Chapitre VIII : Le silence des maux

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« Le jour s'effondre, la nuit s'envole.
Sans surveillance, l'obscurité rode. »
Le Chant de la pluie, Livre I

L'eau, agitée par le vent, offrait un ballet tumultueux de branches et de feuilles qui remontaient la rivière. Il ne fallut que quelques secondes à Lyra pour arriver jusqu'à Nalira qui semblait avoir perdu connaissance. D'un geste vif, elle parvint à l'attraper par la taille et la remonta à la surface. Elle fut surprise par la légèreté du corps frêle de l'enfant, une légèreté qui se révéla effrayante tant elle traduisait sa fragilité.

Elle se rapprocha difficilement du bord où l'attendait le cocher qui l'aida à sortir la petite fille de l'eau. Avec délicatesse, ils déposèrent Nalira sur l'herbe mouillée. Lyra s'agenouilla près d'elle, guettant le moindre souffle, le moindre signe de vie. Elle identifia tout de suite une faible respiration chez la jeune enfant, cependant chaque battement de cœur résonnait comme un écho incertain. Dans un murmure tremblant, empreint de sollicitude, elle implora :

« Réveillez-vous, je vous en prie, réveillez-vous...

Quelques secondes plus tard, les domestiques alertés par les deux jardiniers, arrivèrent avec des linges dont ils enveloppèrent immédiatement Nalira. Lyra ne prêtait aucune attention à l'agitation qui l'entourait, elle ne pouvait quitter des yeux le visage de son amie. Les voix autours d'elle se mélangeaient dans un bourdonnement indistinct :

-Nous devons immédiatement prévenir le médecin !

-Quelqu'un est déjà en route pour le chercher.

-Que se passe-t-il ?

-Mademoiselle Nalira est tombée dans la rivière.

Le temps avait suspendu son cours, chaque seconde semblable à un fragment d'éternité. Lyra caressait doucement les cheveux glacés de la petite fille et l'encourageait silencieusement.

C'est alors qu'un frémissement à peine perceptible parcourut Nalira qui, doucement, entrouvrit les yeux. Lyra soupira de soulagement :

-Merci, merci...

-Nous devrions l'amener à l'intérieur, suggéra l'un des domestiques

-Oui, le médecin ne devrait pas tarder, allons-y, répondit un autre. »

L'un d'entre eux prit Nalira dans ses bras, Lyra lâcha doucement la main de la petite fille. Elle regarda le convoi s'éloigner et hésita un instant à le suivre, mais les mots de Madame Ordonon résonnaient dans son esprit : Ai-je le droit de franchir à nouveau les portes du domaine ? se demanda-t-elle. Elle resta assise sur le sol boueux, interdite et torturée par l'image effrayante du petit corps inanimé de Nalira. Le cocher vint la rejoindre un parapluie à la main et l'invita à patienter à l'abri dans la voiture.

Peu de temps après, le médecin d'Aédorval arriva à cheval accompagné d'un jardinier. Ils se précipitèrent à l'intérieur du domaine. Lyra refusait de partir sans être assurée que tout irait bien pour Nalira. Au bout de plusieurs minutes interminables, elle prit la décision de marcher jusqu'aux grandes portes d'entrée. Alors qu'elle posait une main sur l'une des poignées, Alis apparu à sa droite, essoufflée, tenant un long manteau.

« Lyra ! Est-ce que tout va bien ? Tiens, je t'ai apporté un manteau pour te réchauffer. Tu es trempée... enfile-le, vite. 

Alis enleva délicatement le châle humide glissé sur les épaules de Lyra, avant d'y replacer le vêtement sec. Lyra leva les yeux, un sourire pâle aux lèvres, essayant d'effacer l'inquiétude visible dans le regard d'Alis.

— Oui, ça va, je te remercie, murmura-t-elle, même si sa voix tremblait encore un peu.

— J'ai appris ce qui s'est passé, souffla Alis. J'étais morte d'angoisse, je te cherchais partout.

Le Chant De La PluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant