➪ Prologue.

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Amra.






États-Unis.
Washington D.C.
3 Octobre.






C'est apaisant...

Un peu douloureux, mais j'aime bien la sensation.

Le son harmonieux de la musique qui passe en boucle dans mes écouteurs me fait du bien. Même si elle cogne très fort à l'intérieur de mon crâne à cause du volume considérablement fort.

Je rabats la capuche de mon hoodie sur ma tête, mais je laisse ma tresse noire visible.

Je croise quelques personnes qui marchent aussi.

Certaines filles sont accompagnées et me jettent de sales regards.

Je souris aux quelques personnes qui ne me regardent pas avec autant d'animosité. Certaines filles sont seules... peut-être qu'elles fuient comme moi.

Un papa violent, le silence pesant de leur maison, les critiques incessantes de leurs familles.

Peut-être quelque chose comme ça...

Je ne peux pas m'empêcher de ruminer et d'avoir de la peine, alors que je ne connais personne ici. Faut dire que Washington c'est plutôt grand, on y voit constamment de nouvelle tête.

Soudain,

Mon cœur tressaute et mon doigt commence à planter son ongle dans le dos de ma main gauche enfoncer dans la poche de mon hoodie.

Il y a une ombre derrière moi...

Malgré mon cœur qui s'accélère, parce qu'honnêtement, il y a de la place partout sur le trottoir. Pourquoi venir marcher derrière moi ?

J'arrête la musique et je fixe l'ombre sans m'arrêter, gardant un rythme régulier.

J'espère trouver une épicerie, ou quelqu'un, au moins.

Mais l'heure est tardive. Il est 3h45 du matin.

Mama va me tuer.

Il n'y a pas de bus pour que je puisse rentrer. Et puis de toute façon, je sais qu'elle se fiche de ce qui peut m'arriver. Qu'une fois rentrée elle me criera dessus pendant une bonne demi-heure en me crachant les mots les plus amers et cruels qu'on peut balancer à sa fille.

Il me suit toujours.

J'avance vers le bord de route. Il y a très peu de voiture. Je regarde de gauche à droite, pour l'apercevoir du regard.

C'est un homme plutôt âgé, dans la trentaine. Les cheveux en bataille, le ventre bedonnant, plutôt petit de taille, il boite, mais ses yeux retiennent mon attention...

Il...

Pleure...?

J'enlève discrètement mes écouteurs et les range à mon cou.

Il s'approche de moi.

La peur s'est un peu dissipée, même si elle est toujours présente.

— Madame...

— B-b..bonsoir, je peux vous aider ?

J'ai l'impression de parler de sorte à ce que personne ne m'entende.

Il hoche la tête alors qu'une larme glisse.

Mon Dieu...

— Oui... s'il vous plaît... je veux rentrer chez moi, mon fils... il-il est tout seul, me dit-il.

Immédiatement, mon cœur se serre à l'entente de ces mots.

Il a besoin d'aide...

— Mais je ne peux pas rentrer seul, j'ai perdu ma canne, je ne peux pas marcher normalement, aidez-moi, je vous en prie ! Il a 4 ans...

J'imagine son fils, seul, mort de peur. À un si jeune âge... si je ne l'aide pas, ils leurs arrivera quelque chose.

Mais c'est dangereux...

Je ne suis plus tout à fait rationnel, pas quand on sollicite mon aide. Je ne sais pas dire non, il sera blessé et puis il demande seulement mon aide...

Non, non.

Amra, c'est une mauvaise idée.

Mais...

Je suis mitigé. Parce que je suis plus penchée vers l'idée qu'il ment, mais peut-être que non...

Qu'est que je fais ?

Ne le fait pas attendre, vite.

— S'il vous plaît...

— D'accord, je vais vous aider...

Là, se trouve ma première erreur.

Je suis en train de porter un inconnu sur mes bras. Un homme, qui a laissé son fils de 4 ans livré à lui-même. J'ai envie de lui dire que le fait qu'il me touche me dégoûte, étant donné le fait que je déteste le contact physique.

Mais il pourrait se vexer... et puis, j'ai accepté.

J'ai aussi envie de partir loin, de courir mais ce petit garçon est peut-être réel. Je n'ose rien faire ni dire.

Mes craintes se bousculent et plus nos pas se succèdent dans une rue froide et sale, plus je me dis que je m'approche volontairement de mon sort.

Mais je ne dis rien...

Je garde ma respiration calme.

Rien n'arrivera.

C'est ironique. Les gens fuient la mort, moi je m'approche à grand pas d'elle. Pensant naïvement faire bien.

— C'est ici.

Je le relâche, ses larmes crocodiles ont séché immédiatement après que j'ai accepté de l'aider.

Je souris discrètement. Mon sourire n'atteint pas mes yeux mais je me sens un peu soulagé de pouvoir partir.

J'allais m'avancer pour espérer quitter cette rue lugubre mais :

— Attendez, madame !

Je m'arrête net.

Là, est ma deuxième erreur.

Mon cœur tressaute.

Ça va aller.

Calme.

Je comprends immédiatement qu'il m'a menti et que ses intentions ne sont pas complètement dénuées de malveillance lorsqu'il s'avance rapidement vers moi, sans boiter. Normalement.

Mes yeux ne descendent pas une seconde vers ses jambes qui semblent en parfaite santé. Si je le fais, il comprendra et Dieu seul sait ce qu'il me fera.

Je vais faire comme si de rien n'était.

Calme.

1... 2... 3...

Mon cœur ralenti.

Il reprend ses soubresauts lorsque la main de cet individu vient se poser sur mon bras.

— Merci, c'est vraiment gentil.

Un sourire forcé prend place sur mes lèvres, il n'atteint pas complètement mes yeux mais assez pour qu'il me laisse tranquille.

— Montez avec moi, madame. Je peux vous offrir de l'argent ou autre chose...

Quoi ?

De... de l'argent ?

Autre chose ?

— Non, non. Ça va aller, vraiment. Je vais rentrer.

— Aller, montez. Je tiens à vous remercier, madame.

Arrêtez de m'appeler madame.

J'ai 16 ans... pas 30.

— Ça va aller, au revoir.

Je me retourne et commence à presser le pas.

Il a compris que j'avais compris.

Là, est ma troisième erreur.

Mais celle-ci, est fatal.

Celle-ci, va me conduire tout droit vers l'enfer.

Mais ça, je ne le sais pas encore.

Comme quelques minutes avant, je parviens difficilement à voir son ombre me suivre. Mais cette fois-ci, il ne barrera rien d'un mensonge.

Ses intentions, sont claires.

Elles le sont peut-être depuis le début, mais j'ai préféré laisser mes émotions et mon manque de courage prendre le dessus.

— Attendez !

Sa voix a été plus brusque et ferme.

Il ne laissera pas place à la contestation.

J'allais commencer à courir.

Vraiment courir.

Mais il m'attrape brutalement. Je ne touche même plus le sol. Je suis collé à son torse et ça me répugne, je le sens grogner de mécontentement face à mes cris et je me débats, ça n'a pas vraiment l'effet attendue mais j'essaye. J'essaye vraiment.

Sa force et plus importante que la mienne. Il m'emporte avec lui alors que je cris tellement que mes cordes vocales s'usent. Mon cœur pompe violemment, il cogne fort, fort, fort.

J'ai mal.

Mal. J'ai mal.

Pourquoi je suis ici ? Et-et...

Non, non. Pourquoi je l'ai aidé ?!

Qu'est qu'il va me faire ?

— LÂCHEZ-MOI !

Il plaque sa main pâteuse sur ma bouche et mon premier réflexe est de la mordre violemment. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, il ne m'a pas lâché ! Ça a suffi à faire accélérer les battements de mon cœur, qui, je pensais ne pouvais pas être plus rapide.

Je ne sais pas si c'est à cause de mon hypersensibilité ou non si j'ai décidé de l'aider et que je n'ai pas osé le vexer en refusant. Je ne sais pas non plus si c'est à cause de cette peur que ma respiration se coupe brutalement et que j'ai envie de faire cesser mon cœur tant il cogne.

Ça me rend folle. Arrête de cogner aussi fort...

Arrête.

— Eh, eh, eh ! Ouvre là encore et je te tue ! Tu comprends, ça ?! Ferme-moi ta putain de bouche de suceuse !

Il a craché ses mots avec une vulgarité et une haine palpable.

Je ne lui ai rien fais.

Rien !

Mes jambes bougent, tellement que je sens des douleurs.

Mon souffle saccadé pourrait s'entendre à des kilomètres tandis qu'il me monte dans des escaliers sombre, je n'ai toujours pas effleuré le sol. Il a l'air miteux et... putain, qu'est qu'on fait là ?!

Qu'est que...

Pourquoi je suis ici ?

Pourquoi ?!

J'ai envie de hurler, fort. Pour que tout le monde entende ce fils de pute qui est en train de me kidnapper dans son repère de rat !

Mais sa menace tourne dans mon esprit.

Elle tourne, en boucle alors que ses pas nous mènent vers une porte.

— AIDEZ-MOI !

Cette fois, j'ai hurlé.

Moi-même ça m'a choqué. J'ai même senti mes cordes vocales et ma trachée s'assécher tant mon hurlement était puissant.

Il a ouvert une porte et m'a jetée violemment par terre. J'ai presque atterri à l'autre bout. Je me suis écrasé sur mon flanc gauche et ma tête a cogné le sol.

Ça m'a sonné une seconde, pas une de plus.

Je me suis relevé rapidement, les larmes perlantes.

Mes yeux ont quand même pris le temps nécessaire, bien qu'extrêmement court à cause du corps de ce fou qui pouvait se jeter sur moi à tout moment, pour analyser la pièce.

Ça me fige.

Drogue, billet arraché, le corps d'une femme inerte, acide...

Il y a des... on dirait des matériaux scientifiques, un brancard, des sangles.

Cette-fois, mes yeux se sont écarquillés.

J'ai vu une fenêtre.
J'allais courir pour sauter. Peut-importe l'étage, je n'en ai vraiment rien à foutre.

Parce que je préfère mourir en tombant que de mourir ici, ou de mourir sous l'effet de mon cœur qui tape très violemment.

Le sol se dérobe, il va me faire de sales choses et je ne veux pas imaginer pourquoi ce matériel est là...

Ni ce qu'il en fait...

Le... le... corps de l-la femme...

Elle est morte ?

Elle...

Un deuxième hurlement strident à quitter la barrière de mes lèvres et il m'a attrapé par les cheveux en me cognant la tête au sol. J'ai attrapé sa main et j'ai continué d'hurler.

Elle est morte.

On dirait que le sol se dérobe, je ne sens même pas la douleur. Je sens juste le ma cage thoracique se compresser et les murs qui se rapprochent dangereusement de moi.

— Inutile d'hurler ici. Les murs sont bien faits et les voisins sont très discrets. J'ai choisi cet endroit exprès ! Pfff, les gens disent que les scientifiques sont bêtes.

Son sourire...

Il a vraiment l'air sincère...

Mais son regard...

Il est psychopathe.

Ce n'est pas une supposition. J'en suis sûre. Il l'anime un regard fou et un éclat meurtrier.

Pas de colère, il est fou.

Je suis avec un fou...

— Mais lâchez-moi !

Ma voix a baissé d'une octave. Parce que mes cordes vocales me font mal, il a rigolé en me disant que la blague était drôle.

La pression et la peur monte considérablement lorsqu'il m'attache avec les sangles de ce... c'est quoi ça ? Je ne me suis jamais débattu aussi fort qu'aujourd'hui. Tout en essayant d'oublier la femme qui gît au sol.

Je ne donne vraiment pas cher à ma peau.

Je ne donne même rien.

Pas même un centime.

Les sangles condamnent mes membres et je n'ai pas retenue mes larmes plus longtemps.

Mon cœur me fait souffrir, peut-être encore plus. Je me demande comment c'est possible qu'il batte encore. Ça fait mal. Je n'aime pas supporter cette peur et...

Je veux simplement ne plus ressentir ça.

— J'ai dit que j'allais te montrer mon fils ! J'arrive.

Sa voix enjouée s'est éloignée autant que son corps crasseux et petit.

Alors j'ai encore essayé de dégager ces sangles mais rien à faire. Ça me donne encore plus envie de pleurer.

C'est un cauchemar...

Je vais me réveiller.

Oui, oui, oui. C'est ça.

Aller.

Rien n'est réel.

Mais tout est réel lorsqu'il réapparaît.

Ce n'est pas lui que j'ai fixé, mais bien le corps mort d'un petit garçon de 6 ans, tout au plus. Ses habilles sont sales et son visage... il...

Je pousse un cri d'horreur pendant que mes larmes redoublent.

J'en ai poussé plusieurs. Ça ne s'est pas arrêté avant que je ne perde ma voix.

Son visage...

Il...

Il lui manque des parties de son visage...

S-sa... bouche.... Et son... œil.

— Pitié, lâchez-moi ! AIDEZ-moi !

J'ai crié inlassablement malgré ma voix et ce qui m'a stoppé c'est une violente quinte de toux à cause des irritations au fond de ma gorge. Mes larmes m'étouffent et c'est atroce comme la douleur m'accapare tout entière.

J'attendais une chose : oublier ces horreurs.

Jamais, jamais, jamais j'allais supporter de voir ça.

Si je sortais d'ici vivante.

Ce qui est peu probable. Mais déjà à cet instant, l'image hante mes pensées, son corps ressemble à une vulgaire poupée qu'on a cassée.

Ça fait mal.

Je ne vois plus rien à cause des larmes.

Ce n'est pas vers la mort que j'ai marché...

C'est vers mon enfer.

J'ai su, quand il a jeté ce corps par terre et qu'il a commencé à trifouiller dans une trousse, que jamais j'allais ressortir d'ici vivante.

J'ai prié intérieurement pour que mon cœur s'arrête.

Mais mon regard est resté figé sur ce garçon à qui on a brutalement et injustement arraché la vie. Aux fins de quoi ? D'un scientifique fou, qui en veut probablement au monde. Qu'est qui nous a mener ici ?

J'espérais qu'il me tue, sans souffrance.

Voir ce corps est pire que la mort. Je ne peux pas supporter ça. Il lui manque un œil, sa bouche, une oreille, une main...

Scientifique...

On dit que les scientifiques deviennent souvent fous.

Cette nuit froide et sinistre où j'ai laissé mes émotions prendre le dessus ont signé le début d'un calvaire, peut-être la fin de tout. En tout cas, jamais je n'allais ressortir indemne. Et je sais, que s'il me laisse sortir d'ici, avec peut-être une jambe en moins... j'allais me laisser mourir. 

Comment vivre après avoir vue ça ?

Comment vivre normalement ?

Ça à sceller le début de tout, même celle de la fin.

Ses yeux teintés d'éclat de folie ont trouvé les miens. Des frissons ont parcouru mon échine alors que je me suis paralysée en espérant mourir.


— Tu vas tellement aimer ce que je vais te faire !











AMRA ; Alkhayin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant