Chapitre XVII : Mauvais rêve

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« Le rêve se brise, souffle sur les larmes,
Perle sur la joue, jusqu'au jour naissant.
Lorsque les spectres du passé s'évadent,
Ils laissent derrière eux, une traînée de sang. »
Le Chant de la pluie, Livre II

Pendant le trajet, Lyra ne put se défaire de la sensation amère qu'elle laissait derrière elle, la famille Prerya sur un fil fragile, au bord de la rupture. La maladie de Joran n'existait plus, mais un nouveau mal avait pris sa place.

Au loin, les plaines d'Aédorval se dessinaient à l'horizon, capturant l'attention de Lyra. Ses pensées se tournèrent alors vers Nalira. Malgré sa dévotion totale envers les Prerya ces dernières semaines, les mots de la dernière lettre d'Alis, ne cessaient de raisonner en elle, tel un refrain incessant. Elle espérait qu'aujourd'hui la petite fille s'était rétablie et qu'elles pourraient dès son retour, retourner dans leur clairière, elle avait tant de choses à lui raconter et elle était impatiente de l'entendre lui faire le résumé de ses lectures. Le soleil n'avait pas encore tiré sa révérence lorsqu'ils franchirent le grand portail du domaine d'Ormeron. Lyra frissonna lorsqu'elle aperçut la petite rivière où l'eau coulait paisiblement.

Ils descendirent directement à l'écurie, puis remontèrent l'allée à pied jusqu'à l'entrée principale. Avant de franchir la porte, Eldric s'arrêta et se tourna vers Lyra :

« Je vais annoncer notre arrivée. Reste ici, ça ne sera pas long.

- Très bien, répondit calmement Lyra.

Elle déposa sa petite valise sur les marches de l'escalier et attendit quelques minutes. Lorsque le majordome réapparut, il lui fit signe d'entrer à l'intérieur de la maison.

- Le Comte va te recevoir dans son bureau. Suis-moi. »

La jeune femme ne s'attendait certainement pas à être reçue par le Comte en personne. Son cœur s'emballa, elle ne s'était pas préparée à cette éventualité, elle inspira profondément, ajusta sa robe grise comme elle le pouvait, et suivit le majordome. En un instant ils se retrouvèrent devant la porte du bureau. Eldric frappa deux coups et attendit le signal pour ouvrir, puis laissa Lyra entrer, seule. Son cœur battait à un rythme irrégulier dans sa poitrine, ses mains légèrement moites témoignaient de sa nervosité intérieure. Elle se surprit à trembler comme une feuille lorsqu'elle pénétra dans la pièce.

Ardenis d'Ormeron se tenait debout derrière son bureau, une aura de majesté et d'autorité rayonnant autour de lui tel un halo invisible. Lyra s'empressa de lui adresser une révérence respectueuse.

« Bonsoir Mademoiselle Artelis, installez-vous, dit le jeune Comte d'une voix calme et assurée, lui indiquant le fauteuil face à lui.

Son élégance naturelle et sa prestance noble captivaient immédiatement l'attention de quiconque croisait son regard. Lyra, intimidée, s'avança les yeux fixés sur le sol et s'exécuta. Le jeune homme prit place sur son siège et commença :

- Permettez-moi tout d'abord de vous exprimer ma sincère gratitude. Je craignais que, compte tenu des circonstances de votre départ, vous ne souhaitiez pas revenir au domaine. Mais vous voici, et je vous en suis infiniment reconnaissant.

Lyra, incapable de parler, acquiesça poliment. Le Comte prit ensuite un ton plus grave.

- Mademoiselle Artelis, si j'ai demandé à pouvoir m'entretenir avec vous dès aujourd'hui, c'est également pour en savoir davantage sur les évènements qui se sont déroulés le jour de votre départ. Comme je vous l'ai exprimé dans ma lettre, je sais que vous avez sauvé ma nièce de la noyade, mais je m'interroge sur ce qui a précédé cet accident.

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