comme si on avait toujours été ensemble. Incroyable, merveilleux, mais interdit.

Quand je reviens dans la chambre après ma douche, Ed est déjà réveillé, assis sur le lit, les yeux fixés sur le sol. Il lève les yeux quand je rentre, et son regard rencontre le mien. Il esquisse un sourire timide, comme s'il regrettait quelque chose.

– Bien dormi, Belly ?

– Plutôt bien, réponds-je en essayant de cacher la confusion dans ma voix.

On se fixe en silence pendant un moment, chacun essayant de décrypter les émotions de l'autre. Finalement, Ed brise le silence.

– Désolé pour hier soir. J'aurais dû mieux contrôler mes pulsions.

Je ne sais pas comment réagir à cela. Une toute petite partie de moi est en colère contre lui, mais une autre partie comprend que nous sommes tous les deux dans une situation compliquée. Et puis tout ça, c'était de mon initiative, bordel de merde qu'est-ce que j'ai fichu ?

– Oublions ça. Hier soir était... Puis il y a Kaëla dans toute cette merde, elle a besoin de vivre avec ses deux parents. On a, putain, on n'aurait pas dû.

Il hoche la tête, et son visage se déforme. Il passe les mains sur son visage, et je l'entends jurer.

Edward,

– Non, putain Annie, je ne ferais pas ça, je n'oublierais pas, je ne regretterais pas.

– Ed, je ne regrette pas, c'était incroyable, et j'aurais dû te choisir toi depuis toujours, mais ces impossibles, je ne peux pas faire ça a Kaëla.

– J'ai mal, Annie, ok ! M'emportai-je. J'ai mal depuis tellement d'années de te voir dans ses bras, de t'avoir accompagnée dans toute ta grossesse ainsi qu'à chaque putain d'échographie à sa place, d'élever à moitié votre enfant. Oui, vôtre. Ce n'est pas ma fille, Annie, et pourtant je fais tout pour elle comme pour toi, bien plus que lui, et je l'aime comme si c'était la prunelle de mes yeux alors que ce sont les siens. Je t'aime, je t'aime depuis toujours. J'ai réalisé que ma peur de l'engagement était idiote. Je ne voulais pas m'engager, car je ne voulais pas abandonner ma famille un soir en rentrant du boulot, comme mon père. Je ne voulais pas souffrir comme ma mère en perdant un jour la femme de ma vie. Et au final, je gagne de la souffrance jour et nuit, chaque putain de jour de ma vie, de voir la femme que j'aime depuis toujours au bras d'un autre qui n'est même pas capable de prendre soin d'elle comme elle le mériterait ! Criais-je.

Je prends soin de la famille d'un autre et je me retrouve seul comme un con à souffrir, j'en ai marre.


– Je ne peux plus le supporter. J-je ne peux plus te voir embrasser, toucher, aimer un autre que moi. C'est plus fort que moi, je ne peux pas continuer ainsi. Je vais partir, Annie. Je ne pourrai jamais construire une famille à côté de toi. Tu prendras toujours toute la place, et je ne veux pas finir seul et brisé. Je vais partir reprendre mes études là où je les ai abandonnées pour prendre soin de toi quand Ayden a décidé de se barrer à l'armée. Maintenant, il est temps que je prenne soin de moi. Je ne joue plus Annie. Je me suis trompé toutes ces années. Tu n'es peut-être finalement pas ma putain de princesse, tu es mon putain de poison et tu es en train de m'achever, dis-je dans un souffle plaintif. Je ne te reproche rien, tout est ma faute. J'avais seulement espoir que tu m'aimes comme je t'aime et qu'un jour, tu quittes Ayden pour réaliser que c'était moi depuis toujours. Mais huit ans sont passés, et tu ne le quittes pas. J'ai 25 ans, j'ai encore le temps de faire ma vie, et je décide de penser à moi désormais. J'aimerais juste que tu me laisses passer un dernier week-end avec mon petit monstre. Ça te permettra de te réconcilier avec ton mec au final, encore une fois, je t'aide sans le remarquer, mais cette fois-ci c'est pour mon chaton, pas pour toi. Dis-je sur un ton rempli d'amertume.

Son visage est trempé de larmes, ses lèvres et ses mains tremblent. Elle pleure sans même se retenir ou se cacher, elle pleure toutes les larmes de son corps à gros sanglots. Elle murmure tellement de choses que je ne comprends pas. Je n'entends aucun son, je vois juste ses lèvres bouger désespérément. Quand elle s'approche de moi, je recule, me retourne, passe la porte que je claque derrière moi. J'enfile mon casque et je démarre la moto en trombe. Il faut que je me casse d'ici avant de faiblir devant elle et changer d'avis. C'est fini, le putain de chevalier démissionne.

J'arrive au salon de thé et je regarde partout autour de moi comme un petit garçon perdu qui cherche ses parents. Je demande à Pierre où est Carl, il m'indique la cuisine. Je me dépêche de slalomer entre les tables, passe le comptoir et me dirige en cuisine. Quand je l'aperçois, mon cœur s'affole encore plus, mais je tiens bon, ma décision est la bonne, j'en suis sûr.

– Salut papa Carl, dis-je d'un mélange de peine et surtout d'angoisse. Tu peux venir dans la réserve, s'il te plait ?

Sans attendre sa réponse, je fonce dans la réserve, je tire sur mes cheveux, j'essuie la sueur qui coule sur mon front, je suis en train de perdre complètement pied, putain. Carl, sur mes talons, arrive et ferme la porte. Instinctivement, il ouvre ses bras. Je fonce dedans, il me connaît, il sait... il est le seul où je m'autorise à faiblir. Avec lui, je laisse tout sortir et je pleure toutes les larmes de mon corps. Il s'excuse comme toujours quand je pleure sur son épaule. Pourtant, il n'y est pour rien, mais un jour, il m'a dit : "Je m'excuse de ne pas savoir prendre ta peine pour te soulager, mon garçon."

– Je suis désolé, mais je pars, je n'y arrive plus, pleurais-je dans ses bras.

– Je sais, fiston.

– Je ne peux plus, je suis désolé si je te déçois, mais je ne peux plus m'occuper d'elle.

– Je suis fier de toi, mon garçon. Pars, prends soin de toi, tu le mérites. Elle réalisera ta perte, et peut-être qu'elle fera tout pour te récupérer. C'est mon souhait le plus fort, ça a toujours été toi, mon garçon. Elle a juste trop peur de l'admettre, peur de te perdre, et au final, c'est ce qui se passe à force de lutter, vous avez fini par perdre.

– Probablement, mais je ne peux plus supporter, je n'y arrive plus. Ma décision est prise, reniflais-je.

– Je sais. Il me donne un baiser sur le front comme un père le ferait à son enfant.

– Je vais normalement tout finaliser ici cette semaine puis passer le week-end encore ici avec Kaëla, si Annie me l'accorde, pour lui dire au revoir, et je pars... Papa Carl, tu m'excuseras auprès d'Abbygaëlle. Je n'ai pas la force de lui dire et je ne peux pas craquer devant elle. Elle me fera changer d'avis pour protéger le cœur de sa fille, et je refuse. J'ai besoin de partir, de penser à moi cette fois.

Je me dégage de ses bras et essuie mon visage d'un mouvement rapide, comme si mes larmes n'avaient jamais quitté mes yeux.

– Bien sûr, je lui indiquerai le moment venu, à bientôt, fiston.

Il me tape sur l'épaule et m'observe pour être sûr que j'ai bien fini. Je lui accorde d'un hochement de tête que c'est bon pour moi, puis il sort de la réserve.

Je reprends mon souffle et mes esprits. J'attends cinq minutes que mon visage et mes yeux prennent une couleur normale, et je sors. Cette fois, je vais chez ma mère. Je vais refaire mon discours et voir son cœur se briser, et briser un peu plus le mien au passage, mais il le faut. Elle s'en remettra, je ne l'abandonne pas pour toujours. Je serai toujours là pour elle.

Un parfait connard.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant