01. Beginning.

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Amra.






États-Unis.
Washington D.C.
15 Octobre.





— J'ai une nouvelle mission pour toi.

Je croque dans ma pomme rouge.

Quel délice.

J'aurais préféré mes sucreries... genre... une sucette à la pomme.

— Quoi ? Comme dans les Totally Spices ?! M'excitais-je devant Wyatt.

Je suis en train de me foutre de sa gueule, littéralement.

— Je suis sérieux, Ait.

Le fait qu'il m'appelle par mon nom me rappelle à l'ordre.

Orrh... il n'est pas drôle...

Je ne l'écoute pas vraiment non plus.

La pomme se fait éjecter et je la vois rouler au sol, arrivant à côté du bureau de je ne sais qui.

Ma pomme !

— Ma pomme ! T'abuses, Jerry !

— Wyatt Nichols, me corrigea ce dernier.

— C'est pareil, souriais-je comme une enfant.

J'adore le faire vriller et me comporter comme une enfant avec lui. Je ne prends pas tout au sérieux... en fait non, je ne prends rien au sérieux. Je ne prends rien sans pincette.

Si je ne rajoute pas moi-même des paillettes à ma vie, qui le fera ?

— Sérieusement... soupire Wyatt avec ses documents à la main.

J'observe quelques secondes ses lunettes avec un sourire plutôt sincère, je l'aime bien ce grand monsieur qui a l'air d'avoir 16 ans.

Mon corps se secoue un peu sous mon petit rire. Je pose ma paume sur mon cœur et m'incline dignement.

— Toutes mes excuses, je t'écoute.

Oui, je me fous encore de sa gueule. Même si ma dernière phrase était un tantinet plus sérieux.

— Une affaire comme t'en a jamais vue. C'est du sérieux, m'informe Nichols. Tu dois trouver quelques documents et tout ça.

— Mais également ?

Je vois son nez de plisser légèrement et il remonte ses lunettes sur son nez en ouvrant le document.

— Également... c'est extrêmement dangereux... je sais pas si tu acceptais, mais tu es la seule à qui je pourrais demander.

J'avoue, j'ai souris.

Je suis son seul recours, et ça me fait presque plaisir. Je ne travaille même pas ici.

Mon petit sourire un coin ne s'est absolument pas fait discret.

—  Oooh, t'es vraiment trop mignon ! Mais blague à part, reprenais-je soudainement un sérieux ironique, tu sais que le danger je le prend, et je le mange comme ma pomme.

C'est autant une vérité qu'un mensonge.

Peut-être que je ne considère rien comme un danger probable.

— Je rigole pas, Amra.

— T'es vraiment pas drôle.

— Tu es vraiment immature.

— J'ai 23 ans alors que tu en as 30. C'est toi qui es trop vieux.

Malgré la trentaine tout juste passer pour Wyatt, il y a peine deux semaines, on dirait vraiment un gamin de 16-17ans.

Wyatt allait s'en aller, sûrement vexer que je ne le prenne pas au sérieux.

Je lui attrape alors le bras et il s'arrête en se retournant vers moi pour me toiser.

— On fait la paix, explique-moi, s'il te plaît ?

Ses sourcils se défroncent tout doucement. Il n'est pas capable de rester en colère contre moi trop longtemps.

Et puis je sais qu'il est passionné par tout ce qu'il fait et qu'il adore par-dessus tout m'en parler, des étoiles aux yeux.

— C'est une affaire qui relève du criminel et des crimes organisés, plus ou moins... m'explique-t-il en me montrant des paragraphes sur son dossier. L'affaire a été tassé, plus personne n'en à parler.

— À quelle mafia l'affaire est -elle raccrochée ?

J'ai tout de suite deviné que ça concerner la mafia. Ils fourrent leur nez partout. S'il y a un problème que personne n'explique, c'est eux.

Toujours eux.

En fait, je suis même certaine que même au sein du FBI il y a des taupes. Et c'est sûr que ce connard de merde de Sam l'est. Mais c'est toujours moi qui suis accusée d'être une taupe. Forcément.

Bah oui, c'est plus facile d'accuser une fille qui squatte les locaux encore plus que chez elle.

— Justement, c'est ça le problème.

Orh.

— On n'en sait rien. Tout ce qu'on sait, c'est que c'est en lien direct avec la mafia Nippone.

La quoi ?

Mafia qui ?

— Tu meeeeens ! Sérieux ?! Les Yakuza ?

Mais non !

C'est sérieux !

Ça m'étonne autant que j'ai envie d'en rire. Les Yakuza n'ont jamais été secrets, pour personne. Et la simple invocation de leurs noms, en font trembler plus d'un. Ce que je ne comprends pas d'ailleurs.

— Arrête de t'extasier, me donne-t-il une tape sur le crâne avec son dossier.

Je feins la douleur en fronçant les sourcils.

— Continue, je veux savoir de quoi il s'agit exactement si je veux vous aider.

— Oui, alors... Les Yakuza semblent en lien proche avec l'affaire.

— Mais je sais ça, le coupé-je. Concrètement, je suis censé faire quoi, moi ?

— Une femme. On cherche une femme extrêmement dangereuse. Elle a été blanchie de A à Z durant une période, tu vas jamais croire pourquoi.

— Pourquoi ?!

— C'était la femme du parrain de la mafia Japonaise.

Mes yeux s'écarquillent autant que le sourire malin qui incurvent maintenant mes lèvres. Je me redresse subitement.

Putain !

C'est encore plus intéressant qu'une série !

Les Yakuza sont une mafia très atypique, particulière. Ils se font discrets par moment et on a cru comprendre que les liens qui lient leur empire sont sacrés.

Allez savoir pourquoi.

Sérieux ! C'est extra.

Je sautille en frappant Wyatt, trop choqué par la chose et excité en même temps.

— Mais non ! Tu mens !

— Je te jure !

— C'est trop du lourd. Vas-y, dis-m 'en plus !

Il inspire et remonte ses lunettes sur son nez.

— Passons aux choses sérieuses : toi, tu seras en mouvement au Japon. J'aurais un peu plus d'info d'ici ton arrivée à Tokyo, c'est le noyau même des Yakuza. Mais soyons clairs, me prévient-il, tu ne seras pas en contact avec les Yakuza. Ne t'approche pas d'eux parce que je pense qu'eux même ne cherche pas cette femme. C'est un des plus jeunes qui a repris le flambeau de l'empire. Tu devras, toi, en savoir plus sur la mère parce qu'il paraît que son passif est vraiment lourd et pourrait nous aider à faire tomber deux mafias d'un seul coup.

Mes joues se gonflent d'air et j'hoche légèrement la tête en le fixant.

Il s'arrête et il sait que la connerie arrive.

Autre chose à savoir, je suis peut-être un peu trop spontané et je ne sais pas fermer ma bouche, c'est un concept qui m'est inconnu par moment.

Et ça donne ça :

— T'es vraiment trop chou quand t'explique ça. T'es. Trop. Mi-gnon.

Je le vois rougir. Mais je vous l'ai dit, ce mec, il aura beau avoir la trentaine passer, il restera toujours un gamin.

Je n'arrive vraiment pas à croire qu'il a 30 ans. Autant physiquement il peut faire son âge, mais sa façon d'être porte à croire qu'on doit lui changer ses couches et le mettre au dodo à 19h.

Il est hispanique, les yeux marrons-verts. Une bouche adéquate, des sourcils épais qui crées une légère ombre sur ses yeux et on remarque facilement le grain de beauté sur sa joue. Et il a les cheveux très courts, pour éviter de dire qu'il n'en a pas.

Bref, il est trop mignon.

— Amra, tu me fatigues ! s'agace le prodige.

Oorh, qu'est que j'ai dit ?

Pas ma faute s'il me donne envie de le croquer.

Mais après ces années avec lui, je pense qu'il a fini par s'habituer à mes compliments, parfois inopportun et tout sauf sérieux, mais il s'est habitué.

Il allait s'en aller définitivement quand je lui lance :

— On s'capte demain à 17h, bisous mon amour !

Il m'envoie un doigt d'honneur et ça ne m'étonne parce que je n'ai jamais vue quelqu'un d'aussi polie que lui. Je crois l'avoir vraiment agacé et ça, c'est drôle.

Mon sourire ne me quitte pas autant que je ris.

Oui, il a raison je suis probablement très immature, chiante, sarcastique, un brin insolente et inconsciente. C'est le quart de mes défauts.

Mais ça fait partie intégrante de moi.

Je regarde ma pomme qui a jonché le sol tristement, elle me ferait presque de la peine. Là, toute seule. Au milieu de ces bourreaux du travail qui se sont habitués à ma présence.

J'aperçois au loin Sam entrée rapidement et très malheureusement, il se dirige vers moi.

Je ne supporte pas ce chien.

Vraiment, j'ai envie de le gifler à chaque fois que sa tête m'apparaît.

— Où est Wyatt. Vite.

Il est bien drôle lui.

Dites-moi, hein, s'il y a écrit « Bouffonne du FBI ». Ou peut-être secrétaire de Wyatt ?

— Un peu plus poliment, mon commandant.

— Je rigole pas avec ta gueule.

T'énerve pas, je vais me sentir vexer.

Je feins l'indignation mais ça ne m'étonne pas, je pense pas qu'on ait apprit le respect aux chiens. Je pose ma main sur mon cœur en le regardant. Très vite, je reviens à ma position en le toisant.

— Mais moi aussi je ne rigole pas, commandant. Reformule ta phrase correctement. Aller, plus vite.

Je le sens contracté la mâchoire et détourner le regard, luttant probablement pour pas insulter tous mes ancêtres ici même.

— Bonjour, commence-t-il avec une hypocrisie palpable. Où est Wyatt, s'il te plaît ?

J'ai presque envie de lui répondre tant il a l'air pressé. Mais j'espère que vous vous souvenez que je suis immature.

— Ouais... mais non, j'aime pas le ton de ta voix. Tu sais, faut un peu plus d'enthousiasme sinon je pourrais pas te dire. Désolé, haussais-je les épaules.

Ses poings se serrent. Bingo.

J'aime vraiment bien le personnage de connasse qu'il m'attribue souvent. Mais là, s'il veut une réponse, il va se plier à mes envies comme le chien qu'il représente.

— Bonjour, recommence-t-il paisiblement. Tu sais où est Wyatt, s'il te plaît ?

Bon aller, je vais lui dire.

Ah non, parce que je ne sais pas où il est.

J'avais dit chiante aussi.

— Désolé commandant, je ne sais pas où se trouve Wyatt, je souris de toutes mes dents.

Il ouvre la bouche, prit de court et mourant d'envie d'exploser sa haine à mon égard devant tout le monde.

— Mais tente le bureau des archives.

C'est ma phrase de charité. Et ça m'a complément vidée l'estomac de lui dire ça ! Ça sonne trop gentil.

Il s'éloigne.

— Putain, sale pute ! M'envoie-t-il en s'éloigner.

Je me suis sentie m'esclaffer en m'inclinant en sa direction ironiquement.

Je l'ai énervée, ça, c'est bien.

Ça suffit à me faire rire pendant une bonne minute, plantée seule ici.

Je regarde tous ces gens que je connais maintenant. S'entêter à terminer leurs tâches. Ceux qui sont ici, ont presque tous le mental. Sauf celui qui a démissionné après une dépression. On ne dirait pas, mais le FBI est plutôt sombre comme univers. Ici, il n'y a de la place que pour les autres. Pas pour les sentiments, ni pour les regrets. Si tu dois sauver une vie que tu juges innocente, tire. Net. Appuie sur la gâchette sans même réfléchir aux regrets qui t'assiègeront. C'est comme ça que ça fonctionne.

Plusieurs fois j'ai vue faire. Et au fond de moi, je sais que ma main n'appuiera jamais la détente dans le but de tuer.

Même si c'est pour ma vie.

Elle en vaut moins que toutes les autres.

Je ne vis que parmi les ombres des vivants. Je ne suis pas vraiment présente. Ni famille, ni amis. Ça me ferai presque rire. J'ai appris à tout masquer avec des rires, mais je crois qu'avec le temps, j'ai fais de mes peines des émotions positives.

Et ce n'est pas plus mal.

Je déambule dans l'immense pièce où les bureaux sont positionnés en cercle. Certains sont vides, et celui de Wyatt est le plus privatisé. Il se trouve dans un long couloir.

Je m'en vais vers la porte pour sortir d'ici et remonter au rez-de-chaussée.

Je vais m'en aller, c'est pas comme s'il était 22h.

J'appréhende toujours le moment de rentrer et de me trouver devant le frigo.

Ça me broie de l'intérieur.

Mais je le fais tous les jours, j'ouvre et je mange. Bien que rarement, je le fais. Parce que comme je l'ai dit : je prends la peur et je la mange comme une pomme.

Sinon, c'est elle qui me mangera.

Je remonte rapidement. Des yeux se posent sur moi mais plus personne n'est étonné de me voir ici.

En fait, certains n'ont même pas accès au sous-sol.

Je ne travaille pas du tout ici, je squatte comme je vous l'ai dit. Je viens, je déambule comme si ce secteur appartenait à mon père, je fais chier le monde mais j'en distrait plus d'un, ça suffit à les faire supporter ma présence. Mais le fait que je suis leur seul recours pour des affaires dites « secrètes » et « dangereuses » garantit ma présence.

Je dois avouer que j'ai de la jugeote, et que je suis plutôt débrouillarde.

Comme l'a dit Wyatt précédemment : je ne me soucie pas du danger, donc perdre la vie m'importe peu. Et le FBI s'en fiche d'une vie qui peut leur rapporter une victoire et des éloges.

Ils m'offrent des récompenses, mais en réalité je m'en fiche. Ce qui m'intéresse, c'est la liberté que j'ai lorsque je fais ce qu'ils me disent.

La liberté d'avoir un flingue, de voyager dans un autre pays même si je n'ai pas de papier. Une apatride, rien de plus. De courir pour ma vie et de me sentir un peu... vivante.

Mes pas longent l'accueille et je sors rapidement. Le soleil s'est déjà couché depuis belle lurette, comme toujours en Octobre.

Je mets immédiatement mes mains dans les poches de ma doudoune blanche et mon regard se rive une seconde sur mes superstars blanches.

Même mes chaussures sont des stars.

Je relève la tête et soupire, la fumée dû au froid se dissipe lentement dans la pénombre. Il y a encore du monde à cet heure-ci, principalement des travailleurs.

J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles comme à mon habitude et fonce droit vers Adams Morgan.










AMRA ; Alkhayin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant